Alban Peltier dirige AntVoice, spécialisée dans le ciblage
prédictif en ligne construit sur la base d'une intelligence artificielle.
antvoice.com
Actuellement, la publicité digitale, malgré ses 20 ans d’âge, demeure très manuelle et prend peu en compte les besoins et les intentions des consommateurs. Nous sommes encore dans l’ère du ciblage de masse, souvent basé sur des segments approximatifs qui ne prennent pas en compte les besoins individuels.
En la matière, l’IA permet de rebattre les cartes. La technologie peut permettre d’adresser des messages publicitaires susceptibles d’intéresser chaque internaute. En ce qui nous concerne, nous exploitons une solution d’IA pour mener des campagnes publicitaires et réaliser de l’acquisition de nouveaux clients. Notre coeur de métier est la vente de campagnes publicitaires mais nous nous distinguons des régies commerciales dans le sens où notre travail est exclusivement basé sur l’IA et le machine learning. La moitié de notre équipe se concentre sur la partie R&D et statistiques. Elle a réussi à développer une série d’algorithmes qui permettent d’optimiser les performances des campagnes. On compte plusieurs algorithmes qui sont déployés à 3 moments clefs : avant, pendant et après la campagne.
En amont de la campagne, le premier algorithme mesure l’intention d’achat via l’analyse de signaux faibles sur le comportement des internautes, tels que les visites de pages, des blogs, des articles de média, avec leur consentement, c’est-à-dire via l’acceptation des cookies sur chaque site web. Nous posons un tracker sur le site de l’annonceur pour identifier le comportement des internautes sur le web avant et après être allés sur le site de l’annonceur. Ce sont des milliards de pages web qui sont alors analysées et pour lesquelles nos algorithmes vont nous permettre de déterminer les parcours susceptibles de déclencher un achat sur un produit en particulier. Ce sont des algorithmes de prédiction d’achat. Pour cela, nous déterminons un score de 0 à 100 entre une marque, un internaute et un produit.
Le deuxième algorithme mesure la qualité de l’emplacement publicitaire. Il nécessite de parcourir (« screener ») des milliers d’emplacements publicitaires : un pavé sur une page d'accueil ou une bannière par exemple. L’objectif est d’identifier les performances des emplacements. Est-ce qu’ils sont suffisamment visibles ? Est-ce que les internautes cliquent dessus ? Si oui, est-ce qu’ils visitent le site internet ? Cela nous permet d’identifier annonceur par annonceur, les emplacements qui sont les plus qualitatifs pour pouvoir se concentrer sur ces emplacements. C’est de l’apprentissage en permanence, de l’algorithmique pure qui nous permet d’avoir une cartographie du web pour estimer l'intérêt des sites web en fonction des marques et des produits.
Par la suite, durant la campagne publicitaire, un autre algorithme entre en jeu pour optimiser la campagne. Rappelons que dans le domaine la majorité des campagnes sont gérées manuellement : créer des segments, choisir les sites de diffusion, les bannières utilisées, etc. Nous ne procédons pas ainsi chez AntVoice. Nous préférons donner des instructions à l’IA. Par exemple : la campagne Y dure X temps pour tel objectif et nous disposons de telles et telles données de départ. L’algorithme optimise seul la campagne. Les performances sont bien meilleures qu’avec un travail effectué manuellement. Toute l’optimisation est gérée individu par individu par la machine grâce à la donnée qui nous permet d’anticiper si cet individu à une intention d’achat et s’il est potentiellement intéressé par le produit que nous allons lui proposer. Si l’individu présente un score trop faible, nous n'achèterons pas le contact, car il n’y a aucun intérêt à lui proposer un produit qui ne l'intéresse pas.
Enfin, toujours pendant et après la campagne, nous déployons un algorithme de machine learning qui permet d’apprendre à chaque fois des comportements des internautes afin d'optimiser en
permanence notre système. Aujourd’hui dans le monde de la publicité digitale, lorsque nous créons une campagne avec les outils traditionnels, nous identifions des segments qui comportent des caractéristiques très précises.
Par exemple : un groupe d’hommes, âgés de 50 ans, qui aiment la voile, CSP+ et qui habitent en province. Ce mode de fonctionnement n’a plus de valeur. A l’heure actuelle, le comportement des gens est spécifique à leur situation personnelle. Mettre des gens dans des cases en pensant qu’ils auront le même comportement est une hérésie. Pour le ciblage, AntVoice propose une gestion individu par individu, ce qui nous semble plus pertinent et efficace.
Nous utilisons que de la donnée comportementale sur consentement. Ce sont des données anonymes. Nous ne pouvons pas savoir qui est la personne en face de nous. Nous n’utilisons pas de données géographiques, ni des données type email ou d’autres sources permettant de récupérer des données externes. Nous travaillons majoritairement avec des signaux faibles. Sur le moteur de recherches Google, lorsqu’un internaute effectue une recherche très précise, nous pouvons parler de signaux forts. Sur l’Open Web, nous ne disposons pas de ce genre d’informations. (Note de la rédaction : l’Open Web regroupe tous les sites média, ceux des annonceurs, les sites marchands, etc.)
Nous récupérons les données des catalogues produits. Nous recevons un flux de produits, soit l’ensemble du catalogue soit une partie des catégories de produit. Nous créons ensuite un item graph qui nous permet d’identifier une intention pour chacun des produits. Nous ne raisonnons pas au niveau de la marque mais au niveau d’un produit du catalogue.
Prenons un exemple : si vous avez 10 000 produits, nous regardons si la personne est globalement intéressée par la marque. Si oui, dans les 10 000 produits, quels sont ceux qui sont les plus intéressants pour cette personne-là ? C’est ce dispositif qui nous permet de faire une recommandation de produit pour chaque individu. Nous effectuons une sélection de 4 produits en fonction de la personne, et nous les faisons tourner. Selon le comportement constaté, nous adaptons les propositions de produits pour éviter l’effet de « retargeting ». C’est bien un algorithme qui gère cette partie – et pas un humain.
Oui. Notre IA va calculer quel est le meilleur format publicitaire en fonction des individus. Nous disposons d’un modèle qui est toujours en cours d’optimisation, qui permet de prédire la meilleure visualisation des bannières selon chaque individu : disposition des éléments, informations tarifaires et tous les autres éléments graphiques qui peuvent varier. Nous partons du principe que si nous voulons intéresser l’internaute, nous devons lui montrer des publicités intelligentes et qui le concerne, ce qui génère de meilleurs résultats.
Si l’on prend de la hauteur, le monde du digital se divise aujourd’hui en deux parties. D’un côté les
géants du web (Google, Apple, Facebook, Amazon, etc.); de l’autre côté l’Open Web. Les internautes passent, à pourcentage égal selon les tranches d'âge, autant de temps sur les sites des GAFA que sur l’Open Web !
Or ce sont 75% des budgets qui sont investis chez les GAFA et le système commence à saturer. C’est pour cela que l’on ne s’intéresse pas à cette partie du web qui est surinvestie. Il est impossible de travailler intelligemment sur ces plateformes qui délivrent peu d’informations chiffrées et de feedbacks pertinents sur les campagnes publicitaires. Nous travaillons exclusivement sur l’autre partie, c’est à dire l’Open Web. Nous gérons différents formats publicitaires, bannières, publicités natives, des vidéos etc. Nous devons être agnostiques au besoin et chercher à savoir si la personne à un réel intérêt pour le produit que nous lui proposons. Ce qui est important ce n’est pas le format, mais le besoin des utilisateurs. Nos algorithmes se chargent d’identifier quel format sera le plus adapté à l’internaute.
Les acteurs de la publicité digitale et du marketing digital en général doivent évoluer. Notre constat est double : d’une part nous assistons à une croissance des budgets digitaux de 14% voire 20% tous les ans. De l’autre côté, nous constatons que les scores d’adoption et les scores de satisfaction publicitaire sont en chute libre.
Aujourd’hui, quasiment l’ensemble des français est sur le web et plus d’un tiers d’entre eux a installé un adblocker sur le PC - dont 50% chez les jeunes. Le constat est clair : de moins en moins d’internautes sont exposés aux publicités. Il y a de plus en plus de pubs et de moins en moins de performance : nous mettons plus d’argent sur moins de personnes avec moins de performance au bout du tunnel. Ce rythme n’est pas tenable. Si nous manquons de proposer des expériences publicitaires qualitatives, nous aurons de moins en moins de personnes qui aimeront la publicité digitale ce qui deviendra un problème plus global. Il faut se recentrer sur le besoin du consommateur. Montrer 10 fois le même produit à un internaute qui n’a jamais cliqué sur la publicité est inintéressant et agressif. Ce type de pratique doit disparaître. C’est à mon sens tout le marché du digital qui doit se réinventer en accordant davantage de respect à l’internaute.
Le piège serait de penser que l’IA est omniprésente. C’est un fantasme. Cette technologie requiert des interventions humaines. En ce qui nous concerne, bien que la gestion soit automatisée, nous réalisons et continuerons à réaliser des supervisions. Nous donnons un brief à nos algorithmes et nous essayons d’identifier si les supputations que nous effectuons se réalisent ou pas. C’est la même situation que l’on rencontre dans une usine : une machine effectue le montage d’une voiture de façon automatisée mais à la fin un technicien effectue des vérifications et des tests. Pour l’IA, c’est la même chose : c’est un mélange d’IA et d’humain.
Ainsi, bien qu’il s’agisse d’une crainte partagée dans l’inconscient collectif, l’IA ne remplacera pas l’humain. L’IA permet d’automatiser des tâches récurrentes, souvent à faible valeur ajoutée qui mobilisent temps et énergie, dans le but de libérer du temps d’analyse, pour prendre de la hauteur et se concentrer sur ce qui compte. C’est dans ce sens que l’on peut lire ou entendre que l’IA redonne du temps et de la valeur aux équipes.
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