Vincent Gire dirige calldesk, une entreprise spécialisée
dans le développement de « callbots » capables d'automatiser le traitement
des appels téléphoniques répétitifs dans les centres de contact.
calldesk.ai
Nous développons des agents conversationnels virtuels (callbots) pour les centres d’appel et services client. Ces outils de nouvelle génération peuvent prendre en charge les appels simples et répétitifs pour que les agents humains puissent se concentrer sur les appels à forte valeur ajoutée.
L’idée de départ de calldesk est simple. Nous étions frustrés, comme la plupart des gens, de la manière de procéder des services clients. Depuis la fin de mes études à Polytechnique, je suis passionné d’entrepreneuriat, et j’ai cofondé calldesk après avoir revendu ma société précédente au groupe Solocal. A la recherche d’un nouveau défi, celui des services client m’est apparu une évidence.
La première étape était de comprendre le problème et d’essayer d’en trouver l’origine. Nous avons fait des immersions dans des services clients et nous avons retrouvé un pattern que l’on voit assez souvent, c’est ce qu’on appelle le 80/20 : à eux seuls, 20% des appels reçus représentent 80% de la valeur délivrée par le service client d’une entreprise. Le reste, ce sont surtout des sollicitations répétitives : vous avez beaucoup d’appels qui sont des appels simples, pas forcément longs en durée : des questions du type « Où est mon colis ? », « Peut-on m’envoyer la facture ? », etc. Ces appels sont nombreux et encombrent le service client.
Nous arrivons à des mécaniques où les agents sont chronométrés pour qu’ils ne restent pas plus de X temps avec un appelant. Ils vont répondre à des questions simples, mais pour des problèmes plus complexes, quand vous avez réellement une difficulté à régler, ils se retrouvent limités car ils n’ont pas la possibilité de passer du temps avec le client.
Notre objectif a donc été de simplifier et de traiter ces appels simples. Ce que cherche l’appelant dans ce type de requête, c’est d’avoir une réponse le plus rapidement possible. Pas forcément de parler à un humain, mais ne pas attendre 10 minutes pour savoir où est son colis. En revanche, lorsqu’il a un problème plus complexe, le client souhaite parler à un conseiller pour traiter sa demande.
Nous nous sommes lancés le défi de pouvoir traiter en langage naturel les appels simples qui représentent la majorité des appels. Nous avons travaillé pendant longtemps sur des prototypes que nous avons pu tester auprès de clients pilotes, jusqu’à parvenir à tenir des conversations complètes en langage naturel pour répondre aux problématiques simples.
Aujourd’hui, nos agents virtuels sont capables de dialoguer en langage naturel sur des problématiques bien spécifiques. Les agents montrent d’excellents résultats sur les cas d’usage précis pour lesquels ils sont conçus. Ils sont en mesure d’avoir quasiment la totalité des interactions possibles, avec des conversations qui peuvent aller jusqu’à 5 minutes, comme un vrai dialogue.
Nous utilisons des technologies très récentes d’IA, qui est un terme de plus en plus galvaudé d’ailleurs, notamment du machine learning : on parle alors d’apprentissage à partir de beaucoup de jeux de données pour être capable de traiter des cas qui n’ont pas été vus à l’avance par le système, et s’adapter à ces cas-là pour toujours donner une réponse pertinente.
Aujourd’hui nous avons vraiment deux cas d’usages pour les callbots que nous développons. D’une part, le cas d’usage où nous allons traiter de bout en bout une problématique. D’autre part, le cas d’usage où nous nous positionnons en amont, au niveau de l'accueil, pour comprendre la problématique de l’appelant et pour la qualifier. L’objectif ici n’est pas
de traiter l’intégralité de l’appel, mais d’en automatiser le début afin que l’agent puisse se concentrer juste sur la problématique que vous avez et pas sur les deux premières minutes où il pose des questions de qualification répétitives. Dans les deux cas, cela libère du temps pour les agents, et les clients ont moins de temps d’attente : celui-ci peut même être complètement supprimé. C’est également plus valorisant pour les agents qui apportent leur expertise en se concentrant uniquement sur la résolution du problème.
Nous nous sommes demandés à plusieurs reprises comment allait être accueillie cette technologie auprès des agents, mais lors des immersions, lorsque nous nous sommes rendus dans les bureaux, ce sont eux qui nous ont suggéré des cas d’usages à faible valeur ajoutée dont ils souhaitent se débarrasser. Nous répondons donc à un besoin à la fois du côté de l’agent et des consommateurs. L’IA va permettre d’améliorer ces deux expériences.
Nous nous sommes focalisés sur les appels parce que nous préférions maîtriser un cas d’usage avant de nous lancer sur d’autres sujets, mais l’IA peut améliorer la relation client de nombreuses manières différentes. Le raisonnement qui s’applique aux appels se retrouve sur tous les autres canaux : comment faire en sorte que les employés, qui travaillent au sein de l’entreprise, se concentrent uniquement sur des tâches à forte valeur ajoutée et que le client en face ait une réponse plus rapide, que ce soit par un agent virtuel ou un agent humain ?
L’IA peut aider en automatisant tout ce qui a peu de valeur parmi les tâches de l’agent humain, pour permettre à celui-ci d’apporter de la valeur supplémentaire. L’IA permet en ce sens un meilleur service rendu aux consommateurs et une meilleure valorisation du travail des agents, puisque qu’ils peuvent se concentrer sur les tâches qui mettent à profit leur expertise.
En général, pour qu’une interaction avec
un service client soit satisfaisante, deux éléments sont nécessaires :
• Le premier aspect est transactionnel : si vous appelez le
service client avec un problème ou une question, vous souhaitez avant tout
obtenir une réponse rapide et efficace, ou, a minima, vérifier que votre
problème va être traité.
• Le second aspect est expérientiel : si l’appel en lui-même
est agréable, que vous obtenez une réponse professionnelle et efficace, et que
l’agent est à l’écoute, il y a de grandes chances que cela augmente votre
satisfaction et que vous en parliez autour de vous. C’est la force des bonnes
expériences client.
L’IA peut résoudre toute la partie transactionnelle : j’ai un problème, on m’apporte une solution qui va permettre à l’humain de se concentrer sur la partie émotionnelle en faisant preuve d’empathie.
L’IA peut en partie être utilisée pour gérer l’aspect émotionnel, mais ce n’est pas sa vocation première. Dans les centres d’appels, il existe aujourd’hui des systèmes qui essaient de comprendre l’émotion de
l’appelant pour remonter vers les agents un appel mal géré, par exemple. Chez calldesk, ce n’est cependant pas la priorité aujourd’hui. Nous considérons que l’IA ne sera jamais meilleure qu’un humain pour réagir aux émotions d’un interlocuteur, sous peine de rentrer dans ce qu’on appelle « la vallée de l’étrange », une théorie d’un roboticien japonais selon laquelle plus un robot déploie des caractéristiques humaines, plus ses imperfections vont nous sembler monstrueuses. Typiquement, si je parle à un robot dans le cadre d’une véritable conversation, et qu’il croit comprendre que je m’agace alors que ce n’est pas le cas, l’expérience sera d’autant plus troublante et décevante.
Notre positionnement c’est : je suis un robot, je l'assume, je ne fais pas semblant de comprendre tes émotions parce que je ne suis pas un humain. Nous annonçons clairement que nos callbots sont des robots, et ceux-ci ne font pas semblant de comprendre plus que ce que leur permettent leurs capacités.
Vous avez raison, surtout sur notre marché, nous assistons de plus en plus à ce phénomène. En 2016 nous avons été les premiers en Europe à faire des agents conversationnels pour les centres d’appels. Aujourd’hui, nous voyons émerger des concurrents sur ce marché. Pour la plupart, ils exploitent les technologies des GAFA, tels que les assistants vocaux (Alexa, Siri…) et les mettent au service des centres d’appels. Dans ce cas, faut-il considérer que ces entreprises font de l’IA ?
C’est une question assez compliquée de définir l’IA au niveau technologique. Le terme est certainement galvaudé, et même parfois employé à tort. Il y a de belles technologies qui émergent, ça ne signifie pas qu’elles s’appuient toutes sur l’IA. L’IA peut être une simple stratégie marketing, une manière de faire apparaître son produit comme plus moderne et innovant. Si je devais mettre une limite, je m'interrogeais sur : est-ce que la technologie en elle-même apprend ? Est ce qu’elle utilise du machine learning ? Parce que c’est vraiment ça qui a permis de faire un bond dans les capacités de compréhension.
Ensuite, dans les technologies de machine learning vous avez différents niveaux : le machine learning classique, où il y a de nombreux algorithmes différents, et depuis quelques années, le deep learning, qui est du machine learning dont les réseaux de neurones n’ont pas une couche, mais plusieurs couches.
Finalement d’un point de vue strictement
technique, j’aurais tendance à identifier 3 catégories dans l’utilisation de
l’IA :
• Les entreprises qui se contentent d’agréger des technologies basées sur
l’IA et qui récupèrent le terme ;
• Celles qui utilisent du machine learning, mais pas du deep learning ;
• Et les plus avancées, qui utilisent du machine learning et également du
deep learning.
La valeur technologique réside surtout dans les deux dernières catégories ! Si nous ne créons pas de technologie, je ne vois pas comment nous pouvons parler d’IA. Et si nous créons une technologie qui n’est pas capable d’apprendre, ce n’est pas non plus de l’IA. Concrètement, cela s’apparente plus à du marketing qu’à de la contribution à l’IA.
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