Pierre Emmanuel Dumouchel est CEO de la startup DessIA
spécialisée dans l’automatisation dédiée à l’ingénierie.
dessia.tech
DessIA est spécifique à l’automatisation du travail des ingénieurs. Le travail de l’ingénieur est assez récurrent et requiert du temps homme. Par exemple, designer un sous composant d’un moteur prend des semaines et est réalisé de façon artisanale. Si nous voulons diviser par 5 voire par 10 le temps de réalisation d’une partie d’un véhicule d’un avion complet ou d’une fusée, il faut être capable d’automatiser ces morceaux et faire des bots.
DessIA propose une plate-forme, une sorte de kit de développement logiciel (ou SDK, abréviation de Software Development Kit) qui est un ensemble d’outils d’aide à la programmation. Nous faisons des workflows : d’abord je design telle chose, après je fais telle chose, après telle autre chose et ainsi de suite. C’est ce que nous appelons notre « bot ». Pour faire une boite de vitesse par exemple, les workflows sont très complexes et viennent reproduire la façon dont l’ingénieur travaille. Nous cherchons à créer des automates capables de reproduire la façon de penser de l’ingénieur. Nous travaillons majoritairement en France pour des industriels de taille mondiale tel que Safran, Airbus, Peugeot, PSA et Renault.
Notre positionnement sur l’IA est simple. Nous défendons le parti pris qu’en matière d’IA on compte deux mondes : l’IA statistique et l’IA déterministe.
L’IA statistique : c’est ce que font les gens avec les réseaux de neurones comme Facebook, Google et les autres. C’est un peu l’IA « mainstream » que l’on trouve partout. Nous partons du principe que nous ne connaissons rien à un système, que ce système n’est pas intelligent et que nous avons des datas. Il faut ensuite partir de ces datas et être capable de construire un modèle.
L’IA déterministe, le modèle sur lequel nous sommes, c’est l’inverse. Nous n’avons pas de données, cependant nous avons des modèles. Les modèles c’est tout le savoir de l’ingénieur, c’est ce que l’ingénieur sait depuis des années, ce qu’il apprend en école d’ingénieur, ce qu’il lit dans des revues scientifiques, des équations ce genre de choses. Ça, ce sont des modèles, des choses tangibles qui existent. Pour passer des modèles à la data, nous utilisons des algorithmes.
Enfin, on peut aussi lire ou entendre le terme d’« IA hybride » qui est une IA à mi-chemin entre l’IA statistique et l’IA déterministe.
Chez DessIA, nous partons des modèles et nous identifions comment à partir de ces modèles nous sommes capables de générer de la data, toutes les hypothèses et toutes les façons de concevoir un système. Nous proposons une plate-forme agnostique, un langage de modèle, nous aurons une IA déterministe que nous pouvons appeler aussi « IA explicable ».
Oui tout à fait. Nous pouvons faire une analogie en prenant l’exemple de la photographie, où nous retrouvons Photoshop et Miro.
Photoshop c’est un design assez artisanal qui, pixel par pixel, permet de retoucher une photo. Miro est arrivé sur le marché et est venu grâce à l’IA automatiser le retraitement et la retouche photo.
Avec ce genre d’automatisation, vous avez un nombre de possibilités énorme qui s’offre à vous sur des potentiels tels que la réduction du temps de développement par exemple. Bientôt il va également y avoir la question de l’après-crise : comment va-t-on être capable de réduire les temps de conception ? Comment réinternaliser des activités en Europe et à moindre coût ? etc.
Nous parlons souvent d’un gain avec un ordre de grandeur de 30% en coût et en temps de développement.
Une entreprise peut décider d’installer 10 bots, 100 bots ou même beaucoup plus de bots. Ce pourcentage dépend beaucoup de son niveau d’automatisation. Chez PSA par exemple, vous pouvez faire le choix d’automatiser tel ou tel bureau d’études ou alors au contraire faire le choix de ne pas les automatiser parce qu’il y a une complexité et un savoir-faire qui sont difficilement captables par des modèles. Tout dépend où vous placez le curseur.
C’est le modèle qui est spécifique au client, ce qu’on appelle en ingénierie le MBSE (abréviation de Model-based systems engineering), une sorte de format de modèle. L'ingénierie des systèmes basée sur des modèles est une méthodologie d'ingénierie des systèmes qui se concentre sur la création et l'exploitation de modèles de domaine comme principal moyen d'échange d'informations entre ingénieurs, plutôt que sur l'échange d'informations basé sur des documents (source Wikipédia). Ce qui alimente notre IA ce sont ces modèles. Nous proposons en open source toute une façon de penser ces formats de modèles et nous proposons à nos clients de formater leurs modèles selon ce format. Notre IA est capable de s’alimenter de ces modèles là pour générer toute la data nécessaire.
Tout d’abord, gardons en tête que l’on compte trois étapes. La première étape est celle d’accompagner nos clients pour les aider à mettre à jour leurs modèles. Nous proposons un format open source et les clients construisent leurs connecteurs et font des updates pour que leurs modèles se calquent sur la façon dont on a structuré le modèle. Dans l’ingénierie il n’existe pas de format capable de décrire des modèles.
Un des prérequis pour aller sur ce terrain-là a été de proposer un format et une façon spécifique de structurer nos modèles. Vu que nous cherchons à démocratiser notre approche, nous avons fait le choix de mettre ces modèles en open source. La deuxième étape repose sur un accompagnement pour les aider à construire ce workflow mentionné précédemment, c’est-à-dire ce bot qui va être le séquençage de tout un tas de tâches. Enfin, la troisième étape correspond à celle où l’ingénieur vient récupérer toutes les datas générées par le bot. Il vient sur la plate-forme avec des outils de data visualisation et pour analyser un peu comme dans Dataiku ou Tableau Software, les données obtenues. Il fait des tris, du scoring, des clusturing etc.
En résumé, chaque application repose d’une part sur la construction du modèle, puis celle du bot et enfin un exercice de DataViz pour représenter l’ensemble des données afin que l’ingénieur puisse avoir une vision et décider. En termes de temps, un bot que l’on estime simple représente une semaine de travail pour un ingénieur. On peut compter jusqu’à trois mois de développement pour un bot jugé complexe.
Ce que vous dites correspond au monde de l’IA statistique évoqué ensemble. Cette IA n’est pas explicable parce que vous avez des données d’entrée, la data, et en sortie vous avez des modèles. Vous n’avez pas la main sur la construction du réseau de neurones.
Dans le monde de l’IA explicable, on a un réseau de neurones mais on a des modèles. Et les modèles on sait les expliquer parce qu’on les construit à la main : c’est le savoir de l’ingénieur. Lorsque l’on aura généré la donnée finale, alors on sera capable en détricotant l’algorithme de savoir pourquoi telle solution a été générée. Donc on est capable de l’expliquer.
Exactement. Dans l’IA statistique vous êtes obligé d'externaliser certaines tâches en Inde ou ailleurs pour que des petites mains viennent taguer des photos. Pour l’IA explicable c’est un peu pareil mais sur la construction des modèles, dans notre cas il s’agit de la construction et la formalisation des modèles par les ingénieurs. C’est une tâche à plus forte valeur ajoutée que simplement taguer des images mais c’est aussi une intervention humaine obligatoire pour chaque nouveau modèle. L’IA n’est pas « magique » : en IA statistique il faut taguer et en IA explicable il faut construire les modèles.
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