L'intelligence artificielle (IA) est riche de promesses pour les métiers du marketing : meilleure connaissance client, reconnaissance des émotions, contenus automatisés, données collectées en temps réel grâce aux objets connectés, ultra personnalisation des messages et de l'offre, pricing dynamique ou encore utilisation de chatbots pour réduire les coûts du support client.
L'intelligence marketing : la conception d'une stratégie marketing adaptée à l'environnement
L'intelligence marketing est définie comme un système développé afin de collecter, stocker, analyser et interpréter l'information marketing disponible dans l'environnement dans lequel se situe l'entreprise. Ce système a donc pour enjeu la conception d'une stratégie marketing efficace car adaptée à l'environnement, mais aussi de déterminer les circonstances qui la rendront efficiente lors de sa mise en application.
L'intelligence marketing revêt différents intérêts pour l'organisation qui sait la maîtriser. Tout d'abord, en mettant en place un tel système, l'entreprise met son client au cœur de son projet. L'objectif étant de mieux le comprendre pour mieux le satisfaire et donc le fidéliser. L'intelligence marketing permet donc de multiplier les sources de connaissances des cibles de clientèles afin d'obtenir un maximum d'informations sur celles-ci, notamment grâce à différents outils de collecte de données.
De son côté et dans un contexte marketing, l'IA peut être définie comme le fait de confier à une machine, un logiciel ou un ensemble d'algorithmes, une tâche qui ne peut être traitée par un humain ou qui ne pourrait être effectuée par un individu qu'à des conditions de coûts, de qualités ou de délais moins intéressants que ceux fournis par le dispositif d'IA. Dans certains cas, l'usage de l'IA peut également apporter un gain de fiabilité ou de qualité de traitement vis à vis d'un humain.
Les marketeurs qui ont implémenté l'IA ou qui s'apprêtent à le faire dans le cadre de l'intelligence marketing cherchent en premier lieu à améliorer l'UX et le ciblage (Enquête GOLEM.AI : Intelligence Artificielle et Marketing, état des lieux et projets. Enquête réalisée du 1er juin au 10 septembre 2018.). En effet, les premiers objectifs d'utilisation d'IA en marketing sont d'améliorer l'expérience client (75% des répondants), personnaliser / individualiser les messages (70%) et comprendre les comportements des consommateurs (65%). En seconde position, on retrouve parmi les objectifs les opérations de traitement de la data : exploiter les données des réseaux sociaux (61%) et traiter plus de données (60%). Enfin en dernière position les marketeurs placent l'usage de l'IA pour le prédictif (prédire les comportements d'achat et détecter les futures tendances de consommation) pour 45% d'entre eux.
En terme de déclinaison opérationnelle vis-à-vis de ces objectifs, on retrouve l'usage de l'IA dans trois domaines: l'acquisition de clients (analyse d'audience et segmentation, scoring et ciblage, identification visuelle du contexte), la transformation (personnalisation et recommandation, création de contenus, optimisations de sites et de supports, pilotage automatisé des campagnes) et la fidélisation (agents conversationnels, automatisation du programme client, analyse comportementale, calcul de l'attrition et prédictions).
Intelligence artificielle et acquisition : écoute, analyse des « bruits » sociaux et scoring de prospects
La convergence de l'IA et du big data liés aux médias sociaux va permettre de réaliser de réelles analyses prédictives des données disponibles et donc d'envisager des prédictions (en termes de comportements, d'attentes) les plus proches possibles de la réalité. Grâce aux capacités d'analyse proposées par l'IA, les entreprises vont pouvoir adapter leurs messages et leur offre de produits et services au plus près des attentes de leurs audiences cibles, affinant ainsi leur segmentation.
En parallèle, l'IA permet d'identifier les prospects les plus « intéressants » (ceux ayant la probabilité de transformer la plus forte) grâce, entre autres, à la méthode du « lookalike ». Cette méthode permet ainsi d'identifier une audience « ressemblant » à la clientèle de l'annonceur, c'est-à-dire partageant les mêmes centres d'intérêts, visitant les mêmes sites, les mêmes catégories produits… Des méthodes qui au final permettent d'optimiser les coûts d'acquisition.
Après le domaine de l'acquisition, le second où l'on retrouve l'usage de l'IA dans l'intelligence marketing est la transformation.
Intelligence artificielle et transformation : personnalisation et recommandation, création de contenus, optimisations de sites et de supports, pilotage automatisé des campagnes..
En termes de personnalisation et de recommandation, l'IA peut agir comme moteur de recommandation produit mais également au niveau de la tarification, les algorithmes permettant une tarification automatisée basée sur la demande.
L'IA peut ainsi identifier et proposer les produits (complémentaires, de substitution ou tout simplement de nouveaux produits) les plus pertinents au regard du profil du visiteur. Traditionnellement, la personnalisation était basée sur les données CRM, l'ajout d'IA permet aujourd'hui d'y ajouter de nouvelles variables, tels que la géolocalisation Indoor & Outdoor, la météo, les réseaux sociaux, l'historique de navigation. Deux objectifs sont ici poursuivis : l'augmentation des ventes et l'amélioration de la satisfaction client.
L'IA permet aussi de personnaliser en temps réel le prix de vente proposé en fonction du profil du visiteur (pricing dynamique), les algorithmes permettent en effet une tarification automatisée basée sur la demande. Le tracking, même si celui-ci est désormais plus difficile en raison du RGPD, permet de tracer le parcours du consommateur. Et donc d'identifier, par exemple, le nombre de fois où il va consulter une même fiche produit, se renseigner sur des sites généralistes traitant du produit et/ou de l'univers produit associé… Cumulées, ces variables permettent de comprendre l'intérêt du consommateur pour tel ou tel produit, et d'éventuellement en modifier le prix. Rendu possible par les progrès de l'analyse informatique, le pricing dynamique permet ainsi aux distributeurs de fixer les prix en se basant sur la capacité et la volonté de payer d'un client en particulier à un moment donné. Les prix sur certains sites et applications varient ainsi d'une minute à l'autre. Par exemple, Uber a introduit un algorithme de tarification très poussé qui permet de faire monter les prix automatiquement en période de pointe.
Pour ce qui concerne le contenu, l'IA permet à la fois d'en créer plus en termes de volume mais aussi de proposer un contenu très personnalisé.
Ces dernières années ont vu l'explosion des données consommateurs accessibles aux marketeurs. Cela a notamment permis aux marques de mieux suivre l'évolution des centres d'intérêt de leurs publics afin d'y adapter leur communication. Cette masse de données devrait continuer de croître de manière vertigineuse. A ce titre, l'IA permettra d'explorer ces sources d'informations diverses de manière toujours plus rapide afin d'y déceler des tendances invisibles, chose impossible pour un être humain. En parallèle, les producteurs de contenus seront mieux équipés pour couvrir les sujets du moment. En outre, ils pourront à terme créer de grandes « librairies » de contenus qui seront alors proposées en temps réel aux individus en fonction des tendances du moment et de leurs profils. Nous devrions donc aboutir à une masse de contenu disponible bien plus conséquente qu'à l'heure actuelle.
Disponible en plus grand nombre, le contenu devrait également être plus personnalisé grâce aux apports de l'IA. Les interfaces utilisateurs passives (ou IUP) collectent en effet en permanence des données comportementales grâce à nos objets connectés. En y appliquant des techniques de machine learning, elles peuvent fournir des enseignements précieux aux marques afin de créer des expériences consommateurs inédites. Certaines entreprises utilisent déjà les interfaces utilisateurs passives, comme Spotify, qui exploite les données issues des trackers de performances sportives afin de proposer des playlists sur mesure aux utilisateurs. De telles pratiques devraient permettre de créer des contenus et services adaptés à chaque individu, ainsi que de faire évoluer les stratégies de pricing en fonction des profils. Les données issues des interfaces passives peuvent même être partagées entre marques et entre catégories afin d'améliorer plus largement l'expérience consommateur sur tous les points de contacts.
Nous devrions ainsi à terme aboutir à un storytelling cross-device personnalisé. Et ce grâce au machine learning qui permet désormais aux marques de lier des conversations à des individus en particulier. Si les annonceurs possèdent déjà beaucoup de données propres sur leurs consommateurs, l'IA permet ici de relier un individu-donné à son device. Les marques peuvent ainsi ajuster leurs messages et leurs offres en fonction du contexte et du moment, avec un haut degré de précision. Cela permet d'automatiser leur dialogue avec les consommateurs grâce au programmatique cross-device afin de créer des expériences fluides, facilitant aussi bien l'achat que le ré-achat.
Dans une logique toujours d'ultra personnalisation, l'IA devrait également permettre de personnaliser le contenu en fonction des émotions du client. La démocratisation des smartphones et la montée en puissance des technologies de reconnaissance des émotions comme certaines caméras donnent aux marques la possibilité de proposer du contenu adapté aux comportements et à l'état d'esprit de leurs consommateurs en temps réel. Par exemple, des marques pourraient utiliser cette technologie afin d'offrir des expériences plus pertinentes basées sur les réactions des consommateurs.
Enfin et toujours dans le domaine de la transformation, l'IA permet également l'optimisation de sites et de supports. L'IA permet en effet de tester une multitude de zonings différents pour une même page, afin d'identifier la configuration la plus optimale. Dans la plupart des cas, les solutions reposent sur la technique de l'AB testing multivarié et le machine learning. L'intérêt est ici multiple et dépend du contenu optimisé. Dans le cas d'une fiche produit, on sera avant tout sensible au taux de transformation, dans le cadre d'une newsletter à son taux d'ouverture et à son taux de clic.
Après les domaines de l'acquisition et de la transformation, le dernier où l'on retrouve l'usage de l'IA dans l'intelligence marketing est la fidélisation.
Intelligence artificielle et fidélisation : agents conversationnels, calcul de l'attribution et prédictions
L'IA, plus particulièrement le NLP (Natural Language Processing) et le NLU (Natural Language Understanding), permet de créer des conversations entre l'homme et la machine. Plus précisément, le NLU permet d'analyser une phrase et d'en extraire le sens (l'intention) et éventuellement ses variables (les entités) et ce sous forme virtuelle comme par exemple les chatbots ou physique avec les robots serviciels.
Alimentés par l'apprentissage automatique, les chatbots permettent une interaction automatisée entre les consommateurs et les marques via des interfaces de messagerie. Malgré le fait qu'il existe des limites évidentes avec la communication automatisée, les chatbots peuvent aider les consommateurs dans la réalisation de tâches du quotidien comme les paiements ou la livraison. Les chatbots peuvent également aider les marques à réduire les coûts de support client et à faciliter le dialogue avec les consommateurs. Les insights provenant de ces conversations devraient aussi permettre aux marques de proposer des recommandations personnalisées à leurs consommateurs.
Nous devrions également constater ces évolutions dans le monde physique avec l'arrivée en nombre des robots serviciels dans les grands magasins. La technologie utilisée permet en effet aujourd'hui de combiner automatisation physique et digitale pour créer des robots de service capables de travailler aux côtés des humains. C'est dans la distribution et l'accueil que les opportunités les plus évidentes et immédiates apparaissent. Les robots serviciels fournissent des informations sur les prix et l'état des stocks. L'utilisation d'algorithmes en temps réel devrait même permettre d'offrir des réductions ad hoc et des produits connexes. Les possibilités pourraient s'étendre à d'autres secteurs tels que la santé ou les services à la personne.
Enfin et toujours dans le domaine de la fidélisation, l'IA permet également de prédire nos besoins mais également les ventes.
La recherche sur Internet se fait de plus en plus « prédictive » et fournit des recommandations sur mesure tout au long du parcours consommateur afin de nourrir aussi bien la considération que la conversation. Les moteurs de recherche intègrent désormais des facteurs comportementaux dans leurs recommandations grâce à l'IA. L'amélioration de leur capacité prédictive devrait offrir de belles opportunités aux marques, car anticiper les besoins des consommateurs permet de mieux les cibler avant l'achat voire de réaliser du cross-selling après l'achat.
Et la prédiction concerne également les ventes. L'IA permet en effet aujourd'hui d'analyser finement de nombreuses variables extérieures (ex. météo, réseaux sociaux, recherches effectuées sur les différents dispositifs digitaux de l'annonceur, volumes de vente…) afin de prédire les volumes de vente d'un produit. Les avantages sont nombreux et concernent avant tout la logistique (fabrication, stockage, transports…). Connaître l'impact de la météo sur les ventes de barbecues est un exemple concret qui permettrait de stocker en magasin un nombre idéal de barbecues. Connaître les modèles de robes ou de pantalons les plus likées, partagées… permettrait aussi de concevoir et de vendre sur le marché des modèles plus en adéquation avec les souhaits des consommateurs (trices).
Que ce soit dans les domaines de l'acquisition, de la transformation ou de la fidélisation, les apports concrets de l'IApour l'intelligence marketing apparaissent donc comme multiples et très variés. L'IA jalonne désormais toutes les étapes du parcours client et cette tendance de fond n'en est, semble-t-il, qu'à ses balbutiements… Un nouveau champ des possibles que les marketeurs se doivent d'exploiter au risque de se faire distancer. n