Si le test consommateur est l’outil privilégié pour appréhender les attentes des consommateurs, c’est seulement grâce à l’analyse sensorielle que l’industriel disposera des clés pour déterminer les axes d’amélioration sur lesquels travailler, pour proposer un produit représentant la réponse adéquate aux attentes formulées par les consommateurs. Il est donc capital, lors de la mise sur le marché d’un produit, de prendre en compte l’exhaustivité des paramètres sensoriels qui vont permettre d’améliorer le positionnement d’un produit. L’approche combinée Analyse Sensorielle / Test Consommateur est l’outil adapté pour assurer la réussite marketing et commerciale d’un produit.
L’analyse sensorielle : connaître votre produit et gommer ses limites
Demander à des consommateurs de donner leur appréciation sur un produit
n’est pas suffisant pour déterminer comment
l’améliorer.
Il est tentant de poser un grand nombre de questions très précises aux
consommateurs pour balayer l’ensemble des dimensions du produit.
Toutefois, cela constitue une fausse piste qui peut mener à des erreurs
de diagnostic. Plusieurs limites à l’utilisation de questionnaires
« fleuves » existent : vocabulaire limité ou pas assez précis des
consommateurs, compréhension partielle des questions, lassitude après un
certain nombre de réponses… Exemple : demander à un consommateur
s’il apprécie, la texture fibreuse d’une viande, c’est
s’exposer à une réponse difficilement exploitable : combien de
consommateurs savent réellement ce qu’est une texture fibreuse ?
Le consommateur est incapable de donner son appréciation sur
l’ensemble des dimensions sensorielles d’un produit.
L’unique but du test consommateur est de connaître les attentes et
les besoins exprimés par les consommateurs. Toutefois, la seule
identification de ce que souhaitent ces consommateurs n’est pas
suffisante : encore faut-il savoir adapter le produit à leurs attentes.
Le test consommateur ne permet pas, à lui seul, de résoudre
l’équation offre produit = besoins des consommateurs.
Il doit ainsi être complété par un autre outil plus précis et plus
objectif : l’Analyse Sensorielle par Sujets Qualifiés. La vraie
piste d’analyse consiste ainsi à combiner le jugement subjectif
des consommateurs et la mesure objective réalisée par les sujets
qualifiés.
Le rapprochement de ces deux techniques permet, de plus, de prendre ses
distances vis-à-vis du jugement souvent circonstancié des consommateurs
lié à la situation dans laquelle ils se trouvent lors de
l’évaluation (contexte éloigné des conditions réelles
d’utilisation rencontrées dans « la vraie vie »). Seule
l’approche combinée Test Consommateur / Analyse Sensorielle permet
à un industriel, d’une part, de mesurer l’importance
pondérale de chacun des principaux critères sensoriels (aspect, odeur,
goût, texture…) dans l’appréciation globale du consommateur, et
d’autre part, grâce à la caractérisation sensorielle exhaustive de
son produit, de savoir sur quels descripteurs précis travailler.
Tous les types de produits sont concernés par cette approche combinée :
produits de grande consommation, produits de niches, produits innovants…
L’analyse sensorielle : un outil pour objectiver le subjectif
L’analyse sensorielle consiste à solliciter des sujets préalablement formés et entraînés sur l’espace produit considéré, pour mesurer de manière objective et quasi instrumentale l’intensité de chacune des dimensions sensorielles du produit. Ce seront ainsi entre 20 et 40 descripteurs sensoriels qui seront mesurés sur une échelle en 7 points : on recherche l’exhaustivité de la description pour réellement passer au crible le produit évalué.
Pour chacun des descripteurs sensoriels, l’homogénéité de
l’évaluation entre les sujets est garantie : des référents précis
sont déterminés pour les bornes 1 (la plus faible intensité), 4
(intensité intermédiaire) et 7 (intensité la plus forte). Tous les
sujets évaluent les produits sur une même échelle de notation, sans que
cette mesure soit perturbée par les différences physiologiques existant
d’un sujet à l’autre. Au même titre que leur température
peut être prise par un thermomètre, les produits sont ainsi décrits
grâce à un outil de mesure répétable et homogène : le panel de Sujets
Qualifiés.
Pour s’assurer de la bonne qualité du panel de sujets, plusieurs
indices sont calculés régulièrement : indice d’homogénéité, indice
de répétabilité, indice de reproductibilité… Si, lors du calcul de ces
indicateurs, un sujet apparaît comme notant différemment des autres, il
est écarté ou « ré-étalonné » jusqu’à ce qu’il donne des
résultats comparables à ceux du groupe de sujets.
L’exploitation des résultats de l’approche combinée : amélioration du produit et ciblage des consommateurs
Disposer de la description précise et objective de chacun des produits permet de mettre en évidence les réels écarts existant entre les références qui ont été testées en parallèle par les consommateurs. Un mauvais jugement des consommateurs peut systématiquement être expliqué par des caractéristiques sensorielles défaillantes : défauts visuels, goûts ou odeurs parasites, textures anormales…
En plus de cette analyse globale des résultats, des modèles de
corrélations mathématiques sont également utilisés. Les données de
l’analyse sensorielle sont mises en relation avec celles du test
consommateur pour connaître la valence des différents descripteurs : un
coefficient de corrélation positif indiquera qu’un descripteur
doit présenter une intensité plutôt forte, alors qu’un descripteur
présentant un coefficient de corrélation négatif devra être peu intense
(par exemple, pour une majorité de produits, l’amertume est
corrélée négativement avec l’appréciation globale).
L’identification des critères apportant une plus-value à un
produit et, surtout, ceux qui vont, au contraire provoquer une
moins-value, devient alors évidente.
L’une des utilisations les plus abouties des résultats de
l’analyse sensorielle reste la cartographie des appréciations :
grâce à des modèles mathématiques (modèle quadratique par exemple), la
mise en relation des données issues de l’analyse sensorielle et
celles issues du test consommateur permet de déterminer le profil
sensoriel du produit optimal (produit fictif qui satisfait la part la
plus importante des consommateurs). En comparant son produit avec le
profil du produit optimal, un industriel peut déterminer quels sont les
descripteurs sur lesquels il doit agir en priorité et ainsi cibler ses
efforts pour se rapprocher le plus possible du produit « optimal » et
ainsi maximiser la satisfaction des consommateurs.
Schéma ci-dessous : exemple de présentation de résultats d’une
cartographie des appréciations : positionnement des produits testés en
fonction de leur taux de satisfaction et identification du produit
optimal.
La segmentation à posteriori par Classification Ascendante Hiérarchique de l’échantillon de consommateurs sollicités dans le cadre d’une cartographie des appréciations, permet également d’adapter au mieux les produits aux consommateurs. Cette méthode a pour but de déterminer des sous-groupes de consommateurs dont les préférences sont comparables à l’intérieur d’un même groupe, mais différentes d’un groupe à l’autre.
Grâce à cette technique, on approche la question fondamentale du ciblage
des consommateurs, condition sine qua non pour résoudre l’équation
offre produit = besoins des consommateurs. Un produit qui n’est
pas apprécié sur la totalité d’un échantillon de consommateurs
peut trouver sa place auprès d’un sous-groupe présentant des
caractéristiques spécifiques. Exemple : un plat cuisiné épicé pourra
obtenir des résultats « moyens » sur la totalité de la population (de
par son côté trop segmentant), mais être plébiscité par une partie des
consommateurs. Par conséquent, l’analyse plus précise des
résultats donne à ce produit particulier une réelle chance
d’exister dès lors que l’on va cibler la bonne
population.
Un produit ne peut pas satisfaire 100% de la population. En revanche,
proposer un produit satisfaisant 70% des consommateurs, et un second,
moins consensuel destiné aux 30% restants, est la solution permettant
aux industriels de couvrir l’ensemble du marché.
Néanmoins, pour aboutir à ce travail de segmentation, encore faut-il
connaître les consommateurs, leurs habitudes de consommation ou leurs
attentes.
Schéma ci-dessous : dans l’exemple considéré, l’échantillon
total de consommateurs peut être segmenté a posteriori en trois
sous-groupes de consommateurs dont les préférences sont différentes.
Pas de succès commercial sans adéquation entre offre et attentes
Sans connaissance des consommateurs, pas de réussite commerciale pour un produit : quelles sont les attentes des consommateurs, à quelle fréquence consomment-ils le produit, sont-ils satisfaits de l’offre actuelle, cherchent-ils davantage, etc ? La mise en place de bases de données plus ou moins spécifiques sur les grandes tendances de consommation ou les attentes des consommateurs permet d’aiguiller les industriels dans leurs orientations et répondre aux questions fondamentales précédant le lancement d’un produit. Exemples (pour des problématiques en vogue actuellement…) :
- Quel est l’impact d’une allégation « sans conservateurs »
sur l’opinion des consommateurs ?
- Que génère l’appellation « produit naturel » dans
l’esprit des consommateurs dès lors qu’elle est apposée sur
un packaging ?
- Quelles attentes sont générées chez le consommateur
lorsqu’on lui propose un produit bio ?
- Les consommateurs sont-ils prêts à payer plus cher pour un produit
plus respectueux de l’environnement ?
- Les produits « verts » ont-ils réellement une image positive ?
Disposer, en amont, des réponses à ces questions tendancielles permet de
limiter les risques d’échec commercial d’un produit qui ne
serait pas totalement adapté à sa cible.
Est par exemple voué à l’échec, un plat cuisiné nécessitant une
certaine préparation pour sa mise en œuvre, alors que les consommateurs
seront, pour la plupart des individus recherchant la praticité pour une
consommation nomade. Même si le produit est très bon, il ne fonctionnera
pas : ses caractéristiques (plat à préparer) ne sont pas adaptées aux
attentes des consommateurs (nomadisme).
Dans d’autres cas, la recherche de nouveauté ou d’excellence
au niveau de la qualité n’est pas nécessaire au succès du produit.
Etre présent sur le marché et proposer un produit correct, même
s’il se différencie peu de ses concurrents, peut suffire à son
succès. Exemple : les produits de snacking (du type ailes de poulet
rôties) proposés initialement uniquement par la restauration rapide. La
mise à disposition des consommateurs de ces produits en GMS pour une
consommation à domicile a suffi (au moins dans un premier temps) à
assurer leur succès.
Résoudre l’équation offre produit = besoins des consommateurs
passe nécessairement par l’addition données appréciatives +
données contextuelles + données descriptives pour être en mesure
d’adapter (si besoin) les caractéristiques (sensorielles ou
autres) du produit, et être parfaitement en phase avec les attentes des
consommateurs.
Ce n’est que grâce à cette triple information que les résultats
seront les plus proches possibles du comportement futur des
consommateurs lorsqu’ils seront face au produit, d’où la meilleure
prédictivité des résultats.
* Jean-Philippe Blanc, chef de projet d’ADIV Marketing, institut leader en Europe dans le domaine des études en marketing sensoriel.