Big Data, Big Data, Big Data… À l’image du terme « digital », « Big Data » est sans contexte le buzz word le plus tendance du secteur. Vous ne me croyez pas ? Pas une conférence, une réunion, un échange entre collaborateurs, un podcast, un article…, ne fait l’impasse sur ce terme qu’il convient de placer ici ou là, parfois au milieu d’une logorrhée verbale jargonneuse, pour briller en société, entre collègues ou devant sa hiérarchie. Pourtant, derrière tout ce verbiage se cache de nombreux métiers, souvent complexes, souvent nouveaux, où l’approximatif n’est pas la norme. Les métiers du marketing changent, l’important n’est plus de savoir qui est le client, mais ce qu’il fait comme le précise régulièrement Reed Hastings, le créateur de NetFlix. Parler data ne suffit donc plus et, à l’image de la transformation digitale qui laissera de côté tous ceux qui ne se sont pas adaptés à ce nouveau consommateur, être data driven, sera la condition pour rester dans la course, pour créer un avantage concurrentiel puissant. Big Data n’est en rien récent, c’est son utilisation massive, globale, accessible, qui font que nous parlons de « data revolution ». La transformation digitale dont l’évolution pousse la data et l’IA à émerger aux yeux du grand public, n’est que la suite d’une révolution en accélération continue. Anticiper les nouveaux comportements clients et comment l’exploitation des dernières innovations technologiques, à un niveau d’exigence certain, permettra aux organisations économiques de rester en phase avec leurs premiers employeurs : les clients. Pour cela, il faut penser « Big Data » au-delà des données, au-delà de l’outil et s’affranchir de l’idée que nous nous faisons de la data et qui cloisonne la créativité. La métaphore de Luc de Bradandere à ce sujet m’apparait très à propos : « C’est quand l’Homme à arrêter d’imiter l’oiseau qu’il a commencé à voler ».
Posons-nous une question avant de poursuivre. Cette course effrénée à l’utilisation de la donnée tiendra-t-elle encore longtemps ? N’a-t-on pas à craindre un éveil des consciences populaires face à ces remontées d’informations souvent inconscientes des données ? Sommes-nous à l’abri d’une évolution législative globalisée à l’Europe qui viendrait bloquer une chaine de valeurs en place ? La data nous offre des perspectives exceptionnelles, mais le back-office est souvent opaque, les tiers de confiance peu identifiés. Nous sommes data dépendants et bientôt accompagnés par l’IA dans la prise de décisions importantes. Qu’elles soient personnelles ou professionnelles, nos décisions seront, d’ici à 5 ans, prises à l’aide d’une IA IBM Watson. C’est tout du moins ce que nous révèle Ginni Rometty, CEO d’IBM (Las Vegas CES 2017). La place de l’Homme dans ce binôme Data & IA ? Vaste sujet!
Data is the key, data is power !
Cette course effrénée à l’utilisation des données est venue conforter la position des départements marketing, e-commerce, etc…, renforçant, souvent par réflexe d’auto défense, les guerres de territorialités avec d’autres départements. Pour survivre à une réorganisation d’entreprise mieux vaut être armé, et la data est une arme puissante ! Cela fait oublier l’essentiel de ce que l’extension naturelle de la transformation digitale, la data, nous offre, cette opportunité de se « désiloter », de penser global et transverse. En résumer, de penser client ! Les DSI ont souvent été reléguées au développement de solutions métiers souvent peu interopérables, peu évolutives, peu transverses. Les couches se sont empilées les unes sur les autres et nous voilà, depuis plusieurs années, devant un épineux problème que celui de faire circuler la donnée clients entre différentes entités d’une entreprise, de façon agile, et ce, en toute légalité. Un challenge en soi quand on sait que 72% des entreprises qui collectent de l’information ne la rendent pas actionnable. Un comble quand les études démontrent que le simple fait de disposer d’une connaissance fine de son client permet l’augmentation jusqu’à 36 fois plus vite de son chiffre d’affaires (source EBG). Le phénomène data nous offre la capacité à faire table rase d’un mode d’organisation révolue et de placer le client au centre d’une stratégie fédératrice. Pour ce faire, le 1er chantier reste la création d’un RCU, un référentiel client unique. Un chantier qui, s’il n’est pas poussé par un CoDir ou ComEx uni, est voué à une chose : l’échec. Pour qu’une transformation de modèle organisationnel fonctionne et se tourne vers un fonctionnement data driven, il faut avant tout que les Hommes qui composent cette organisation soient fédérés. Facile sur le papier !
Humans are so data overloaded
Nous avons une formidable opportunité. Le connecté devient ambiant ! Le mobile, les objets connectés pénètrent notre quotidien, souvent de façon invisible. D’ici à 2020 c’est près de 20 milliards d’objets connectés qui composeront notre quotidien, dont 60% directement associés aux usages du consommateur selon Gartner (janvier 2017). L’humain est aujourd’hui connecté à plein temps, 7/7j, de jour comme de nuit. De la traçabilité de ces mouvements, comme l’application mouvements éditée par Protogeo (société rachetée par Facebook) jusqu’à l’analyse de son sommeil comme l’app Sleep Better de Runtastic, nous fournissons près de 2,5 quintillions octets de data comportementales quotidiennement. Sans compter les photos, émoticones ou textes qui par simple analyse sémantique témoignent de notre état émotionnel à l’instant t. Ces chiffres donnent le tournis et si 2,5 quintillions octets ne vous inspire pas de comparable, imaginezune colonne de blu-ray mesurant quatre fois la tour Eiffel, chacun rempli de données. Oui, cela quotidiennement ! (source : vouchercloud). En comparaison, au début de l’Internet, le monde entier produisait 100 Go par jour en 1992. Quand nous savons que 80% de la Data mondiale est aux mains de GAFAM, que ces données que nous livrons quotidiennement servent à entrainer une IA qui pénètrera notre quotidien à terme, posons-nous la question, « Sommes-nous les idiots utiles des GAFAM ? » comme aime à la souligner Laurent Alexandre, spécialiste du mouvement transhumanisme. Cette question sera certainement tranchée dans les prochains mois avec l’application dès mai 2018 de la règlementation européenne « General Data Protection Regulation » qui va définir un cadre strict pour l’utilisation par les marques des données personnelles. Les marques y verront-elles une opportunité de refondre toute une organisation permettant de capitaliser sur le futur de l’exploitation des données par une marque, ou une ultime excuse derrière laquelle se réfugier pour justifier une transformation de modèle organisationnel lent, pour ne pas dire inexistant ?
L’IA pour concilier l’humain et la data au service de l’expérience client
Impossible d’aborder la data en 2017 sans parler
d’intelligence artificielle et de cette relation particulièrement
floue avec l’humain. L’intelligence artificielle est une
tendance dominante comme l’a confirmé l’ensemble des acteurs
présents sur le CES de janvier dernier à Las Vegas. Intelligence
artificielle est partout et en tout. « Prenez une app, mettez-y de
l’IA et vous lèverez des millions », rapporte, d’un ton
humoristique, Stéphane Mallard dans sa conférence « l’IA, à
l’aube de la disruption humaine ». Les impacts sur les stratégies
marketing sont évidemment notables. Le parcours d’achat client est
de moins en moins palpable, de plus en plus multi devices, ponctué de
points de contacts à la fois online et offline. Tout cela bouscule
naturellement les organisations silotées dont l’agilité
n’est à l’évidence pas une finalité transverse. La data est
aujourd’hui la seule arme pertinente, dès qu’elle est bien
exploitée, pour adresser des messages de marque de façon efficace,
pertinente et surtout contextualisée. La conséquence la plus visible, à
l’instant t, de l’utilisation de l’IA et de la data
dans un but marketing, reste la prédiction des besoins et achats. Avec
des stratégies intégrant ces outils, le « search » prédictif sera une
norme dans les mois qui viennent, ou l’ensemble des moteurs de
recherche prendront en considération les facteurs autant comportementaux
que sémantiques pour proposer des résultats personnalisés. La
récupération d’informations grâce aux interfaces utilisateur
passives permettra également, grâce au machine learning de développer de
nouvelles expériences client, ultra personnalisées et émotionnellement
fortes. Nous pourrions par exemple imaginer l’exploitation des
données de géolocalisation, couplée aux bandes-annonces consultées pour
qu’un service comme Deezer puisse proposer des playlists adaptées
au conducteur d’une voiture en fonction qu’il parte
travailler où qu’il parte en vacances. C’est déjà une
pratique courante chez Spotify, comme le rapport le site comarketing,
qui exploite l’ensemble des données issues des trackeurs de
performances sportives pour proposer des playlists sur-mesure assez
utilisateurs. Outre les aspects classiques de l’utilisation de la
data et d’une intelligence artificielle, la tarification
automatisée, le pricing dynamique contextualisé, le fait
d’exploiter les émotions dans un parcours d’achat, sont
autant de champs des possibles qui laissent entrevoir une nouvelle
dimension du marketing dans les prochaines années. Cela peut apparaitre
dans un premier temps que de la science-fiction nous sommes très
clairement en train de voir apparaitre des leviers marketing qui seront
une norme d’ici à quelques mois.
La data n’est donc pas une finalité en soi, c’est un or noir
gratuit dans son format brut le plus pur. C’est, à bien des
égards, un outil qui permet de mieux comprendre le consommateur, son
comportement, parfois même de l’anticiper. La Data est également
un support qui entraine avec elle des modifications sociétales fortes
transformant l’Humain et les rapports qu’il entretient avec
ses pairs et avec les marques. La data change les pratiques
commerciales, relationnelles, marketing, assurément. Mais ce changement
est au final une petite pierre à l’édifice de ce changement de
monde auquel nous assistons. Le changement le plus difficile restera
celui de l’Homme et de sa place face à ses évolutions
technologiques.