L’IAB France a publié en octobre dernier la 2ème édition de son baromètre des métiers et des compétences du marketing et de la communication. Il apporte des réponses concrètes et chiffrées sur la dynamique des métiers avec leur évolution en fonction de leur maturité, sur les nouvelles compétences nécessaires pour intégrer et réussir la digitalisation de l’économie et enfin il dresse un état des lieux des formations et des certifications en lien avec ces thématiques. Cette seconde édition marque une évolution importante puisqu’elle met en lumière la fin de la dichotomie entre marketing et marketing digital.
La fusion du marketing et du marketing digital donne naissance au marketing global
L’IAB France dresse dans ce baromètre une cartographie des métiers du marketing et de la communication face à la transformation digitale des entreprises grâce à une enquête menée auprès de 400 professionnels du secteur. Selon eux, le marketing digital est à présent devenu suffisamment mature pour ne plus être une spécialité. De surcroit, l’expérience client étant devenue omnicanale, il n’y aurait désormais plus aucune raison de distinguer le marketing du marketing digital. Le marketing serait donc devenu global.
Les métiers traditionnels du marketing amenés à muter ou disparaitre…
Ce sont ici tous les métiers du marketing qui sont donc impactés et
doivent revoir leurs approches. Cela inclue les experts du marketing
produit qui, pour mieux comprendre leur cible, cerner leurs besoins et
envies, peuvent désormais utiliser des plateformes collaboratives où
clients et prospects peuvent poster leurs idées de nouveaux services ou
produits. Cela concerne également les métiers du marketing opérationnel,
qui pour atteindre les objectifs de ventes ou de développement de
notoriété de la marque, peuvent désormais utiliser toute une série
d’outils digitaux comme les e mailings, les campagnes Adwords ou
les réseaux sociaux. Les métiers du content marketing ou de
l’inbound marketing sont également transformés. Ils peuvent en
effet, grâce à des vidéos ou des articles publiés en ligne, créer une
relation de confiance avec leur audience et se positionner comme expert
de leur secteur et non tenter de convaincre en priorité absolue pour
finaliser l’achat au plus vite. Enfin, les métiers du marketing
automation sont eux aussi impactés. Comme pour les méthodes marketing
traditionnelles, il faut aussi ici mesurer la performance de tout le
marketing opérationnel digital afin de l’améliorer en continu.
Cette évolution a pour conséquence de modifier les métiers actuels du
marketing, d’en faire disparaitre mais aussi d’en faire
émerger de nouveaux. Pour l’illustrer, l’IAB a tenté de
cerner les bouleversements en classant les différents métiers en
plusieurs catégories. Elle recense ainsi les métiers «
résiduels » (webmaster, chef de pub, media planner,
responsable référencement…), les métiers « dominants »
(SEO, data scientist, content manager…) et les
fonctions « émergentes » (social media manager,
UX designer, trader, chief digital officer, revenue manager,
optimizer…).
L’étude met également en lumière les métiers amenés à perdurer
dans les prochaines années, on retrouve ainsi sans surprise des postes
transversaux comme celui de « directeur digital
marketing » (CDMO). Soutenus par les directions générales,
ce métier a pour mission d’enclencher la transformation numérique
des organisations. Dans le même esprit, on retrouve également
d’autres postes transverses comme ceux de directeur
omnicanal ou de chief experience officer,
des postes en lien avec la data comme celui de data
scientist, le mobile (Chef de projet Web
mobile ou responsable de la stratégie Mobile) et enfin avec
l’e-CRM (Chef de projet e-CRM 78%). A
l’inverse, plusieurs métiers plus traditionnels devraient
disparaître comme ceux de Planeur Stratégique, de Directeur créatif ou
de Directeur média.
Le marketer n’a pas d’autres choix que de se muer en super-K pour survivre !
Dans cette période de mutation digitale des entreprises qui bouscule les
métiers du marketing, il est tentant ici d’envisager une analogie
entre l’évolution de ces métiers et les stratégies
d’évolutions. Le modèle évolutif r/K a été proposé par les
évolutionnistes, en particulier Robert MacArthur et E. O. Wilson (The
Theory of Island Biogeography, 1967), il théorise l’évolution de
la stratégie de reproduction des espèces, les liant aux variations de
l’environnement. Ce modèle a donné naissance aux concepts
d’espèce à stratégie r et d’espèce à stratégie K. L’un
des postulats de ce modèle est que la loi du plus grand nombre se
heurterait dans des écosystèmes plus concurrentiels à celle du
spécialiste. Si l’on se penche sur les caractéristiques
spécifiques à chaque stratégie, l’analogie avec l’évolution
du métier marketing se révèle donc ici intéressante.
Prenons le nombre d’individus. La stratégie r, ou stratégie
reproductive, est une stratégie de développement des populations, avec
beaucoup de petits et peu d’adultes. Ils compensent par le nombre.
On distinguait ces dernières années l’inverse au marketing. Les
équipes marketing se réduisent en particulier dans les grands groupes
internationaux. L’une des causes étant la transformation
numérique, l’intégration de nouveaux outils d’automatisation
limitant le nombre d’acteurs, et requérant une expertise plus
rare. Il en résulte des organisations marketing de type K moins
pléthoriques et plus spécialisées… Jusqu’ici les entreprises
recherchaient de plus en plus des spécialistes, plus
d’experts.
Selon ce modèle, la longévité est assurée pour le marketer qui
s’adapte, qui se forme, qui se spécialise. L’ensemble de ces
caractéristiques rendent la concurrence plus faible entre K,
qu’entre r. Car, même si les métiers du marketing sont
chahutés par les phénomènes de disruption,
l’accélération des technologies, les changements
fréquents d’usages, lorsqu’un milieu a subi une
perturbation, si les espèces à stratégie r sont les premières à
s’implanter, elles donnent naissance à un environnement de plus en
plus compétitif où les espèces à stratégie K finissent par
s’imposer. Pour survivre, le marketer moderne n’aurait donc
ici d’autres choix que de se muer en super-K ! La conclusion que
nous pouvons en tirer est que le marketer doit constamment penser son
adaptation à son environnement pour assurer sa préservation, multiplier
ses spécialisations pour ne pas dépendre d’une seule. En effet,
l’environnement peut très vite évoluer en fonction de
l’émergence de telle ou telle nouvelle technologie. Ainsi, avec
l’apparition des chatbots, des programmes de conversations
automatisées, certains postes de community manager pourraient
disparaitre. Autre illustration, le métier de référenceurs SEO
(Search Engine Optimisation) dont l’objectif est de
positionner un site Web en tête des résultats d’une requête sur
Google en tenant compte des mises à jour de la formule du moteur de
recherche, pourrait lui aussi être à terme menacé avec l’arrivée
des enceintes sonores connectées, de type Amazon Echo qui répond à la
voix et fournit directement la réponse aux requêtes sans passer par une
sélection de résultats sur écran.
Les métiers évoluent, les compétences recherchées également
Si les métiers évoluent globalement vers plus de transversalité et de
digitalisation, les compétences nécessaires pour les marketers et autres
communicants évoluent également nécessairement. Toujours selon
l’IAB France, trois nouveaux enjeux liés à la transformation
numérique seraient ainsi désormais à intégrer : la Vision
Stratégique, la Collaboration et le
Savoir-être digital. Afin de pouvoir maitriser ces
différents enjeux et leurs dimensions fondatrices, différentes
compétences seraient à acquérir dans le process marketing réparties dans
5 domaines clés: Analytique, Technique, Créatif, Interface
consommateur (UX) et Management/organisation.
Parmi ces compétences à acquérir, quatre sont jugées comme étant
essentielles, exactement les mêmes que dans la précédente version de
2015, mais elles se renforcent : la gestion de projet 80 %, les leviers
de performance 68 %, la maîtrise des outils d’analyse 63% et le
social Media 61%. Par ailleurs, deux nouvelles compétences à maitriser
font leur entrée dans le TOP 10 : le marketing automation (36%) et la
connaissance des méthodes UX (29%). Ce besoin de multiples compétences
combiné aux profils spécifiques des générations Y-Z amenés à évoluer
dans les métiers du marketing dans les prochaines années pourrait donner
naissance à une nouvelle génération de marketer que l’on pourrait
appeler /Slasher/.
/Slasher/ : la nouvelle génération de marketer ?
Le terme de slasher illustre celui ou celle qui cumule de multiples métiers, d’où l’usage dans sa présentation de la barre oblique « / » l’équivalent du « et-ou » en français, pour séparer ses différentes missions. Ce phénomène pourrait tout à fait convenir aux générations Y-Z, multitâches, nées avec les applications, bénéficiant d’un accès aux technologies sans précèdent et ouvertes à la diversité. Une diversité par ailleurs aisée à mettre en œuvre dans le secteur du digital où de nombreuses opportunités de contributions sont offertes. Concrètement, cela peut en effet se traduire par l’écriture de chroniques, de tribunes pour la presse ou par des tests effectués pour un nouveau réseau social.Dans le cas précis de cette génération Y-Z, la pluriactivité ne serait d’ailleurs pas forcément un choix contraint, elle serait même bénéfique aux responsables marketing car elle permettrait à la fois d’acquérir de nouvelles compétences et de se singulariser avec un profil original. A l’inverse, cela pourrait être plus contraignant pour la génération X, dont les codes traditionnels pourraient ici se voir bousculer.
Savoir-être digital, savoir-faire et esprit d’initiative : les 3 piliers de la formation idéale
Pour répondre à cette évolution en termes de formation, l’IAB France dresse un portrait-robot du contenu idéal pour former les talents de demain. Selon l’association, cette formation devrait permettre de pouvoir développer un véritable « savoir-être digital » caractérisé par une curiosité, un « savoir-faire technique » caractérisé par une connaissance des outils et des technologies et enfin par un « esprit d’initiative » caractérisé par la capacité à développer un esprit de « doer » et non seulement un esprit de « thinker« .
Le « on the job » comme moyen dominant pour se former
Pour pouvoir acquérir ces différentes compétences, les professionnels interrogés mettent en première place la pratique et l’expérience acquise sur les projets, le « on the job » est ainsi le moyen dominant, plébiscité par 56 % des professionnels. Ensuite, ce sont les séminaires ou les MOOC qui sont jugés les plus pertinents. La formation classique type executive education, école de commerce ou cours du cours n’apparaissent qu’ensuite. L’appétence des entreprises françaises pour les métiers du numérique est pourtant bien là et les besoins réels. Ainsi selon une enquête publiée le 31 janvier 2017 par le cabinet de conseil en stratégie Roland Berger et Google, le pays « manque de spécialistes du numérique pour accélérer la croissance » dans de multiples secteurs (développement, stratégie, marketing…) et selon la Dares, le service de statistiques du ministère du travail, d’ici à 2020, le nombre de postes qui risquent d’être non pourvus dans le numérique sera de 50 000. Pourquoi alors la formation n’est-elle pas citée plus largement ? Cette situation s’expliquerait principalement par le fait que les répondants manquent d’informations sur l’offre disponible, 32% d’entre eux ne peuvent ainsi citer d’écoles ou d’organismes de formation proposant des cursus dédiés au marketing digital alors que les besoins en termes de formation sont évidents. Pour l’illustrer, l’analytic et le social media, perçus comme des compétences-clés, figurent parmi les domaines dans lesquels les métiers sont jugés les moins bien formés.
Quel futur pour le métier ?
En synthèse, on peut légitimement penser que, dans le futur, le directeur marketing aura un rôle plus central qu’aujourd’hui, il devra en effet être capable de maîtriser les différents aspects du marketing traditionnel mais aussi ceux du marketing digital. Son rôle sera également bien plus centré sur l’expérience client qui, avec l’aide de l’intelligence artificielle, sera de plus en plus personnalisée. Le métier de Directeur Marketing se verra transformé, mais ce sera également le cas des missions de ses équipes marketing qui seront de plus en plus étendues. Les profils de ses collaborateurs seront donc là aussi bien plus polyvalents que par le passé. Enfin, nous devrions voir sans doute apparaitre de nouveaux métiers qui n’existent pas encore et donc de nouveaux collaborateurs qui auront peut-être comme titres ceux de chief bots officers ou de traders d’espaces publicitaires, qui sauront utiliser le programmatique de manière très précise. Fort de cette logique, David Lacombled, Président de l’IAB France conclut en indiquant que « La transformation digitale impose de travailler autrement. Il faut s’adapter ».