Les nouvelles organisations du travail de type start-ups (ou organisation Y) modifient les « risques du métier ». De nouvelles pathologies interpellent par leur gravité et vont donner une nouvelle importance aux études sur la qualité de vie au travail (QVT).
De nouvelles situations de mal-être professionnel sont révélées dans les entreprises organisées en mode start-up
On constate quelque cas de burn out d’une gravité exceptionnelle.
Ainsi, une salariée d’une start up parisienne qui en a déclaré un il y a huit mois n’est toujours pas déclarée apte à reprendre son emploi par le médecin du travail.
Pourquoi parle-t-on de gravité exceptionnelle ?
Parce qu’on se trouve donc face à des salariés qui sont de véritables « champs de ruines », parce qu’on constate quatre épuisements là où on n’en constatait que trois auparavant. Un épuisement physique, un épuisement intellectuel, un épuisement émotionnel et un épuisement affectif ; et cela n’est pas sans conséquence.
Habituellement un burn uut est traité en trois à six mois auxquels
s’ajoutent une période de temps partiel thérapeutique. Dans le cas
évoqué, le traitement envisagé est, après une hospitalisation de quatre
mois, un arrêt de travail de plus d’un an, un traitement sur plusieurs
années avec un suivi médical et un temps partiel thérapeutique.
Pour l’entreprise cela signifie, outre les frais annexes liés à son
remplacement, le risque d’une action de la CPAM (Caisse Primaire
d’Assurance Maladie) pour requalifier cette pathologie en maladie
professionnelle. Les buts de la CPAM seront :
- D’obtenir une augmentation des cotisations d’assurance maladie pour
l’entreprise ;
D’ouvrir la voie à une éventuelle reconnaissance d’une faute inexcusable
de l’employeur ;
D’assurer le versement par l’entreprise d’une indemnité compensatrice si
la faute inexcusable est reconnue.
Dans tous les cas, la CPAM va entamer un recours contre tiers pour obtenir le remboursement de l’intégralité des sommes engagées par elle au titre des soins prodigués aux salariés malades et au titre des coûts associés. Une récente étude américaine estime ces seuls coûts associés aux alentours de 10 000 $ pour 40 jours.
Pourquoi ces nouvelles organisations du travail provoquent-t-elle ces nouvelles pathologies ?
Parce qu’elles provoquent de nouveaux engagements qui peuvent être
pathogènes chez certains salariés :
- L’engagement physique : il faut produire, il faut se dépasser ;
- L’engagement intellectuel : il faut être disponible, il faut être
sollicitable, il faut être engagé. Ce surengagement est d’autant plus
facile qu’aujourd’hui les technologies de l’information et de la
communication nous permettent d’être sollicitable 24 heures sur 24, 365
jours par an ;
- L'engagement émotionnel : l’absence de hiérarchie dans les
organisations du type Y fait reposer l’ensemble du fonctionnement de
l’entreprise sur la confiance. On ne délègue pas, on confie une
responsabilité ; le responsable se montre vulnérable face à la personne
qu’il sollicite. Il accepte cette vulnérabilité sur la base de croyances
optimistes en les intentions du collaborateur. Ce dernier peut donc se
trouver investi de responsabilités colossales ; c’est une partie des
responsabilités de son responsable qu’il assume. Il peut s’investir du
succès de tout ou partie du projet qui dépend de lui puisqu’on compte
sur lui.
Par ailleurs, ce type de fonctionnement fait disparaître le rôle
protecteur du patron ; le patron est un collaborateur comme tous les
autres aussi faible que tous les autres et le surinvestissement
émotionnel ici est d’autant plus facile que du succès du collaborateur
dépend le succès de la totalité du projet ;
- L’engagement affectif : l’entreprise ne se contente pas d’influer sur
les seuls comportements des salariés mais aussi sur l’affection. On
passe du contrôle des gestes au contrôle des désirs ; on passe du
management des énergies au management des imaginaires des individus. On
leur demande d’aimer passionnément le projet, l’équipe, l’entreprise. Le
story telling envahit les relations employeur-employé.
Mais que se passe-t-il en cas d’échec ? Que se passe-t-il si l’investissement affectif n’est pas payé de retour ?
Le désamour est vécu de façon très douloureuse. La frustration
émotionnelle est détonante parce qu’elle provoque une intolérance à la
frustration ; elle débouche sur des individus totalement instables qui
vont entrer dans des colères noires ou s’écrouler en larmes pour une
frustration que l’extérieur jugera sans intérêt.
Or ceci intervient dans un contexte d’épuisement émotionnel,
intellectuel et physique.
- Émotionnel puisque la sécheresse affective que ressent le
collaborateur ne lui permet plus de se tourner vers des tiers ou proches
;
- Intellectuel puisque l’épuisement que ressent le collaborateur retire
toute possibilité de prendre du recul, d’intellectualiser, d’anticiper,
de gérer la situation négative qu’il vit ;
- Physique puisqu’aucune ressource ne lui permet de mettre en place des
comportements adaptés du type faire du sport, aller voir les proches, se
faire aider.
On se trouve donc devant un individu « en ruines ».
Quel rôle pour les enquêtes QVT ?
Le rôle des enquêtes QVT ici est déterminant puisqu’elles vont permettre une détection des risques liés aux organisations toxiques. Elles vont aussi permettre de détecter les salariés qui se surengagent et qui par leur comportement se mettent en danger, faute de savoir gérer leur implication dans une organisation de type Y. Enfin, elles seront une aide aux dirigeants en leur permettant de se prémunir contre une éventuelle mise en cause par la CPAM ou par les salariés devant les tribunaux sociaux mais aussi devant les juridictions prud’hommales civiles et/ou pénales. En effet, il faut se souvenir de l’article L 4121-1 du code du travail qui prévoit l’obligation pour l’employeur de prendre toutes les mesures pour assurer la sécurité aussi bien mentale que physique de ses salariés. Or le contexte actuel, aussi bien politique qu’économique et de gestion de la santé publique laisse à penser que l’on se dirige vers une classification au tableau des pathologies professionnelles du burn out et du harcèlement. Les enquêtes QVT deviennent alors l’outil de première intention permettant de dégager la responsabilité des entreprises et des encadrants en cas de pathologie de ce type, et donc d’éviter des indemnisations dont on ne peut encore mesurer ni l’importance ni l’échéance. On voit donc que ces enquêtes vont largement au-delà des enquêtes de satisfaction des salariés puisqu’elles deviennent une aide à la gestion des ressources humaines et un outil de sécurisation des bénéfices futurs.
Quels sont les critères d’efficacité d’une enquête QVT ?
Plutôt qu’un critère on parlera de quatre objectifs qui permettront
d’assurer l’efficacité d’une enquête QVT.
- Mesurer le bien-être des collaborateurs ;
- Détecter les organisations toxiques ;
- Détecter les managements toxiques ;
- Avoir un rôle protecteur pour l’entreprise et son encadrement
stratégique.
Nous avons vu plus haut que les situations de mal-être au travail sont
des situations purement individuelles qui dépendent du rapport que le
collaborateur entretient avec l’entreprise, l’organisation, son manager,
ses collègues, et les tâches qui lui sont assignées. Pour détecter les
situations de mal-être au travail il convient donc de procéder à des
entretiens individuels axés sur ces cinq sujets.
La détection des organisations toxiques va se faire elle aussi par le
biais d’entretiens individuels qui seront orientés sur :
- La façon dont les objectifs sont assimilés par les collaborateurs ;
- Les moyens qui sont mis à la disposition des collaborateurs pour
remplir ces objectifs ;
- Le rapport que chacun des collaborateurs entretient avec ses
objectifs.
Pour ce qui concerne la détection des managements toxiques, les
entretiens individuels auront pour objectif d’évaluer :
- L’organisation du service ;
- La façon dont la délégation se pratique dans le service ;
- L’assistance que le manager apporte à ses collaborateurs ;
- L’aide que ce manager apporte à ses collaborateurs ;
- Enfin la formation que le manager met à disposition de ses
collaborateurs, soit par lui-même, soit en recourant à des tiers.
Enfin, l’enquête qualité de vie au travail doit avoir un rôle protecteur
pour l’entreprise et pour les managers stratégiques. Cette obligation se
confronte à deux écueils courants :
- Le collaborateur qui dissimule sa situation de mal-être au travail.
Pour l’éviter, il convient de mettre en place un système qui garantit au
collaborateur l’anonymat, mais qui assure à l’organisme chargé de mener
l’enquête QVT l’accès aux informations individuelles de ce
collaborateur. Faute de quoi il ne pourrait être détecté les situations
de mal-être liées à l’organisation ou au management au sein d’un service
;
- L’enquête alibi, c’est-à-dire dont on attend qu’elle démontre que les
collaborateurs vont tous très bien.
Le préalable à toute enquête QVT est un véritable engagement de la direction qui veut trouver ce qu’il y a à résoudre, et qui veut résoudre ce qu’elle va trouver.