Shudu, Lil Miquela, Noonoori… Ces noms ne vous disent peut-être rien, pourtant, ces trois jeunes femmes se sont déjà fait un nom dans le secteur de la mode. Mais qui sont-elles ? Ce sont des influenceuses et ambassadrices de grandes marques pourtant d'un nouveau genre. En effet, ces influenceuses sont virtuelles ou artificielles et, pour certaines, douées d'intelligence. Après une présentation de ces mannequins très prisés par les jeunes, nous nous interrogerons sur l'impact que ces leaders d'opinion peuvent avoir sur les études de marché.
Les marques et les influenceurs
Le secteur du marketing, et devrions-nous dire, du e-marketing est fortement impacté par les « influenceurs ». Autrement appelés Key Opinion Leaders (KOL) ou leader d'opinions (Tisserand-Barthole, 2017), ces individus sont très actifs sur les réseaux sociaux et s'y forgent une grande notoriété. Ces e-influenceurs se développent par l'intermédiaire des blogs, de Youtube, d'Instagram et autres réseaux sociaux. Ils contribuent, entre autre à la e-réputation des marques, et les jeunes, les « millenials », en raffolent. Géraldine Couvreur, dans Capital nous révélait qu'avec plus de 80 millions de photos postées chaque jour, Instagram était le premier réseau social de la mode. On y retrouve des influenceurs emblématiques tels que Kenza Sadoun El Glaoui, à qui le magazine ELLE a consacré une double page. Elisa Gallois qui compose pour Monoprix s'est également faite connaître par ce biais. Enjoy Phoenix, célèbre youtubeuse en France, a su se construire une solide réputation auprès des jeunes filles en donnant, par sa chaine, des conseils beauté. Le processus est le suivant : l'influenceur capte l'attention des marques par son audience. Ces dernières lui confient des produits à tester. L'influenceur diffuse les résultats et évalue le produit à travers les réseaux sociaux.
Des influenceuses d'un nouveau genre
Shudu Gram est un superbe mannequin noir qui, à elle seule, accuse pas moins de 45 000 abonnés sur Instagram (Huffingtonpost, 2018). Ce top model s'est fait connaître grâce à la marque Fenty Beauty lancée par la chanteuse Rihanna. Mais Shudu Gram, n'est pas réelle. Elle a été créée par le photographe Cameron-James Wilson qui considérait les femmes noires insuffisamment représentées dans le milieu de la mode. Lil Miquela est, elle aussi, une influenceuse dont la e-réputation ne cesse de se développer. Mannequin, chanteuse, elle poste quotidiennement ses photos, s'affiche avec des tenues griffées, en boite de nuit ou lors de séances de sport. Elle donne des interviews, soutient activement la communauté LGBT et affiche 1,3 millions d'abonnés sur Instagram. Mais cette jeune femme, une des plus suivies au monde est née de l'intelligence artificielle. Il s'agit d'un robot. Les marques du luxe s'intéressent à ce phénomène et collaborent de plus en plus avec ces actrices virtuelles de la mode. Dior a d'ailleurs récemment travaillé avec Noonoori. Le phénomène de la haute couture digitale est ainsi soulevé (Culture box, 2018). Toutefois, pour tous les acteurs du marketing, celles et ceux qui étudient le comportement du consommateur mais aussi le secteur des études de marché, cela suscite un certain nombre de questions d'ordre éthique, moral mais aussi sociologique et économique pour la société de demain.
Les risques de bouleversements dans l'univers du Marketing
Quel est le rôle de l'influenceur ? Selon Carole Tisserand-Barthole (2017, p.4), « l'intérêt pour les marques est multiple » puisque le message de l'influenceur a un impact beaucoup plus fort que celui de la marque elle-même. Il apporte donc par son audience une e-visibilité particulièrement intéressante pour les grandes marques. Ceci est renforcé par la cible qui est touchée : les millénials. Ces jeunes qui chérissent particulièrement les réseaux sociaux, communiquent par leur intermédiaire, y trouvent inspiration au quotidien et forgent leur personnalité en s'identifiant aux leaders d'opinions. Une première interrogation se pose alors : quid de l'influence de ces robots et leur impact sur le comportement de ces générations. En effet, les jeunes risquent de s'identifier à des personnages virtuels en tentant de vouloir mener la même vie. Le monde de la mode a été déjà fortement mis à mal par les images squelettiques de certains mannequins souffrant d'anorexie. Rappelons le comportement de mimétisme de certaines jeunes filles, les concours à la maigreur dans les écoles, la volonté d'atteindre la perfection en s'approchant au plus près de l'image renvoyée par le modèle. Avec des influenceurs non plus réels mais virtuels, le comportement de consommation des futures générations pourrait être profondément bousculé.
Autre conséquence, par l'intermédiaire des mannequins digitaux, les grandes marques atteignent des audiences bien plus importantes et se rendent visibles par la quantité d'informations transmises (flood) au risque de saturer les réseaux pour gagner en visibilité. En effet, les robots sont actifs 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et postent donc en permanence
Lil Miquela est une intelligence artificielle (IA). Ceci implique qu'elle interagisse comme tout être humain : par l'intermédiaire d'interviews mais surtout en répondant aux abonnés, aux followers. Le propre de l'IA est d'apprendre. Autrement dit, ces leaders d'opinions virtuels, s'instruisent au fur et à mesure de leurs échanges avec les internautes et captent leurs données. Ce processus permet alors aux marques d'accéder à des données personnelles au risque, pour les professionnels, de déséquilibrer la concurrence en modifiant artificiellement les tendances sociétales à l'avantage des marques les utilisant.
Finalement, les marques, en créant des personnages virtuels doués d'intelligence, créent de toute pièce les tendances de demain. Les processus cognitifs pourraient alors être transformés au risque de biaiser les perceptions des consommateurs notamment les plus sensibles : les plus jeunes. Comment alors mener à bien des études de marché avec de tels artifices ? La netnographie est-elle une solution ? Non puisque les KOL ou influenceurs amènent les marques à ne plus consulter l'opinion des consommateurs réels et à se développer à partir des faux post ou devrions-nous dire de post réels écrits par des individus virtuels. Quel est alors le devenir des études de marché après de telles transformations ? n