Un outil stratégique qui a besoin d’être opérationnalisé
Survey Magazine a présenté en avril 2014 le fameux indicateur de recommandation le NPS : Net Promoter Score ou « Score Net de Recommandation ». A la base le NPS avait une fonction purement orientée sur la fidélisation qui n’était pas nécessairement corrélée à la gestion de l’optimisation de la Relation Client multicanale. Cet indicateur nécessite d’être relativisé et opérationnalisé pour l’utiliser à sa juste valeur.
Dans quels sens travailler cette donnée ?
1. D’une part, l’indicateur mérite d’être mis en perspective par rapport aux scores enregistrés par d’autres entreprises dans votre secteur d’activité et par rapport à d’autres indicateurs exprimés par la Voix du Client.
2. D’autre part, les résultats obtenus à partir de la fameuse question, « Recommanderiez notre entreprise ou notre marque à vos collègues ou amis; sur une échelle de 0 à 10, quelle note donneriez-vous ? » gagnent à être analysés de façon différente de celle préconisée par F. Reichheld en 2003 [le créateur du NPS].
Ce qu’il faut savoir quand on analyse le NPS / les principes fondamentaux de l’analyse du NPS
Il existe bien un lien véritable entre l’intention individuelle de recommander une entreprise ou une marque et la valeur délivrée par l’avis global des clients ; mais il faut tempérer fortement l’influence significative de cet indicateur sur le principe des éléments vécus par les consommateurs constituant une valeur de la Fidélisation.
Pour observer le potentiel de Fidélisation, l’indicateur de satisfaction est plus prédictif de la fidélité d’un client que l’influence de recommandation. D’ailleurs, le NPS délivre moins d’éléments référents sur l’impact économique (baisse ou hausse du CA) que le niveau de satisfaction d’un client vis à vis de la qualité et l’étendue de la chaine de services. Les profits potentiels ne s’estiment pas sur la notion de recommandation qui n’influe pas directement sur les comportements d’achat « futur » des clients. En revanche un mauvais score NPS induit des répercussions sur la conquête de nouveaux clients. L’influence des réseaux sociaux ou des sites comparateurs en est la preuve.
En effet, l’intention de recommander est limité et caractérise la perception de l’individu vs la marque à un temps « t » – impact positif ou négatif – mais pas nécessairement un acte d’intention de rachat. En revanche, et sur des périodes longues (3 à 6 mois), croiser l’intention de recommander avec les actes de rachat a du sens. En effet, corréler l’impact économique de la recommandation (évolution du score NPS et évolution du CA) induit une certaine vision sur la fidélité.
L’intention de recommander permet de détecter la notion d’influence = impact potentiel de tous les éléments qui concourent (dont qualité de la RC) à déterminer le pourquoi de la recommandation. C’est une vision individuelle, à ne pas globaliser car l’importance des critères n’est pas la même pour tous les segments de clients. Le NPS seul n’est pas suffisant pour la prédictivité ; il faut travailler sur la durée et les croisements avec d’autres indicateurs, pour savoir ce qui est du ressort de la fidélité, de l’augmentation des actes d’achats, etc. et au global l’évolution du CA.
Prendre du recul, c’est aussi intégrer que la simplicité de l’outil traduit difficilement l’attitude et le comportement du client vis-à-vis de son fournisseur tant dans le présent que le futur. De nombreuses études publiées dans des journaux scientifiques indiquent par exemple que le NPS n’a pas d’influence significative sur la valeur à vie du client, et que l’indicateur de satisfaction a des pouvoirs prédictifs équivalents. On s’aperçoit aussi que la réponse « sociale » traduite par le NPS n’a pas de correspondance précise avec le taux de satisfaction plus individuel, comme nous l’indique le schéma croisant les résultats de la question sur la recommandation NPS et de celle sur la satisfaction générale.
Pourquoi la proportion de personnes très satisfaites intègre-t-elle 47% de neutres ?
C’est là qu’apparait, entre autres, le biais culturel entre les Latins et les États-Unis. Outre-atlantique, l’appréciation avec 9 ou 10 est plus fréquente que dans les pays latins, où une personne satisfaite donnera plutôt 8, note « Neutre » dans le calcul du NPS. La recommandation n’est finalement qu’une facette des réactions des clients face aux services proposés par l’entreprise. Donc, gardons l’outil NPS mais ne l’utilisons pas comme seul outil de gestion de la relation client.
Un deuxième principe consiste à prendre la précaution de comparer son score à celui des acteurs de son secteur d’activité. Cet indicateur grâce à sa forte pénétration est utilisé dans de nombreux secteurs d’activités. Le score de votre entre prise permet alors de vous situer par rapport aux concurrents.
Le cabinet Deloitte a fait des études en ce sens, notamment dans le secteur bancaire. Les décideurs constatent que suivant le type de banque, le NPS moyen diffère et évolue dans le bons sens ou pas (ici de 2013à 2014). Dans le cas de ce secteur, le NPS peut même être négatif. Ces comparaisons permettent de se positionner de façon plus pertinente par rapport à vos résultats, de réfléchir et d’agir par rapport aux relations à la marque. Le NPS sert alors d’étalon entre les différentes agences des réseaux bancaires
Cette comparaison est une première étape. Il n’est nécessaire de surveiller de près le NPS non seulement par rapport aux concurrents directs et indirects mais aussi selon vos différents segments de clientèle. Y a-t-il des différences de taux de recommandation entre vos cibles et pour quoi ?
Croiser l’acte de répétition d’achat au travers de critères de segmentation de la clientèle échantillonnée (dont le suivi des scores « neutres ») est une très bonne base d’analyse et de suivi. Déterminer qui sont les détracteurs, les neutres et les promoteurs en fonction de la représentativité de l’échantillon représentatif de la base de clientèle, permet de savoir ce qui créée la recommandation et si on peut associer les segments NPS aux segments client CRM : c’est au travers de ces itérations de process que les critères de fidélisation sont détectés (analyse macro).
Ne pourrait-on pas élargir les cible stratégiques aux différentes partie prenantes ? Et vos collaborateurs ou collègues, recommandent-ils votre entreprise ? Le NPS prévu pour le clients ne pourraient-ils pas aussi s’appliquer aux salariés ?
Utiliser le NPS intelligemment
La première bonne pratique est de suivre régulièrement ce score dan le temps (hebdo ou mensuel) et voir comment il évolue. C’est le principe de base utilisé par les Anglos Saxons pour évaluer par exemple les performances d’un point de vente avec un autre.
Il est conseillé de mettre en place des indicateurs d’alerte et des opérations échelonnées dans le temps et de produire des rapports consolidant ces indicateurs en intégrant la certification de la norme qualité « NF Service », par exemple.
Mais, il est normal que votre NPS évolue peu ou pas, sauf à aller chercher les variations post virgule.
En revanche, l’évolution des écarts de notation entre les détracteurs (0 à 6) et les neutres (7 ou 8) peuvent apporter des indications intéressantes. Il ne s’agit pas seulement de suivre Bernard Pointeau et Fréderic Reichheld, quand ils avancent « qu’il ne s’agit pas de s’intéresser au marais des clients plutôt satisfaits mais à ceux qui sont enthousiastes ».
Prenons un exemple :
Mois 1 :vous avez 40% de détracteurs, 30% de neutres et 30% de promoteurs > votre NPS sera de -10.
Mois 2 : vous avez 35% de détracteurs, 40% de neutres et 25% de promoteurs > votre NPS sera toujours de -10.
Est-ce à dire que votre qualité relationnelle client n’évolue pas ? Voire diminue si l’on se réfère à la baisse du % de Promoteurs. Pas nécessairement : car si votre nombre de détracteurs a diminué, le % de neutres, lui, a augmenté. Il est alors intéressant d’analyser l’évolution de la notation des neutres et l’itérer également avec celle des détracteurs.
Si du Mois 1 au Mois 2, la note moyenne des neutres passe de 7 à 8, avec également une évolution de la note moyenne des détracteurs passant par exemple de 3 à 5, cela démontre que malgré la baisse des promoteurs, votre qualité moyenne de « satisfaction/recommandation » évolue néanmoins positivement.
Les américains nomment cet exercice le « CLV, Customer Level Value » au travers du suivi de l’évolution des segments.
Bref, ne changez rien au mode de calcul du NPS ; mais en revanche, suivez au travers de 3 histogrammes (base 100) l’évolution des % de chaque classe de note pour chaque type (Détracteurs, Neutres ou Promoteurs). Ces courbes vous permettront de mieux détecter l’évolution du niveau de satisfaction moyen de vos clients dans le temps.
Outre les calculs sur les résultats du NPS, il est capital de ne pas se contenter de la question sur l’intention de recommander. En effet, comme dans les enquêtes de satisfaction, il s’agit de connaître les raisons qui ont poussé le client à attribuer telle ou telle note. N’oublions pas l’importance des Verbatim déposés a posteriori de la note de recommandation. La question type pouvant être : « si vous aviez à nous recommander un sujet sur lequel nous devons nous améliorer, dites-le nous en déposant un ou 2 mots précis… ». La corrélation de ces différents éléments : notes analysées et appréciations, transformeront la plupart des signaux faibles en réelle visibilité explicative sur ce quoi vous devez vous focaliser pour améliorer vos performances de contentement fidélisation client. Il est d’ailleurs intéressant de voir que les raisons ou émotions liées à la question sur la satisfaction ou à la recommandation ne sont pas nécessairement les mêmes. Ces différentes informations aideront à la mise en place de la synchronisation de la qualité délivrée avec la qualité perçue.
Enfin, l’indicateur NPS n’est pas un outil miracle. Il est nécessaire de l’accompagner de questions différentes et de se référer en même temps à d’autres indicateurs, comme le Customer Effort Service, ou le First Contact Resolution ou le Customer Orientation Score… A chaque entreprise de choisir les scores qui lui conviennent le mieux. Cet ensemble de données permettra de relier et croiser l’analyse des évènements, des attitudes et des process entre eux… pour trouver des équilibres productifs et générer de la confiance, tant en interne que vers l’extérieur : c’est-à-dire la symétrie des attentions.
Comme le soulignait Montaigne : « C’est une belle harmonie quand le dire et le faire vont ensemble ».