L’échantillonnage est au centre de l’intelligence conventionnelle. Comme, le chercheur ne peut pas disposer de toutes les données, et encore moins, les analyser, il se contente d’une partie de ce qu’il considère comme « tout » et l’analyse pour ensuite extrapoler les résultats de la partie au tout.
Ce paradigme vole progressivement en éclats avec le Big data. L’omniscience, ou presque, est désormais potentiellement à la portée de l’Homme à condition d’imaginer et de concevoir les algorithmes qui déchiffrent le sens des données disponibles. Or, il y a des films qui ont déjà imaginé des algorithmes qui connaîtront mieux nos désirs et nos failles que le meilleur de nos psychiatres.
Dans le film Her (Spike Jonze, 2014), Samantha est la voix féminine d’un système d’exploitation intelligent qui s’adapte au fur et à mesure de l’utilisation à la personnalité de son utilisateur. Pour s’adapter encore mieux, Samantha s’intéresse toujours plus aux particularités de son utilisateur jusqu’à connaître pratiquement tous ses besoins et désirs. Au bout d’un certain temps, Samantha n’a pas besoin de connaître le membre moyen du segment dans lequel se trouve Théo pour deviner avec un tel pourcentage de certitude les besoins et même les états d’âme de son utilisateur. Samantha connaît presque tout de son utilisateur. Aussi, elle peut satisfaire les besoins de Théo directement (envoyer des courriels, faire des appels, prendre rendez-vous) ou indirectement par le fait de commander aux parties tierces comme l’envoi d’une maîtresse volontaire afin de mieux connaître les sentiments de Théo.
La moralité romantique peu étonnante du film est que l’utilisateur peut tomber amoureux d’un système intelligent qui le comprend, réconforte et guide à concrétiser ses projets. Grandeur nature (1974, Luis Garcia Berlanga) et Monique (2002, Valérie Guignabodet) racontaient déjà les hommes amoureux de leurs poupées. Mais il existe également une moralité cognitive. Les systèmes intelligents qui traitent automatiquement le comportement et le langage naturel et collectent les données diverses éparpillées dans le cyberspace permettent de connaître tout un chacun beaucoup mieux que les échantillons représentatifs des études conventionnelles. Les bots représentent les signes avant-coureurs du monde que l’intelligence artificielle nous prépare. Les bots, nourris d’intelligence artificielle, savent non seulement répondre en temps réel aux questions, sans aucune assistance humaine, mais également découvrir et faire découvrir les besoins insoupçonnés.
Certains films ont déjà imaginé des algorithmes qui connaîtront mieux nos désirs et nos failles que le meilleur de nos psychiatres.
Dans le film Ex-Machina (Alex Garland, 2015), Nathan Bateman, un génie de l’intelligence artificielle, emmène Caleb Smith, un brillant programmeur, à son domicile-laboratoire et lui attribue l’évaluation des qualités humaines et finalement la conscience de soi d’une nouvelle race d’IA, qu’il a logée dans un robot « femelle », appelé Ava. Ava est conçue avec la sexualité, y compris la capacité de tomber amoureuse. Un robot féminin inféodé, Kyoko, moins avancé qu’Ava, est également présent. Ava, visiblement en détresse, demande l’aide de Caleb contre Nathan. Caleb lui dit de couper le courant la nuit suivante et ils pourraient ainsi quitter le complexe ensemble. Plus tard, Nathan informe Caleb qu’Ava a passé le vrai test, parce qu’elle a utilisé la conscience de soi et l’empathie pour manipuler Caleb comme une dupe pour s’échapper. Ava coupe le courant pour s’en fuir. Effrayé, Nathan frappe Caleb et se précipite pour arrêter Ava. Mais Kyoko, reprogrammé par Ava, le poignarde dans le dos. Nathan est ensuite mortellement poignardé dans la poitrine par Ava qui utilise des parties d’androïdes délaissés pour devenir indiscernables d’une femme. Elle laisse Caleb piégé à l’intérieur de l’établissement et s’échappe vers le monde extérieur dans l’hélicoptère destiné à ramener Caleb à la maison. Les dernières scènes montrent que son ombre tombe sur les gens dans une ville, où elle se fond apparemment dans la ville. Les désirs et la capacité de manipuler les hommes font de l’IA une sorte de femme fatale. Mais plus curieusement, ce film révèle que l’intelligence artificielle peut connaître parfaitement non seulement les émotions et sentiments du « répondant », au-delà des approximations de « n’aime pas, aime, aime beaucoup », mais peut influencer par le fait de ce discernement infaillible ses attitudes et comportements.
Le film, une adaptation libre du roman Do Androids Dream of Electric Sheep? (Philip K. Dick, 1968), se déroule dans une dystopique ville de Los Angeles en 2019 où des humains synthétiques et bio-réingénierisés, connus comme réplicants, doivent travailler sur des colonies hors monde. Chaque fois que les réplicants se rebellent, le travail de les éliminer est donné à un chasseur qualifié spécial, appelé blade runner. Quand un groupe fugitif de réplicants s’échappe de nouveau sur Terre, un policier nommé Rick Deckard accepte de « les mettre à la retraite » (de les traquer). Au cours de son enquête, il rencontre un réplicant nommé Rachael, ne sachant pas qu’elle est elle-même un réplicant. Après avoir retiré les réplicants un par un, Deckard confronte finalement Batty, l’un des réplicants. Il est vaincu et laissé sans défense dans un gratte-ciel. Cependant, Batty sauve finalement Deckard juste comme sa prise glisse, et le tire vers le haut à la sûreté. Batty semble épargner Deckard parce qu’il comprend enfin ce que c’est que d’être humain et de montrer de la compassion. L’histoire du film démontre des intuitions subjectives que l’IA peut saisir et des décisions morales qu’elle peut comprendre. Le film fait découvrir le potentiel de l’IA à répliquer non seulement le stock de données humaines, mais aussi la profondeur de sa conscience. C’est un signe prémonitoire des aperçus subjectifs que l’IA peut saisir et des décisions morales qu’elle tend à prendre.