L’Intelligence Artificielle (IA) est devenue un sujet central à l’échelle mondiale pour de nombreux métiers et sur de nombreux territoires. La rapidité de son introduction dans les pratiques quotidiennes tant professionnelles que personnelles nous amène à nous interroger aujourd’hui sur les tendances à venir, ses contributions et ses impacts à long terme. Lors d’une étude scientifique récente menée en territoire helvétique, plusieurs scénarios pour la santé et la sécurité personnelle ont été développés à partir d’une méthodologie prospective (encadré 1). Ils ouvrent des voies de discussions intéressantes sur l’implication de l’IA sur la qualité de vie des personnes, leur santé, leur sécurité. Les attitudes et les motivations des individus à l’égard de l’IA doivent être étudiées et l’on s’interroge principalement sur la quantité de données ou de connaissances disponibles en ligne mais aussi sur la protection des individus qui les véhiculent. Ces deux éléments figurent aujourd’hui au cœur des débats notamment à l’heure où l’open access est en question et que le partage d’idées est devenu un levier de pérennité stratégique important pour de nombreuses organisations mais aussi au regard de la fiabilité des données disponibles : sont-elles vraiment utilisables et à quelles fins ? Le niveau de criticité des données, de connaissance et de collectivisme sont aussi des éléments à prendre en compte dans la construction d’un futur soutenable et la recherche de solutions à des problématiques globales tant économiques, sociales qu’environnementales. Les enjeux de la responsabilité sociale des organisations (RSO) peuvent certainement trouver des réponses avec l’IA. C’est notamment ce que Vanessa Serret et Sami Ben Jabeur soulignent récemment dans un article de The Conversation intitulé : « L’IA, un outil pour mieux prédire les faillites d’entreprises».
Encadré 1 : Méthodologie prospective et aide à la décision stratégique
La méthodologie prospective est intéressante pour révéler la créativité des individus, apprendre collectivement et créer des synergies durables avec un ensemble d’acteurs s’intéressant au même objet à anticiper. Selon une approche participative et systémique, la méthodologie prospective permet de souligner des tendances lourdes qui s’imposent, des facteurs émergent qui naissent mais aussi des controverses provenant de multiples dysfonctionnements des systèmes. Ces trois types de sources principales de transformation et leur prise en compte permettent de dessiner des stratégies à venir précises et robustes selon une vision commune et davantage partagée. Interroger l’avenir permet de rendre compte des potentialités futures et facilite la décision dans un monde complexe qui impose pour l’action la prise en compte des niveaux micro, méso mais aussi macro. Selon une approche humaniste, ce sont l’ensemble des individus qui contribuent à la fondation des scénarios d’avenir. Les capacités d’anticipation des individus sont alors mises en action et les expérimentations s’articulent autour de critères principaux qui seront l’espace, la place, la pratique, le pacte, la facilitation et le temps alloué.
Dans l’étude helvétique que nous avons menée, les scénarios ont été définis selon deux principaux axes qui reposaient sur deux facteurs de changement : le niveau individuel de datafication et l’intérêt des individus pour les objets connectés. La datafication consiste notamment à passer de données à des informations utiles : elle fait référence à la quantification de divers aspects de la vie quotidienne sous forme de données et d’informations qui peuvent être utilisées à diverses fins.
Cette étude a produit au final quatre scénarios : utopique, descendant, business et gelé.
S’agissant du scénario utopique, l'IA devient une extension naturelle : elle rassure les utilisateurs et soutient les besoins des individus en temps réel. Dans ce scénario, on suppose qu’il n’y a aucune possibilité que l’IA nuise à l’environnement et des experts en matière de sûreté et de sécurité se trouvent confrontés à une question surprenante : que leur reste-t-il à faire ?
Dans le scénario descendant, il y a un manque de services hautement personnalisés disponibles pour les utilisateurs. Il est peu probable que l’IA affecte la qualité de vie, la santé, la sécurité car il semble impossible de produire des changements dans la culture ou la vie quotidienne.
Dans le scénario business, les données produites forment un bien commun qui est mis à la disposition des innovateurs pour soutenir la dynamique d’innovation ouverte. La qualité de vie est considérablement affectée car l’IA conduit à des innovations dans les technologies de la vie quotidienne. Dans ce scénario, la conception des technologies bénéficie de niveaux élevés de données et les experts s'inquiètent du maintien de normes élevées de cybersécurité pour assurer la sûreté et la sécurité des individus et maximiser leur qualité de vie sur le long terme.
Dans le scénario gelé, l'IA s’accompagne d’une variété de gadgets. La plupart des gens craignent que, tôt ou tard, une catastrophe ne se produise. Dans le même temps, ils se méfient des entités qui collectent, analysent et peut-être même revendre leurs données. Du point de vue des experts en sûreté et sécurité, personne ne remet en question l'importance et la nécessité d'une surveillance continue du trafic de données mais personne n’assume non plus la responsabilité de détecter les attaques. La sécurité et la qualité de vie à long terme sont alors menacées.
En conclusion de cette étude sur l’IA qui recoure à la méthodologie prospective, nous retenons que la construction de scénarios prospectifs plausibles nécessite une évaluation par rapport à diverses stratégies ou options et offre la possibilité d’anticiper les effets directs et indirects à long terme de décisions particulières liées à l’IA. La possibilité se présente alors de généraliser voire d’institutionnaliser la pratique prospective, remarquablement peu coûteuse et accessible par rapport aux gains stratégiques qu’elle procure notamment en matière de santé, sécurité et qualité de vie des individus.