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Innovation thérapeutique et santé numérique : Les promesses de l’IA sur l’amélioration du parcours de soins en cancérologie

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Nous tenons à remercier Rym Aouchiche pour sa contribution.



Chaque année ce ne sont pas moins de 350 000 personnes qui apprennent qu’elles ont un cancer à un âge médian de 67 ans. À ce titre, la prévention et la prise en charge des patients atteints de cancer représentent un véritable enjeu et une priorité de santé publique, d’autant que 40% de ces cancers pourraient être évités.
Notre objectif est ici de déterminer dans quelle mesure l’intelligence artificielle (IA) peut sensiblement améliorer le parcours de soins des patients atteints d’une pathologie qui, avec plus de 150 000 décès chaque année, représente l’une des deux principales causes de mortalité en France. La pandémie de COVID-19 a eu un impact désastreux sur la prise en charge des patients atteints de cancer dû à de très fréquents retards de diagnostic, un report voire une absence de prise en charge thérapeutique, des fermetures de centres de soins et de blocs opératoires, etc.
Durant cette crise sanitaire sans précédent, l’utilisation d’outils de santé numérique a connu un véritable boom, condition sine qua non pour maintenir une communication entre le patient et les différents acteurs de son parcours de soins et privilégier prise en charge et surveillance de la pathologie.

En quoi consiste l’intelligence artificielle (IA) en santé ?

L’IA a le potentiel de transformer le secteur de la santé en offrant de nouvelles solutions pour améliorer la prévention, le diagnostic, le traitement et la gestion des maladies sur de nombreuses aires thérapeutiques (oncologie, cardiologie, ophtalmologie tout particulièrement) à divers moments dans la chaine de valeur des traitements (recherche, développement, production, commercialisation) tout autant que du parcours de soins qui, pour faire simple, nous parait pouvoir s’organiser autour des cinq étapes suivantes :


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Dans ce contexte, ce sont six champs d’action principaux de l’IA qui peuvent aujourd’hui être mis en exergue de façon privilégiée :
1) Diagnostic médical : l'IA peut aider les médecins à poser des diagnostics plus précis et rapides en analysant des données médicales (images radiologiques, résultats de laboratoire, antécédents médicaux spécifiques par exemple). Les algorithmes d'IA peuvent détecter les signes précurseurs de maladies et aider à identifier les traitements les plus appropriés.
2) Assistance à la chirurgie : l'IA peut aider les chirurgiens à planifier et à effectuer des interventions chirurgicales complexes. Des robots chirurgicaux assistés permettent une précision accrue et une récupération post-opératoire plus rapide pour les patients.
3) Suivi des patients : l'IA peut être utilisée pour surveiller les signes vitaux des patients en temps réel (fréquence cardiaque, pression artérielle, glycémie, etc.) et alerter les professionnels de santé en cas d'anomalies. De ce fait, la prise en charge de patients atteints de maladies chroniques et les interventions précoces en cas de complications en sont facilitées.
4) Personnalisation des traitements : l'IA peut prendre en compte de vastes volumes de données médicales pour déterminer les traitements les plus appropriés pour les patients, en tenant compte de leur profil génétique, de leur historique médical, de leur mode de vie et nombre d'autres facteurs spécifiques. Les traitements sont ainsi mieux personnalisés permettant de meilleurs résultats.
5) Recherche médicale : l'IA peut accélérer le processus de découverte de nouveaux traitements en analysant de larges quantités de données pour retenir des composés prometteurs et prédire leur efficacité. Elle peut également accélérer la recherche en identifiant les patients éligibles pour les essais cliniques et en analysant les données générées par ces essais.
6) Gestion des dossiers médicaux : l'IA peut automatiser la gestion des dossiers médicaux électroniques, améliorant ainsi l'efficacité et la précision du traitement des données médicales, tout en garantissant la confidentialité et la sécurité des informations des patients.

Analyse et optimisation du parcours de soins par l’IA : pourquoi l’oncologie ?

Instauré par une loi du 13 aout 2004, le parcours de soins est défini par l’Agence Nationale de Santé (ANS) comme la prise en charge globale du patient et de l'usager sur un territoire donné avec une meilleure attention portée à l'individu et à ses choix, nécessitant l'action coordonnée des acteurs de la prévention, du sanitaire, du médico-social et du social en intégrant les facteurs déterminants de la santé que sont l'hygiène, le mode de vie, l'éducation, le milieu professionnel et l'environnement.
Le principal objectif de la mise en place d’un parcours de soins est de faire en sorte que chaque patient puisse bénéficier d’un suivi global, coordonné et aussi fluide que possible entre son parcours en ville et à l’hôpital, d'une gestion rigoureuse de son dossier médical, d’une prévention et d’un suivi personnalisés.
En somme, de bénéficier au bon moment des meilleurs soins possibles par les professionnels compétents au sein d’unités adéquates.

Trois raisons nous ont amené à retenir l’oncologie pour aborder l’impact de l’innovation numérique sur le parcours de soin et la santé :
1) Les parcours de soins en oncologie sont extrêmement complexes, impliquant un grand nombre d’acteurs et des équipes multidisciplinaires, soumises, comme le patient, à un enchainement chronologique d’étapes imposées.
En plus de protocoles médicaux souvent lourds, les patients doivent également gérer un grand nombre de démarches administratives qui rendent leur quotidien plus difficile encore. 2) Les parcours des patients atteints de cancer peuvent être éminemment variés. Le parcours dépend du type de cancer en question, du stade auquel le diagnostic a pu être porté, des antécédents médicaux personnels, etc.
3) Malgré leur fréquence, leur importance et leur complexité associées, les parcours de soins en oncologie sont encore trop peu numérisés à l’heure actuelle.

De notre point de vue, la contribution de l’IA à l’amélioration du parcours de soins en cancérologie peut être analysée à travers trois moments structurants : le dispositif d’annonce, la prise en charge thérapeutique, la surveillance et le suivi après traitement.

Le dispositif d’annonce

Le marché de l’IA dédié au diagnostic médical connait une très forte dynamique. Ce marché devrait connaitre un taux de croissance annuel de plus de 32% pour atteindre 3 milliards de dollars en 2027.
Une demande particulièrement importante s’exprime déjà pour des logiciels d’analyse d’imageries médicales hébergées sur le cloud.
Pour nombre de spécialistes, c’est par l’image que va d’abord s’affirmer l’IA, notamment dans la mammographie, le scanner, l’IRM, le PET-scan et l'anatomopathologie. Ceci étant, certaines limites techniques se font encore jour au sein des centres hospitaliers. A titre d’exemple, il faut que les lames d’anatomopathologie soient numérisées pour que les lames puissent être stockées et aucun établissement français n’en a, pour le moment, la capacité.
Il faudrait donc travailler en amont de la solution pour obtenir des données numériques standardisées, fiables et de qualité qui permettent ensuite que soient développés des modèles d’IA. Ces modèles seraient aujourd’hui envisageables si les données étaient partout numérisées car les solutions de diagnostic numériques sont obtenues en compilant de larges bases de données, hétérogènes -données structurées et non structurées réunies : dossiers médicaux électroniques, imageries médicales, analyses spécifiques, etc.
S’ajoute à ces complexités techniques et opératoires le fait que l’oncologue souhaite rester décisionnaire et qu’il convient de le rassurer, aujourd’hui encore. Ces solutions ne doivent donc être comprises que comme outils de travail et non se suffire à elles-mêmes. Le principal besoin exprimé par les spécialistes reste le gain de temps : pouvoir prendre en charge un volume de patients plus important en vue de lutter contre une pénurie de personnels médicaux et paramédicaux qui ne fait que s’aggraver.

La prise en charge thérapeutique et l’accompagnement

L’IA s’invite à chacune des étapes du parcours des patients atteints de cancer, permettant ainsi aux professionnels de santé de s’investir principalement sur des tâches à plus forte valeur ajoutée.
De plus en plus de solutions d’IA permettent d’effectuer un choix de première ligne thérapeutique standardisé. L’oncologue pourrait ainsi consacrer plus de temps aux lignes de traitements suivantes, par ailleurs fort onéreuses et, de ce fait, véritables enjeux de santé publique.
Trois catégories de solutions de prise en charge et d’accompagnement thérapeutiques peuvent être mises en place, ayant recours à l’IA :
1) des outils de gestion organisationnelle, véritable gain de temps pour les médecins sur les tâches routinières (gestion des flux administratifs, gestion de la patientèle, logiciels de retranscription automatique pour remplir les dossiers médicaux par exemple).
2) des outils d’analyse prédictive qui ouvrent de toutes nouvelles perspectives dans l’efficacité des traitements par la collecte et l’exploitation de large quantités de données de patients pour une classification selon certains critères (déterminer à quel groupe un patient appartient et prédire ainsi l’efficacité d’un traitement notamment).
3) des outils d’assistance chirurgicale pilotés par IA au bloc opératoire, grâce à la robotique médicale (préparation, modélisation, réalisation d’opérations chirurgicales de précision, outils d’assistance microchirurgicaux). Ces dispositifs concernent encore trop souvent des chirurgies peu complexes (points de suture par exemple).

La surveillance et le suivi après traitement

La numérisation de la surveillance des patients atteints de cancer a récemment connu une accélération sans précédent. Comme nous l’avons souligné en introduction, la crise sanitaire de Covid-19 est à l’origine de l’émergence et du déploiement de solutions novatrices qui améliorent sensiblement le parcours de soins des patients en oncologie.
1) Les dispositifs de télésurveillance
La télésurveillance permet à un professionnel d’interpréter à distance, grâce à l’utilisation d’un dispositif médical numérique, les données de santé du patient recueillies sur son lieu de vie en vue de prendre des décisions concernant sa prise en charge. Les dispositifs de télésurveillance visent à améliorer l’état de santé des patients par un suivi régulier. Grâce à ces dispositifs, les professionnels de santé sont alertés en temps réel de la dégradation éventuelle de l’état de santé du patient et peuvent intervenir plus rapidement en adaptant sa prise en charge.
2) Les chatbots
Avec les progrès de l’IA, l’utilisation des chabots (ou agents conversationnels) s’est énormément développée.
Les agents conversationnels apportent des réponses aux questions que se posent les patients selon trois modalités possibles :
- les assistants qui apportent une réponse standard quel que soit l’utilisateur ;
- les concierges qui adaptent leurs réponses en fonction de chaque utilisateur ;
- les conseillers qui réalisent directement l’action souhaitée par l’utilisateur.
Les agents conversationnels peuvent venir se greffer sur une large palette d’applications (Messenger, Slack) et sont disponibles sur une multitude d’appareils (smartphone, ordinateur, tablette, etc.).
Les chatbots peuvent être utilisés tout au long du parcours de soins en oncologie mais leur utilisation est particulièrement pertinente au cours de la période de surveillance -une période qui nécessite une vigilance et un accompagnement continus, aidés par la constante « disponibilité » de l’outil.

Les limites actuelles de l’IA en santé

Le développement de l’IA fait actuellement face à trois principales limites.


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Classification des limites de l’IA (AEC Partners)


1) Des limites techniques
De plus en plus de données de santé sont disponibles en temps réel, et ce notamment grâce à l’explosion des objets connectés. Elles restent encore peu exploitables compte tenu de la faible interopérabilité des bases de données entre elles. Il devient donc urgent de développer des interfaces à la fois compatibles et structurées pour pouvoir entreprendre une consolidation de qualité afin d’améliorer l’analyse d’ensemble.
C’est d’ailleurs dans cet esprit que le Health Data Hub a été créé en 2019, ayant pour ambition de favoriser la constitution, l’utilisation et l’exploitation de méga-bases de données de santé.
Autre problème et contrairement aux études cliniques portant sur les médicaments, il n’existe toujours pas de design d’études robuste démontrant l’efficacité avérée des solutions d’IA proposées. Il est également nécessaire de rappeler que la grande majorité des solutions d’IA se fonde sur des techniques de deep learning. Les données utilisées doivent pouvoir être comprises et validées par des professionnels de santé. Il est donc nécessaire que les entreprises d’IA recrutent puis forment un large panel de professionnels de santé.
2) Des limites juridiques La protection de l’information médicale est un véritable enjeu, sachant que l’efficacité des solutions d’IA repose sur la pertinence et la précision des données collectées. En France, l’utilisation des données de santé est encadré par la loi Informatique et Liberté de 1978 et, depuis 2018, par un règlement européen sur la protection des données personnelles, le RGPD.
Face à la Chine et aux États-Unis, une législation plus souple mais protectrice, permettant de réguler les solutions d’IA, a récemment été proposée par le Parlement européen avec l’AI Act.
3) Des limites socio-culturelles
Les problèmes éthiques que posent les solutions d’IA sont un véritable enjeu sociétal et une réelle source d’inquiétude pour un grand nombre de praticiens et de spécialistes. La Commission de réflexion sur l’éthique de la recherche en sciences et technologie du numérique (Cerna) a rappelé, sur un plan européen, l’importance de mettre en place des systèmes dont le fonctionnement soit transparent et traçable.
Plusieurs études montrent d’ailleurs que les médecins avancent certaines conditions préalables à l’utilisation des solutions d’IA (transparence minimum sur le fonctionnement des algorithmes utilisés, aval des autorités de santé, réel bénéfice clinique, facilité d’utilisation notamment).

Conclusion : défis et opportunités de l’IA en santé

Le constat dressé par les oncologues est clair : beaucoup craignent qu’avec l’IA, les systèmes de santé se déshumanisent. Un effort de pédagogie reste encore un préalable indispensable à toute solution proposée.
Et pourtant, l’IA peut réunir de véritables outils pour lutter contre les déserts médicaux, faciliter la coordination des soins entre praticiens, accélérer la gestion administrative des dossiers médicaux, diminuer les délais du diagnostic, améliorer la prise en charge thérapeutique.
Le recours généralisé à des solutions d’IA en santé ouvrirait la voie à une transformation significative de la médecine, passant d'une approche curative à une approche préventive et prédictive.
Cette évolution présenterait des avantages significatifs tant pour les patients que pour les professionnels de santé dans l’accompagnement thérapeutique tout autant que la prise en charge globale.
En intégrant l'IA dans les parcours de soins en santé, il deviendrait possible de détecter plus précocement les signes de la maladie, de prédire plus précisément les risques spécifiques à chaque patient et de proposer des interventions adaptées pour prévenir des facteurs d’aggravation avant qu'ils ne se manifestent.
Cette transition vers une médecine préventive et prédictive permettrait de réduire considérablement la charge de morbidité, d'améliorer la qualité de vie des individus et de diminuer les coûts liés aux soins de santé.
Pour que ces avantages soient pleinement réalisés, il est néanmoins crucial d'impliquer l'ensemble des professionnels concernés dans les réflexions en cours. La prise en charge des patients, en cancérologie notamment, convoque souvent une collaboration interdisciplinaire nécessitant que chaque acteur de santé soit familiarisé avec les approches et les outils de l'IA afin d’optimiser la qualité des soins et les résultats thérapeutiques obtenus.