Survey-Magazine : Comment un leader sur son secteur tel que
L’Oréal continue à apprendre de ses consommateurs
?
David Dubois : L’Oréal est l’une des
premières entreprises à comprendre comment se servir des traces
digitales laissées par les consommateurs – c’est-à-dire leur
comportement en ligne qui est reflété à la fois par leurs recherches,
leurs activités sur les médias sociaux et leurs parcours en ligne (web
tracking) – et à utiliser ces informations pour la construction de la
marque. En plus de l’exploitation systématique d’outils
d’analyse de données internes et externes pour mieux connaître les
besoins de leurs consommateurs, les dirigeants de L’Oréal ont basé
des décisions marketing importantes, liées par exemple au développement
d’un nouveau produit ou encore au repositionnement de la marque,
sur ces insights. C’est ainsi qu’ils ont choisi de nommer un
produit « Ombré » après avoir observé un intérêt grandissant pour une
technique de coloration particulière que les internautes appelaient
l’effet ombré. Une analyse attentive des médias sociaux a révélé
de nombreuses occasions pour L’Oréal de profiter des services
d’influenceurs et de s’inspirer des commentaires en ligne
des consommateurs et des vidéos tutoriels (du type do-it-yourself) lors
de la création du nouveau produit. Sur le plan organisationnel, ils ont
regroupé toutes les recherches effectuées sur les données numériques
dans un vaste entrepôt de données à partir duquel les précieux insights
sont efficacement répartis aux équipes appropriées. Pour L’Oréal,
centraliser les compétences et les ressources financières dédiées à la
création et à la capture de valeur à partir de données digitales a pour
avantage d’assurer une longueur d’avance dans le
développement de technologies et des connaissances. En somme,
l’addition des ressources considérables, autant online
qu’offline, et d’une adaptation intelligente des stratégies
marketing procurent à L’Oréal un avantage concurrentiel et
conforte la place du groupe en tant que chef de file dans le domaine de
la beauté.
Doit-on parler de création ou de capture de la valeur
?
On peut parler des deux. Les insights qui proviennent des données
consommateurs issues du Web et des médias sociaux constituent des mines
d’or pour la création et la capture de valeur. Les approches
analytiques des médias sociaux, comme celles de Digimind, Meltwater ou
Brandwatch, aident à comprendre comment les produits sont perçus
socialement et ainsi pouvoir se faire une idée de la réputation du
produit en ligne. Elles permettent aussi d’en apprendre davantage
sur l’utilisation, parfois surprenante, des produits et des
services en contexte social. Des solutions de recherche de site offertes
par des entreprises comme TSquared Insights peuvent aider à connaître
les comportements et les perceptions des consommateurs par rapport aux
produits et services. Il est possible de savoir quand et pourquoi les
consommateurs sont intéressés par un produit, mais aussi comment ils se
le procurent. On peut ainsi reconstituer le processus d’achat
complet : par exemple, comment ils passent d’un site web sur les
voyages à la publication d’un de leurs amis sur les médias sociaux
jusqu’à un moteur de recherche pour s’informer sur les
meilleures attractions du lieu qu’ils ont décidé de visiter lors
de leurs prochaines vacances. Les données issues du Web et des réseaux
sociaux deviennent particulièrement utiles pour comprendre les
consommateurs d’un point de vue psychologique. Les dernières
techniques permettent d’inférer leur profil psychologique et même
leurs idéologies politiques, seulement à partir de leur comportement en
ligne. Il est ensuite possible de segmenter et de cibler beaucoup plus
efficacement.
Quels sont aujourd’hui pour vous les nouveaux outils et
méthodologies d’études à privilégier ?
Il est devenu primordial pour les entreprises de retracer le parcours de
leurs clients dans le monde digital : suivre les traces qu’ils ont
laissées sur les médias sociaux, les sites et les moteurs de recherche
et ainsi mieux comprendre leurs sentiments et leurs comportements. Il
faut toutefois faire attention aux biais qu’il est possible de
rencontrer pour chacun de ces types de données. Une personne peut, par
exemple, agir d’une certaine façon sur les médias sociaux
simplement pour projeter une image positive. Afin d’éviter ces
biais, les entreprises peuvent se baser sur la grande variété de données
à leur disposition qui aidera à réduire l’incertitude entourant la
justesse des insights. Il est aussi important de fixer des objectifs
stratégiques liés aux données numériques. Une stratégie claire permet de
profiter pleinement des insights provenant de données issues du web et
des réseaux sociaux, tandis que ces données ne serviront pas à
grand-chose sans une identité et une stratégie bien établies. Autrement
dit, il est important d’élaborer une stratégie avant toute chose,
puis, ensuite, penser à utiliser ces nouvelles ressources avec
discernement. Enfin, il est important de prévoir comment ces nouvelles
méthodes et technologies vont être intégrées au sein de
l’entreprise : trop souvent, ces techniques sont mises à
l’essai, mais les insights ne sont pas distribués efficacement aux
services appropriés. En pratique, pour créer et capturer le maximum de
valeur, les entreprises devraient encourager la communication entre les
équipes et les départements à propos des insights et de faire des
données leur « pain quotidien ». Dans le même ordre d’idées, des
structures flexibles devraient être mises en place pour stimuler la
flexibilité, l’expérimentation et les approches axées sur
l’apprentissage. Les tests, comme la technique A/B, devraient être
monnaies courantes. L’avenir appartient aux entreprises qui savent
apprendre, c’est-à-dire celles qui n’hésitent pas à
effectuer des tests et se servent des résultats, qu’il
s’agisse de succès ou d’échecs, pour surpasser leurs
concurrents.
Traduit de l’anglais par Sematos, cabinet spécialisé en traduction.