Selon la définition qu’en donne l’INSEE, l’innovation produit correspond à l’introduction d’un bien ou d’un service nouveau ou sensiblement amélioré sur le plan de ses caractéristiques ou de l’usage auquel il est destiné. Selon la définition qu’en donne l’INSEE, l’innovation produit correspond à l’introduction d’un bien ou d’un service nouveau ou sensiblement amélioré sur le plan de ses caractéristiques ou de l’usage auquel il est destiné. Aujourd’hui, l’innovation produit est au cœur des problématiques des industries agro-alimentaires et représente un enjeu de premier ordre car : innover permet tout à la fois de gagner en visibilité, de se différencier, d’améliorer sa position concurrentielle, de dynamiser les ventes, de développer un marché… Les études sont de ce fait un outil précieux d’accompagnement de l’entreprise pour limiter les risques d’insuccès d’une innovation.
Deux types d’éléments du mix doivent être considérés dans le processus d’évaluation d’une innovation :
- Les attributs extrinsèques au produit (on parle du marketing mix :
publicité, emballage, distribution, …), aptes à susciter un intérêt pour
le nouveau produit et un premier acte d’achat ;
- Les attributs intrinsèques du produit, correspondant à ses
caractéristiques organoleptiques, qui lui permettent de satisfaire
l’acheteur et de lui assurer sa pérennité.
Aujourd’hui, les attentes des consommateurs sont de plus en plus complexes et, dans un contexte prônant une alimentation plus saine, plus durable et plus raisonnée, une des clés de succès d’une innovation alimentaire est garantie par la qualité des caractéristiques organoleptiques du produit.
Conscientes de cet enjeu, les entreprises agroalimentaires accordent de plus en plus d’importance au point de vue du consommateur : mettre le client au cœur du développement produit est devenu une étape-clé de la démarche d’innovation ou de rénovation ; maximiser la satisfaction de l’acheteur avec une offre produit efficace, qualitativement supérieure, cohérente dans son mix, notamment sur le versant sensoriel, est un gage de succès.
Ainsi, l’évaluation sensorielle est devenue une discipline essentielle dans le process du développement d’un produit alimentaire. Elle permet d’appréhender les motivations et les préférences des consommateurs en les reliant à des caractéristiques tangibles et bien maîtrisées d’un produit donné. Par l’intermédiaire des tests sensoriels, les industries accèdent à une information hédonique liée uniquement à l’appréciation de la recette, débarrassée de toutes informations extrinsèques et permettant d’anticiper la performance future du produit sur le marché d’un strict point de vue organoleptique. En effet, Lawless et Heymann (1999) postulent qu’une recette non performante sur un plan organoleptique empêchera probablement le succès du produit en dépit d’une campagne marketing réussie.
Sans prétendre à un recensement exhaustif, cet article a pour objectif de présenter les étapes majeures des tests sensoriels dans le cadre d’une innovation produit alimentaire et d’en présenter les principales méthodes, les différents traitements et sorties exploitables, facilitant in fine la prise de décision pour le fabricant ou le distributeur.
La co-création, les consommateurs au cœur de la phase de la phase de conception
En amont de la création d’un nouveau produit, les entreprises agroalimentaires se doivent de construire leur stratégie d’innovation sur la base d’un examen attentif des tendances et des attentes des consommateurs (insights). Les épreuves qualitatives, dites « quali-créatives » consistent à investiguer les axes pertinents d’innovation. Différentes approches méthodologiques peuvent être utilisées à cette fin : observations ethnographiques en situation d’usage, brainstorming en groupes, interviews individuels non directifs, bulletin board et blog on line,… La démarche de co-design est particulièrement pertinente à ce stade, faisant intervenir des consommateurs « naïfs » mais aussi des équipes expertes (R&D, marketing) selon un processus graduel de co-création permettant d’aboutir à des mix sensoriels efficients.
Les épreuves hédoniques, mesure de la préférence des consommateurs
Les épreuves hédoniques dans un cadre agroalimentaire correspondent à des tests consommateurs visant à mesurer le plaisir et la satisfaction éprouvés lors de la consommation d’un produit. Ces tests sont généralement menés auprès de plusieurs dizaines de consommateurs naïfs, recrutés conformément à la cible visée. La recette sera évaluée globalement et sur ses différentes caractéristiques (aspect, odeur, goût, texture, par exemple), le plus souvent à l’aveugle.
Dans le cadre d’une innovation, le test hédonique permet de mesurer l’acceptabilité d’une nouvelle recette (nouveau produit ou reformulation d’un produit existant). On y recourt pour évaluer le prototype, tester un nouveau concept, vérifier l’adéquation entre la recette et le concept, ou encore effectuer des comparaisons entre variantes (plusieurs essais de recette, par exemple). Les épreuves sont généralement effectuées en laboratoire spécialisé (figure 1) afin de contrôler les conditions de dégustation des produits (neutraliser les éventuels biais pouvant influencer les perceptions : couleur, odeur, mode de préparation, …). Les tests au domicile sont également indiqués si le produit nécessite une remise en œuvre (ingrédients) ou si l’on souhaite prendre en compte la « variabilité du réel ».
La détermination des méthodologies de test nécessite une analyse minutieuse de la problématique du client. Différentes approches expérimentales peuvent alors être mises en œuvre, parmi lesquelles :
- L’épreuve par paire : les produits sont présentés deux à deux au
sujet, le critère sur lequel porte la comparaison est le caractère
agréable du produit.
- L’épreuve de classement : la tâche des sujets consiste à
classer les produits sur la base de leur appréciation de ces derniers.
- L’épreuve d’authenticité : cette épreuve a pour
objectif l’estimation de la similitude entre un produit et le
standard interne des sujets pour ce type de produits. L’épreuve
d’authenticité est particulièrement indiquée dans le cas
d’une reformulation de produit : la nouvelle recette perd-t-elle
son image d’authenticité en regard de la recette actuelle ?
- L’épreuve en monadique séquentiel. Lors de ces dernières,
les produits sont présentés les uns après les autres, le sujet devant
donner son avis concernant leur caractère agréable sur une échelle de
notation à 9 points, par exemple (figure 2). Ce type d’épreuve
permet notamment d’évaluer l’appréciation hédonique de
plusieurs produits les uns par rapport aux autres (le nouveau produit
est-il meilleur que le produit concurrent ? Les nouvelles recettes
sont-elles appréciées ? Le produit A a-t-il un meilleur aspect que le
produit B ?).
Il est également possible de ne présenter qu’un seul produit à
chacun des consommateurs (épreuve en monadique pur), permettant
d’apprécier l’acceptabilité d’un produit.
De telles épreuves visent à collecter des données quantitatives, sur
lesquelles un grand nombre de traitements peuvent être opérés :
statistiques descriptives (moyenne, écart-type avec tests de
significativité), analyses factorielles, analyse en composantes
principales ou cartographie interne des préférences (figure 3), analyse
factorielle multiple, analyse typologique (mise en évidence de groupes
de consommateurs selon leurs préférences).
Les tests hédoniques permettent aux entreprises d’avoir une idée
de la performance d’un (nouveau) produit par les consommateurs,
mise en regard d’autres recettes (concurrents, essais, recette
actuelle…). Néanmoins, ce type d’épreuve ne permet pas
d’expliquer les préférences des consommateurs ni de trouver
d’éventuelles pistes d’amélioration des produits : un
diagnostic sensoriel complet se doit d’être associé à ce type
d’épreuve.
Les épreuves descriptives, un diagnostic sensoriel complet
Les tests descriptifs ont pour objectif de mettre en évidence les caractéristiques sensorielles d’un produit et de les quantifier. Comme pour les tests hédoniques, les méthodologies de test sont multiples : épreuve de classement, épreuve de comparaisons par paires, … dont le caractère discriminant est l’intensité sur un ou plusieurs descripteurs sensoriels. Ces épreuves permettent, à terme, l’établissement de profils sensoriels. Le diagnostic sensoriel peut être réalisé au moyen de différentes procédures : usuellement, les profils sensoriels sont établis par un groupe d’experts en évaluation sensorielle. Néanmoins, la mise en place d’un tel jury étant chronophage et coûteuse, il existe de nombreuses méthodes permettant d’établir des diagnostics sensoriels complets directement auprès des consommateurs.
Les tests descriptifs ont pour objectif de mettre en évidence les caractéristiques sensorielles d’un produit et de les quantifier. Comme pour les tests hédoniques, les méthodologies de test sont multiples : épreuve de classement, épreuve de comparaisons par paires, … dont le caractère discriminant est l’intensité sur un ou plusieurs descripteurs sensoriels. Ces épreuves permettent, à terme, l’établissement de profils sensoriels. Le diagnostic sensoriel peut être réalisé au moyen de différentes procédures : usuellement, les profils sensoriels sont établis par un groupe d’experts en évaluation sensorielle. Néanmoins, la mise en place d’un tel jury étant chronophage et coûteuse, il existe de nombreuses méthodes permettant d’établir des diagnostics sensoriels complets directement auprès des consommateurs.
L’analyse des pénalités permet par exemple d’identifier et de hiérarchiser les facteurs influençant le plus le jugement (drivers de préférence). Elle est une des voies possibles pour mettre à jour les axes de perfectionnement souhaitables d’une recette.
D’autres méthodes, telles que les épreuves de napping, de profil flash, de profil libre choix, de catégorisation, … peuvent être mises en place avec des consommateurs « naïfs », permettant elles aussi une caractérisation sensorielle des produits.
Les profils sensoriels dit conventionnels sont usuellement établis par un groupe d’experts, sujets entraînés en analyse sensorielle. Suite à la sélection d’un certain nombre de descripteurs sensoriels susceptibles de caractériser au mieux les produits, l’objectif est de mesurer l’intensité de la sensation perçue pour chacun de ces descripteurs (utilisation d’une échelle de notation). Finalement, le profil sensoriel de chacun des produits sera établi à l’aide de l’ensemble des descripteurs quantifiés, permettant d’attribuer au produit une « carte d’identité » précise, reproductible et compréhensible par tous (figure 8). Cette épreuve servira, à termes, à déterminer, par le calcul, les facteurs sensoriels d’une préférence mesurée indépendamment, au cours des épreuves hédoniques.
Enfin, les épreuves dites discriminatives ont pour objectif de détecter la présence ou l’absence de différences sensorielles entre deux produits. Ces épreuves sont particulièrement appréciées dans le cadre de reformulation de recettes : les sujets perçoivent-ils la différence entre la nouvelle recette et la recette actuellement commercialisée ? Ces méthodes ont pour avantage d’être très simples à mettre en œuvre et à interpréter. Néanmoins, elles ne permettent ni d’identifier, ni de quantifier les différences. Le principe de ces épreuves est simple : les sujets doivent comparer plusieurs échantillons et reconnaître ceux qui sont identiques entre eux ou différents. Diverses méthodes peuvent être mises en œuvre, avec, entre autres, l’épreuve triangulaire (présentation de trois échantillons dont deux proviennent du même produit, et le troisième de l’autre produit), l’épreuve duo-trio (épreuve qui consiste à présenter un échantillon témoin, identifié comme tel, et deux échantillons dont l’un est identique au témoin et l’autre est différent) ou encore les épreuves 2 parmi 5 (dont le principe est le même que celui de l’épreuve triangulaire).
Généralement, les épreuves discriminatives précédent les épreuves de type descriptif ou hédonique.
Lien entre mesures hédoniques et diagnostic sensoriel : comprendre les préférences des consommateurs
Les épreuves hédoniques permettent de mesurer l’appréciation des consommateurs envers un ou plusieurs produits. Le diagnostic sensoriel, qu’il soit réalisé par un groupe d’experts ou des consommateurs naïfs, permet quant à lui de mettre en évidence les caractéristiques sensorielles des échantillons. La liaison entre ces deux types de données est une nécessité pour les industriels qui se doivent de comprendre, à l’aide des données sensorielles, l’appréciation des consommateurs afin de se positionner face à la concurrence, de dégager des axes d’optimisation de leurs produits ou encore de développer de nouveaux essais, en réponse aux potentielles attentes non satisfaites.
La cartographie des préférences, ou PrefMap, est une méthode permettant de faire la liaison entre ces deux types de données. Associée à une segmentation (étape consistant à identifier des segments de consommateurs aux préférences homogènes), cette analyse offre la possibilité de déterminer le profil sensoriel optimal pour chacun des segments identifiés.
Dans le cadre d’une innovation produit, la cartographie des préférences permettra aux industriels de comprendre comment se positionne le nouveau produit par rapport à des produits concurrents, d’évaluer à quel type de consommateur s’adresse le nouveau produit, d’estimer les différents axes d’optimisation de ce dernier afin qu’il soit davantage apprécié par son cœur de cible ou encore de dégager de nouveaux axes d’innovation non encore investigués (extension de gamme, par exemple).
La cartographie des préférences démarre par l’établissement d’une carte sensorielle. Celle-ci est obtenue au moyen d’une analyse factorielle effectuée à partir des profils sensoriels. Les préférences des consommateurs sont ensuite modélisées puis agrégées sur cette même carte (figure 9). Le résultat final est la visualisation du pourcentage de consommateurs qui apprécient ou apprécieraient un produit positionné dans la carte sensorielle, le produit idéal étant le produit correspondant au point de la carte où le pourcentage de consommateurs satisfaits est le plus élevé.
La segmentation des consommateurs est réalisée sur les données de préférences issues du test hédonique. L’objectif de cette étape est d’établir des groupes homogènes de consommateurs, dont les directions de préférences sont similaires. Ce niveau d’analyse permet de mettre en évidence les différences d’attentes entre les consommateurs et de les résumer au sein de classes homogènes. Le lien entre les segments mis à jour et des données socio-démographiques peut également faire l’objet d’une analyse typologique ultérieure (cluster de préférence).