Survey-Magazine : Comment se positionne le métier des Etudes face
au digital ?
Anne Dionisi-Fung : Le digital bouleverse tous les
métiers et en particulier celui des Etudes. C’est une formidable
opportunité pour le métier de se réinventer et développer des approches
méthodologies plus souples, plus rapides, plus économiques. Le digital
transforme notre relation avec le client : la prise de contact devient
immédiate en temps réel. Nous sommes en mesure de gagner en réactivité
et d’engager plus facilement le client. Le digital, c’est
bien sûr aussi la surabondance de données. On a accès à toutes les
données et nous pouvons les analyser de multiples façons : de la macro
au micro, du simple au complexe, une granularité d’informations
qui permet des modélisations. Tout devient possible. Seul impératif :
sélectionner les éléments d’analyse qui permettent
d’apporter de la valeur tangible au business. Le digital nécessite
donc que les Etudes soient en veille perpétuelle, testent de nouvelles
méthodologies, adoptent une démarche « test & learn » et surtout
soient garantes de l’expertise métier, d’une rigueur
d’analyse et d’objectivité. Il est crucial chez
l’annonceur que les Etudes prennent ce virage en interne et
intègrent le digital dans leur quotidien.
Elisabeth Martine-Cosnefroy : On tire le meilleur
profit des outils digitaux, comme tous les métiers
d’aujourd’hui. Les études sont digitales et offrent un
nouveau champ d’observation. On gagne en rapidité ainsi
qu’en précision pour des coûts moindres. Nous ne manquons pas
d’imagination pour nous en inspirer et nous en servir. En tant que
professionnels des études, le digital est au cœur de toutes nos analyses
et réflexions stratégiques. On est en immersion permanente, pour
comprendre, vivre avec et mieux anticiper les besoins du marché.
C’est aussi l’occasion de revisiter nos méthodes et leurs
fondamentaux comme l’audience, les points de contact, ou encore
les modes d’enquête et conversationnels, la recherche
d’insights… C’est vivre en chantier permanent, c’est
stressant mais aussi très excitant car très ouvert. Cela appelle
l’expertise des plus anciens et des plus jeunes à la fois. Il faut
que les jeunes acquièrent de la séniorité et que les seniors vivent la
vie des plus jeunes. Le métier doit trouver un mode opératoire
inter-générationnel dès le stade de la formation professionnelle.
Comment va évoluer le marché des études dans les années à venir
?
EMC : D’une certaine manière je crois qu’il
n’est pas souhaitable de dessiner le métier dans 5 ans ou plus.
Tout va très vite. Imaginer l’avenir alors que l’on ne sait
pas encore ce qui va changer et se créer de nouveau, c’est refuser
de travailler en dynamique, c’est aller à contre-courant et figer
le temps. Il faut se placer dans une situation de risque et accepter
d’avancer avec le mouvement. En revanche, je crois qu’il est
définitivement nécessaire de gagner en agilité, s’adapter en
permanence, revoir nos références sans cesse, faire de la recherche et
ne pas se contenter des acquis. Une remise en question incessante et de
la modestie, c’est ce qui caractéristique bien les femmes et
hommes des Etudes. Je leur fais confiance pour rester plus que jamais
curieux et informés de ce qui se passe, immergés et en écoute constante,
en remettant l’observation au cœur de leurs outils. Dans le même
temps nous devons pérenniser notre métier d’analyste de fond,
inscrire le bouillonnement quotidien dans le long terme, en aidant les
entreprises à prendre de la distance, se poser régulièrement pour lire
les tendances majeures et prendre du recul pour engager des décisions
stratégiques et ancrer leur position.
ADF : Le marché des Etudes devrait être plus dynamique,
car la connaissance du consommateur devient de plus en plus accessible
et de façon très rapide grâce au digital. Les Etudes doivent donc
accompagner toutes les équipes dans le traitement de ces données et
s’assurer que des plans d’actions soient mis en place. Il
est primordial que les études développent de nouvelles compétences,
notamment celle d’intégrateurs de données de sources multiples.
Comment le rôle du Directeur d’Etudes côté annonceur a
évolué ?
ADF : Son rôle devient celui d’accompagner la
transformation de l’entreprise, de comprendre les nouveaux
métiers, de développer des nouvelles compétences, de former et de
coacher les équipes. Cela nécessite de s’assurer que le client
reste au cœur des décisions : on parle de « client centricity » ou «
customer focus ». Concrètement, le Directeur d’Etudes doit avoir
une vision transversale à la fois stratégique, tactique et
opérationnelle.
Quelles orientations stratégiques conseillez-vous aux
professionnels des études ?
EMC : Avant tout il me semble que les professionnels
des études doivent se recentrer sur le métier d’analyste, se
détacher du faire pour se concentrer sur le comprendre et le comment
agir. Parallèlement, nous devons apporter des solutions, des conclusions
pour actions directement lisibles et applicables pour les entreprises.
Cela va demander de reconquérir les entreprises, au sens de vivre
davantage en connivence avec elles, à leurs côtés, en parlant avec leurs
outils de communication et leur apporter néanmoins notre regard externe.
Il va falloir former nos clients à notre savoir-faire pour les laisser
faire par eux-mêmes et se rendre indispensables dans
l’accompagnement de cette compétence et dans
l’interprétation pour action des informations collectées.
Définitivement un métier d’audit et d’analyse opérationnelle
et non plus de collecte et d’enquête.