La plupart des entreprises dépensent des sommes substantielles pour
collecter des informations sur leurs clients, leurs marchés ou
l’efficacité de leurs actions et de leurs programmes de
marketing. Ces dépenses se justifient puisqu’elles se
traduisent généralement par de meilleures décisions et des
performances commerciales accrues. En conséquence, les entreprises
cherchent à utiliser les meilleurs moyens de collecter des
informations commerciales utiles, de qualité et à moindres coûts. Or
beaucoup d’entre elles, en particulier les entreprises en B2B,
semblent ne pas tirer un profit maximum des informations
qu’elles ont sous la main et qui sont disponibles auprès de
leurs propres commerciaux.
Au moins trois catégories d’informations détenues par les
commerciaux méritent d’être collectées et exploitées de façon
systématique, à savoir celles relatives aux relations client, aux
relations commerciaux-entreprise et aux comportements des
commerciaux.
Comment mieux exploiter les informations des commerciaux sur leur clientèle ?
Les commerciaux disposent souvent des meilleures informations sur les
comptes clients dont ils sont responsables, sur leur territoire de vente
et sur le (ou les) marché(s) qu’ils desservent. Ils sont souvent
les premiers à apprendre ce que fait ou va faire la concurrence, à
reconnaître de nouvelles tendances du marché ou à percevoir de nouvelles
opportunités. La nature même de la fonction commerciale implique la
gestion et l’exploitation d’un réservoir colossal
d’informations. Les commerciaux sont de grands collecteurs de
renseignements qui vont leur servir à identifier les clients dont le
potentiel est le plus élevé, à bâtir des relations mutuellement
profitables avec ces clients en déterminant quelles solutions leur
proposer et leur fournir pour résoudre leurs problèmes, si possible
mieux que ne pourraient le faire les concurrents.
Les systèmes CRM que les entreprises mettent souvent en place pour
faciliter les fonctions commerciales sont une reconnaissance de ce
besoin d’alimenter et de traiter utilement les réservoirs
d’informations pertinentes dont les commerciaux ont besoin.
Lorsqu’ils sont bien conçus et utilisés, les systèmes CRM
facilitent la collecte et le traitement des informations utiles aux
commerciaux et au management pour affiner les stratégies commerciales.
Par contre, ils sont moins adaptés pour permettre une utilisation
qualitative optimale de ces informations dans la gestion des relations
client.
Si les systèmes CRM sont utiles, ils sont malheureusement limités du
fait qu’ils collectent et analysent des données essentiellement
quantitatives. Ils sont moins efficaces pour collecter et analyser la
masse de données qualitatives dont disposent les commerciaux. Il en
résulte une déperdition d’informations pertinentes qui pourraient
être utilisées par les directions commerciales et marketing, soit au
niveau de chaque commercial, soit au niveau de la force de vente.
Nombreuses sont les entreprises qui pourraient améliorer le coaching de
leurs commerciaux ainsi que la définition de leurs stratégies
commerciales en collectant ces informations qualitatives grâce à des
enquêtes auprès de leurs commerciaux. Au moyen d’entrevues en
profondeur, non structurées, un chercheur professionnel (surtout pas un
cadre commercial) pourrait par exemple demander à un commercial de
décrire sa dernière visite à quelques clients particuliers choisis
(certaines positives, d’autres négatives ou moins positives).
L’analyse de ces entrevues pourrait révéler un certain nombre de
faits non soupçonnés par la direction commerciale, tels que certains
comportements des clients et/ou du commercial, révéler de nouvelles
opportunités ou alerter sur de possibles problèmes à venir. De telles
enquêtes pourraient être menées à intervalles réguliers, par roulement
sur l’ensemble de la force de vente. Il y aurait alors lieu
d’effectuer l’analyse de ces données au moyen de techniques
qualitatives aux niveaux de chaque commercial et/ou de l’ensemble
de la force de vente.
Comment mieux exploiter les informations des commerciaux sur leurs relations avec leur encadrement ?
Les commerciaux ne sont pas uniquement des réservoirs
d’informations factuelles et objectives. Ils sont aussi
dépositaires des informations sur leurs perceptions de leur travail, de
leur encadrement et de leur entreprise. Ces perceptions des différents
aspects de leur travail engendrent des sentiments envers trois sources
de satisfaction ou d’insatisfaction. Les commerciaux retirent
satisfaction (ou insatisfaction) de l’adéquation entre leurs
efforts et ce qu’ils en retirent pour eux-mêmes (par exemple les
efforts qu’ils doivent déployer pour obtenir leur rémunération,
leurs promotions, des signes de reconnaissance). Ils sont plus ou moins
satisfaits des pratiques de leur encadrement direct (par exemple le
support, la latitude que le management leur laisse pour prendre
certaines décisions). Leur satisfaction ou insatisfaction peut être
affectée par les pratiques et les politiques de leur entreprise qui ne
dépendent pas de leur encadrement direct (par exemple, la renommée et la
réputation de l’entreprise, l’efficacité des campagnes
publicitaires ou l’atmosphère de travail).
La satisfaction /insatisfaction des commerciaux envers leur travail
affecte directement leur motivation et donc leurs performances futures.
Bien que la satisfaction au travail ne soit pas une condition suffisante
de la motivation, elle en est pourtant une condition nécessaire : Sans
satisfaction, pas de motivation ! De plus, la satisfaction au travail
permet de contrôler les taux de roulement (généralement élevés et
coûteux) des meilleurs commerciaux.
Pour la direction commerciale assurer le maximum de satisfaction
possible des commerciaux est donc primordial. Pour cela, la direction
doit savoir quelles sont les sources d’insatisfaction affectant
différents aspects des trois grandes dimensions indiquées ci-dessus.
Elle doit pouvoir aussi apprécier le niveau de ces insatisfactions, les
importances relatives de ces sources d’insatisfaction et la mesure
dans laquelle ces perceptions reflètent bien la réalité. Grâce à de
telles informations, le management pourrait par exemple supprimer en
totalité ou en partie les sources les plus importantes
d’insatisfaction et/ou corriger de mauvaises perceptions de leurs
commerciaux.
Les entreprises conscientes de l’importance que revêt la
satisfaction au travail de leurs commerciaux pour leur motivation et
leur performance doivent rechercher ces informations à la source, les
commerciaux eux-mêmes. Il convient alors de mener des enquêtes
systématiques et régulières de satisfaction/insatisfaction auprès de la
force de vente. Ces enquêtes peuvent être de nature quantitative (des
outils pour cela existent déjà), avec s’il y a lieu, des
compléments d’enquêtes qualitatives.
Comment mieux exploiter les informations sur les comportements des commerciaux ?
Pour encadrer efficacement leurs commerciaux, les entreprises ont besoin
de savoir comment ils se comportent et pourquoi ils se comportent ainsi.
Par exemple, en plus de leurs niveaux de satisfaction/insatisfaction au
travail, un manager doit savoir entre autres, quels sont leurs besoins,
leurs motivations, leurs aptitudes, leurs connaissances et leurs
compétences, leurs aspirations, leur niveau de stress au travail et leur
façon d’y résister.
Depuis quelques décennies, des recherches académiques en vue de
comprendre et prévoir les comportements des commerciaux dans différents
types de situation et d’environnement permettent d’apporter
de (modestes) éléments de réponse à ces interrogations. Malheureusement,
pour des raisons que l’on verra ci-dessous, les chercheurs
universitaires ont le plus grand mal à accéder aux données dont ils ont
besoin pour étudier ces questions (dont les réponses devraient en fin de
compte profiter aux entreprises).
Faute de théories générales directement utilisables par le management
commercial, il existe souvent de grandes zones d’incertitudes sur
les comportements de leurs commerciaux et sur leurs causes, ainsi que
sur l’impact de ces comportements sur les performances
commerciales. Beaucoup d’entreprises pourraient sans doute gagner
en efficacité en effectuant ou en faisant effectuer des études
comportementales auprès de leur propre force de vente.
Quelques obstacles à la collecte de ces informations
Puisqu’il serait profitable pour une entreprise de collecter et
d’analyser des informations auprès de leurs commerciaux (et bon
nombre de managers en sont surement convaincus), on peut
s’interroger pourquoi elles ne le font que peu ou pas du tout.
Plusieurs raisons expliquent ce comportement.
D’abord, même lorsqu’ils reconnaissent la richesse de cette
source d’information, les décideurs estiment souvent que le temps
de leurs commerciaux est bien trop précieux pour le divertir de la
mission essentielle d’assurer les relations mutuellement
profitables avec la clientèle et donc d’assurer les performances
commerciales (souvent à court terme). En conséquence, ils évitent
d’imposer des activités qui ne vont pas se traduire par des
résultats à relativement court terme. C’est pourquoi les
chercheurs universitaires du domaine ont du mal à faire accepter aux
directions commerciales que l’on interroge leurs commerciaux pour
des bénéfices qui restent souvent aléatoires.
Ensuite, toute collecte d’informations auprès des commerciaux a
donc un coût réel et visible pour un manager puisqu’il pourrait se
traduire par une moindre performance commerciale. Les bénéfices qui
résulteraient d’une meilleure information ne peuvent se traduire
qu’à plus long terme et sont donc généralement peu visibles dans
l’immédiat. C’est un comportement classique des managers de
tenter de contrôler leurs coûts directs (et donc visibles) et sacrifier
des gains d’opportunité (invisibles à court terme).
Enfin, une autre raison pour laquelle les managers ne collectent pas
davantage d’informations auprès de leurs commerciaux est que
souvent ils ne possèdent pas les outils nécessaires pour assurer une
collecte pertinente et efficace, et/ou des techniques d’analyse de
ces données. Savoir quelles informations collecter, comment les
collecter et quand s’arrêter de les collecter ne sont pas toujours
des décisions faciles à prendre.
Pour conclure…
Bien que la collecte d’informations supplémentaires auprès des commerciaux ne soit pas généralement une opération sans problèmes, il n’en reste pas moins qu’il existe là une mine non exploitée de profits pour les entreprises. Comme c’est souvent le cas, gageons que ce sont les entreprises qui reconnaissent le potentiel de la mine et décident de l’exploiter qui en retirent le maximum de profits.