L’intelligence artificielle n’est pas un concept nouveau.
Souvenons-nous dans les années 1950 des expérimentations autour des
interactions homme-machine développées par le mathématicien
britannique Alan Turing ou encore de la machine Eliza mise au point
dans les années 1960 par le laboratoire de l’intelligence
artificielle du MIT, qui visait aussi à simuler les réponses
d’un thérapeute au cours d’une conversation intime. Si
l’on laisse de côté cette brève généalogie pour nous pencher sur des
enjeux plus contemporains, force est de constater qu’aujourd’hui,
les usages de l’intelligence artificielle se sont
largement démocratisés, sous l’impulsion de nombreuses entreprises.
C’est notamment le cas des entreprises de services plus
particulièrement, qui innovent pour mieux se rapprocher de leurs
clients, en utilisant des applications de messagerie (ou
chats).
L’expérience conversationnelle via les chatbots (agents conversationnels) se développe en raison de plusieurs facteurs :
- Un progrès technologique à coût bas
- Le cloud : mise à disposition des données et capacité de
l’intelligence artificielle d’agréger de la data (donnant par extension
la capacité du bot à avoir des réponses précises)
- L’évolution des usages des technologies de l’information et de la
communication
Ces outils numériques dépassent aujourd’hui les réseaux sociaux et offrent aux marques l’opportunité de prendre davantage encore part à la conversation. Ils constituent de surcroît un canal de conversation plus puissant, y compris par rapport au téléphone. Dans ce contexte, les chatbots sont devenus aussi incontournables pour toute entreprise ayant des clients, cela afin de les divertir, les conseiller, leur vendre, leur apporter de l’information personnalisée en un temps record. Il ne s’agit pas moins d’une révolution de l’interface conversationnelle dans la relation client ! Parmi les premiers secteurs visés, on retrouve notamment le tourisme, la restauration et l’hôtellerie. Des prestataires émergent aussi dans ce marché. Une start-up comme The Chatbot Factory développe par exemple des chatbots sur les messageries grand public ou professionnelles comme : Facebook Messenger, Kik, Viber, Whatsapp, iMessage, SMS mais aussi sur Skype, Intercom, Slack, Telegram, Line, Hangout …
Cela étant, les bots vont-ils (vraiment) révolutionner les relations clients ? Peuvent-ils remplacer les humains ? Revenons sur les enjeux de ces dispositifs de dialogue qui tendent à se démocratiser et qui sont porteurs d’enjeux marketing.
Les enjeux des chatbots pour la gestion de la relation client
Pour renouveler les usages d’Internet, certaines entreprises offrent
aujourd’hui à l’utilisateur (client ou prospect) une expérience
singulière, en l’invitant à discuter avec un agent conversationnel pour
obtenir toutes sortes de tâches ou d’informations. Les pratiques sont de
plus en plus nombreuses.
Quels sont les usages ? Ils sont infinis. Dans certains
cas, un bot prendra par exemple la forme d’une assistante personnelle
qui gérera votre emploi du temps et vos rendez-vous. Exemple
emblématique, en décembre 2007, la Fnac s’était ainsi dotée de son
assistante Clara. Ces outils répondent à une logique gagnant-gagnant
pour les deux protagonistes de la relation client : d’une part, du côté
de l’usager, terminé les longues recherches d’informations sur Internet,
celui-ci a désormais la possibilité de poser une question au bot qui
fournira une réponse claire et précise dans un langage naturel. D’autre
part, du côté de l’entreprise, ce nouveau canal de communication est
également beaucoup moins couteux ! Ces bots permettent en effet de
réaliser une économie d’échelle (abonnements automatisés comme des
newsletters, messages personnalisés à l’instar de confirmations de
commande, de notifications d’envois d’un colis pour exemples).
Le conversationnel modifie aussi les codes de la manière d’interagir avec
les clients et répond davantage à une logique de
personnalisation.
L’interface est ainsi en mesure de :
- Comprendre l’utilisateur et de lui garantir une expérience fluide
- Comprendre une requête d’usager et savoir dans quelle base de
données CRM rechercher l’information
Par exemple une application peut proposer aux clients de rechercher des séances dans le cinéma le plus proche. Le bot recommande alors du contenu en affinité avec l’utilisateur. Le design de l’expérience repose ici sur la géolocalisation déclarative de l’utilisateur, l’adaptation avec le Système d’Information du client (un cinéma en l’occurrence dans ce cas), puis la transmission d’une question en langage naturel et la demande de passer à la réservation.
Structurer et offrir une information personnalisée
Si les chatbots permettent d’améliorer les services aux clients et de faciliter l’accès aux informations, quel est le préalable pour accueillir du contenu dans la relation client ?
Il convient d’avoir un SI structuré pour avoir un
chatbot. La disponibilité de la donnée et la structuration
de la data sont en effet nécessaires pour qu’elle soit lisible par une
intelligence artificielle. C’est pourquoi la tendance de la gestion des
data et des entrepôts de données intéresse en premier lieu les
informaticiens et les chefs de projets chargés de la mise en place de
solution CRM.
Sur le plan technique, le principe est simple. Le bot effectue une
analyse linguistique de la phrase entrée par
l’utilisateur, puis cherche à extraire des informations permettant
de répondre au mieux selon des informations stockées en base de données
et de connaissances. L’intelligence artificielle, couplée au langage
naturel, permet ainsi d’imiter le comportement humain et de donner à
l’utilisateur l’illusion qu’il a comme interlocuteur et destinataire une
personne en chair et en os. Cette chimère est d’autant plus réussie pour
les robots capables de simuler justement des temps de réflexion
variables en fonction des questions de l’utilisateur !
De surcroît, ce système peut également être analysé. Divers chemins peuvent être préprogrammés notamment dans l’intelligence artificielle pour proposer des services. Il est possible de repérer les parcours clients les plus empruntés et d’examiner des data comportementales sur les utilisateurs. Par exemple, à quelle heure l’utilisateur fait ses réservations sur Voyages-Sncf.com, quelle question il pose. Toutes ces informations, lorsqu’elles sont soumises à une fine analyse, peuvent aussi permettre à l’entreprise de dresser une typologie de voyages correspondant à une typologie de clients. Une opportunité pour le marketing ciblé !
Quelles retombées pour la performance de l’entreprise ?
La question de l’évaluation de ces pratiques du point de vue de la
croissance de l’entreprise reste légitime, à l’instar d’autres actions
de communication inscrites dans la gestion de la relation client. Une
augmentation du chiffre d’affaire est possible si l’on en croit le
retour d’expérience de Pizza Hut qui peut se vanter d’un taux important
d’achats par le bot et d’une certaine fidélisation (puisque beaucoup
achètent une pizza via chatbot et reviennent par ce canal). De même,
mentionnons aussi par exemple de nouveau le cas de Voyages-Sncf.com qui
recense ainsi 60 000 notifications envoyées dans le
Messenger et une augmentation de 50% des options posées
sur les réservations grâce aux bots !
En outre, il n’y a pas de cannibalisation par rapport aux autres points
de contact mais une complémentarité. Dit autrement, d’autres personnes
sont touchées, c’est-à-dire que de nouveaux points de contacts
s’adressent à de nouvelles cibles. C’est donc la volumétrie de
nouveaux clients qui est en jeu.
Perspectives des usages des robots dans la relation client
Nous l’avons vu, le langage naturel et l’intelligence artificielle sont couplés pour répondre à l’objectif de générer le plus rapidement possible, et avec la meilleure information, une réponse répondant à la requête de l’utilisateur. En somme, à travers ces outils, il s’agit bien d’industrialiser la relation one to one avec l’intelligence artificielle, mais aussi d’identifier la data ayant du sens pour l’utilisateur et de personnaliser la relation. Le défi est de taille ! Sur la partie front, il conviendra d’avoir un bon rythme pour éviter que l’utilisateur ne parte et ne change de point de contact. En guise d’ouverture prospective, une autre question mérite d’être posée : à l’ère des robots, les demandes les plus complexes seront-elles les seules laissées aux humains ?