Le monde des études marketing connaît de profondes mutations.
L’apparition de nouvelles méthodes et technologies pour
collecter des données plus riches et plus pertinentes d’une
part et pour obtenir des résultats plus rapides et plus précis
d’autre part, génère des besoins nouveaux et nécessite des
compétences particulières.
Survey-Magazine a voulu faire le point sur l’offre disponible pour
former des professionnels des études en phase avec les nouvelles
exigences de ce marché en pleine redéfinition.
Lorsqu’on parle de professionnels de la recherche marketing, on pense généralement aux chargés d’études ou responsables d’études marketing dont le métier consiste à préparer des enquêtes qualitatives ou quantitatives, à gérer le terrain et la collecte de données puis à assurer l’analyse des résultats, leur présentation et leur transformation en actions marketing. Ces profils se retrouvent naturellement dans les instituts d’études mais également dans les grands comptes où ils sont le plus souvent rattachés à des directions marketing et parfois aux services R&D, commercial, qualité ou service clients. Ils peuvent également se retrouver dans d’autres univers tels que les achats, les RH, la formation ou la communication…
Un métier très exigeant
Le métier des études requiert de bonnes capacités d’observation, d’analyse et de synthèse, le goût des chiffres, la maîtrise des méthodes statistiques, un bon niveau en informatique et notamment en gestion de bases de données, le sens de l’organisation, de la méthode et beaucoup de rigueur. Pour progresser dans le métier, il est nécessaire d’avoir également de bonnes capacités de communication et de persuasion, de l’aisance relationnelle et une certaine fibre commerciale.
L’une des caractéristiques du métier est la variété, présente en permanence dans les instituts d’études où l’on s’intéresse un jour à un produit de beauté, le lendemain à une marque de voitures et la semaine d’après à une mutuelle ou à une chaîne de restaurants. Mais elle est également systémique dans toute la profession puisqu’elle découle de la fonction même des études qui visent à observer mais aussi et surtout à décrypter, comprendre et anticiper des tendances et des évolutions. Les techniques à utiliser doivent donc s’adapter à l’environnement de recherche et évoluer avec lui pour permettre une remontée et une analyse optimales des données les plus pertinentes. Les changements de paradigmes récents en matière de comportement du consommateur illustrent la nécessité de trouver en permanence de nouvelles méthodes et démarches. Les innovations technologiques continuelles affectant les modes de recueil et d’analyse sont également des sources de transformation puisqu’elles obligent à s’adapter régulièrement à de nouveaux systèmes de collecte (papier, téléphone, web, mobile, réseaux sociaux…), de méthodes d’investigation (quali, quanti, observation, écoute passive, eye-tracking…) et de modes d’analyse et de restitution des résultats (analyse de données, cartographie, reporting, web-reporting, dashboarding…). Le métier exige donc, en plus des caractéristiques techniques déjà évoquées, des personnes capables de s’adapter et de se remettre en question.
L’évolution vers la complexité
Le contexte actuel du marché est en train d’introduire un niveau supplémentaire de complexité et de technicité. L’un des vecteurs les plus marquants est l’entrée annoncée de toutes part dans l’ère du Big Data. Certains y voient déjà la mort de la recherche marketing classique. Plus besoin d’études et de chargés d’études qui organisent des opérations de collecte de données ad’hoc, passent un certain temps à les analyser puis en tirent des recommandations. Il suffirait désormais d’avoir des Data-Analysts capables de s’attaquer en temps réel aux masses de données existantes pour en tirer des actions immédiates.
La perspective est séduisante mais ne correspond pas tout à fait à la
réalité du marché et des entreprises, du moins pour l’instant. Sans
entrer dans les analyses sur le Big Data largement développées par
ailleurs dans ce numéro de Survey-Magazine, on peut avancer que
l’approche qui permet d’organiser la recherche, l’extraction et
l’analyse des données pertinentes nécessite une base de compétences
analytiques similaires à celle de la recherche marketing classique, en y
ajoutant toutefois une forte dimension informatique et technique.
Certaines filières classiques conduisant aux métiers des études en ont
déjà pris conscience et intégré un enseignement complémentaire préparant
aux enjeux et techniques du Big Data. De nouvelles offres de formation
voient également le jour, avec une orientation très spécifique au Big
Data.
Les formations traditionnelles
De multiples formations généralistes ou spécialisées conduisent au métier
de chargé d’études.
Dans les formations généralistes, le cursus « Ecole de commerce »
fournit un contingent important de professionnels, qui, même lorsqu’ils
démarrent dans des tâches d’exécution, sont destinés généralement à
évoluer vers un rôle de conception d’opérations et de direction
d’équipes et de projets. Les profils de ce type sont recrutés davantage
pour leur capacité d’adaptation que pour leur technicité opérationnelle
ou statistiques, qu’ils viennent acquérir ou consolider dans le milieu
professionnel.
Les formations spécialisées démarrent, elles, à Bac+2, avec notamment le DUT STID (Statistique et Traitement Informatique des Données). Cette filière courte vise à former des jeunes qui souhaitent s’insérer et travailler rapidement, à des postes de techniciens. Ces profils se voient confier au départ des tâches d’exécutions techniques, avant d’évoluer progressivement vers davantage de conception et de réflexion.
Le cursus universitaire offre une large panoplie de formations qui peuvent déboucher sur les métiers des études. Au niveau Bac + 3, on peut citer les licences de gestion ou d’économie-gestion, mention marketing ou en parcours économétrie. Les licences MASS (Mathématiques Appliquées aux Sciences Sociales) ou MIASHS (Mathématiques et Informatique Appliquées aux Sciences Humaines et Sociales) offrent d’autre manières d’aborder la profession, avec une dimension plus statistique et technique. D’autres licences permettent également un accès au métier avec des niveaux de spécialisation plus pointus en Biostatistiques, en traitement de l’information géographique (SIG), en Data-Mining, etc.
Au niveau BAC+ 5, certains masters ouvrent aux métiers des études sous l’angle d’une spécialisation marketing. Dans ce cas, ce sont surtout les stages et les diverses expériences professionnelles de l’étudiant qui pourront l’orienter et le familiariser à ce métier. Mais certains masters, qui se font toutefois assez rares, offrent en France des spécialisations en statistiques. C’est le cas de certains IAE comme l’IAE de Grenoble (Master Marketing, spécialité Le Quanti) ou l’IAE de Lille (Master Marketing, spécialité Conseil & Marketing Stratégique). Dans certaines universités également : l’Université de Cergy Pontoise propose un Master « Management des Etudes Marketing », et l’Université Paris Descartes propose un master « Chargé d’Etudes en Sociologie Appliquée, consommation, communication, médias » (CESSA). L’IEP de Grenoble offre également une formation en ce sens avec son master PROGIS : Etudes d’opinion, marketing et médias.
Les nouvelles spécialisations
Face à l’évolution du secteur des études et au besoin croissant des entreprises de recruter des profils capables de traiter et analyser des données massives, le milieu de la formation s’est adapté. De nouvelles offres de formations Big Data fleurissent ces dernières années ou très récemment. Elles sont majoritairement dispensées dans les écoles d’ingénieurs. Certaines écoles d’ingénieur spécialisées en statistiques proposent ce type de spécialisation pour former des profils hautement qualifiés.
C’est le cas de l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE) qui offre depuis octobre 2013 un cursus Data Science accessible en voie de spécialisation pour les ingénieurs en 3ème année, ou dans le cadre d’un mastère spécialisé de niveau Bac + 6. L’Ecole nationale de la statistique et de l’analyse de l’information (ENSAI) offre également ce type de cursus depuis septembre 2015 avec l’ouverture d’un Master international Big Data (entièrement dispensé en anglais).
D’autres écoles d’ingénieurs plus généralistes proposent également une formation en ce sens. Télécom ParisTech a ouvert un mastère professionnalisant sur une durée de 16 mois, intitulé « Big Data et Analyse des Données Massives » qui s’adresse à un public de diplômés en poursuite d’études ou en reconversion. Si vous êtes ingénieur déjà en poste ou en reconversion, Télécom Evolution, (l’organisme de formation continue de Télécom Bretagne, Télécom ParisTech et Télécom SudParis) prépare aussi à un Certificat d’Etude Spécialisé Data-Scientist dispensé sur 10 mois organisé en 12 sessions de 2 jours. Centrale Paris a lancé, en partenariat avec l’ESSEC, depuis la rentrée 2015 un programme international « Data Science & Business Analytics » dispensé entièrement en anglais. A l’instar de l’Essec d’autres écoles de commerce ont emboîté le pas du Big Data. C’est notamment le cas de HEC qui propose un cursus « Big Data et Business Analytics » en appui avec IBM et destiné aux étudiants de MBA. Cette association permet d’acquérir une double compétence technique et business. Grenoble Ecole de Management propose également son cursus Big Data de niveau BAC + 6 avec l’INP-ENSIMAG. L’IESEG de Lille offre un Msc in Big Data MSc enseigné intégralement en anglais.
Cette préoccupation ne concerne pas seulement les grandes écoles, mais également les DUT puisque l’Université de Paris Descartes propose désormais un Diplôme Universitaire Analyste Big Data, une formation courte et diplômante qui s’adresse à des salariés ou à des adultes en reprise d’études. On a fort à parier que les DUT STID devraient intégrer sous peu ces différentes évolutions et proposer des cours en adéquation avec ces nouvelles compétences.
L’univers du Big Data est très mobile, ce qui implique que le contenu de ces formations est susceptible d’évoluer chaque année, au gré des évolutions technologiques.
On est certain que de nouvelles formations aux métiers de Data Scientists devraient encore fleurir pour la rentrée 2016.