En 2008, les professeurs Richard Thaler, de l’université de Chicago, et Cass Sunstein, de l’université de Harvard, publient un livre, un simple livre intitulé « Nudge — Improving Decisions About Health, Wealth, and Happiness ». Dix ans plus tard, force est de constater que cet ouvrage – dont le premier coauteur vient d’être récompensé par le Prix Nobel d’Économie – a bouleversé l’univers des politiques publiques et commence à impacter fortement sur celui des entreprises. Qu’est-ce qui explique cette dynamique mondiale exceptionnelle ? Et pourquoi, devriez-vous vous intéresser à cette approche révolutionnaire qui constitue un formidable atout dans la panoplie de tous ceux qui ont à résoudre des questions de changement comportemental ? Voilà les questions auxquelles cet article souhaite répondre.
En publiant ce livre – dont le destin aurait sans doute été différent sous le titre initial envisagé par ses auteurs « Le paternalisme libertaire » (comme quoi le rôle d’un éditeur peut être important) – l’objectif de Thaler et Sunstein est simple mais ambitieux : une meilleure gouvernance et une plus grande efficacité des politiques publiques, sans recours aux lois et aux contraintes, mais au travers d’actions qui laissent le citoyen libre de ses choix.
Alors, comment parvenir à ce miracle de l’efficacité sans contrainte, qui plus est en revendiquant de pouvoir générer des changements comportementaux forts à partir d’actions simples et souvent peu coûteuses ? C’est tout le paradoxe – et la beauté – du Nudge, de cette incitation douce, mais puissante. Et c’est tout le contraire d’une approche magique puisqu’il s’agit de s’appuyer sur la science et, plus particulièrement, sur les enseignements de l’Economie Comportementale, pour concevoir des actions efficaces, ses fameux Nudges.
L’émergence de l’Économie Comportementale…
Faisons donc un petit tour du côté de l’Économie Comportementale avant de revenir sur son bras armé qu’est l’approche Nudge. Cette discipline naît aux États-Unis dans les années 1975 sous l’influence notamment des deux génies que sont Daniel Kahneman et Amos Tversky. Le premier est psychologue – et obtiendra le Prix Nobel d’Économie en 2002 – et le second est économiste et mourra prématurément en 1996. De l’amitié de ces deux chercheurs et de leurs travaux conjoints va naître une formidable révolution intellectuelle qui va renouveler profondément ce qu’on croyait connaître sur la manière dont les humains prennent des décisions et les facteurs qui influencent celles-ci et nos comportements. À coup d’expérimen-tations, les deux pères de l’Économie Comportementale – rejoints par toute une nouvelle génération de brillants chercheurs parmi lesquels Richard Thaler, Cass Sunstein, mais aussi le formidable Dan Ariely dont je vous recommande la lecture de « C’est (vraiment ?) moi qui décide » (ou les Tedtalks) – montrent que nous ne sommes pas les êtres rationnels que la théorie classique de la décision décrit. Nous sommes des créatures hautement émotionnelles, fondamentalement sociales – c’est-à-dire intéressés par les autres, ce qu’ils font, ce qu’ils pensent, ce qu’ils disent –, et très influencées par le contexte dans lequel nous prenons nos décisions. Dans son grand ouvrage – « Système 1, Système 2, les deux vitesses de la pensée », Daniel Kahneman montre que la grande majorité de nos décisions sont prises sous l’influence de ce qu’il appelle le Système 1 ou le mode autopilote. Celui-ci fonctionne de manière automatique, non consciente, permanente et sans effort. Il nous permet de prendre des décisions très rapides – à partir de raccourcis mentaux – en économisant nos ressources à la fois attentionnelles et énergétiques. Lorsque vous conduisez votre voiture par exemple, votre système 1 vous permet de le faire automatiquement sans même y réfléchir et pouvoir ainsi vous permettre de vous consacrer à une autre tâche. À la question 2+2, vous répondez sans aucun effort. Lorsque vous entendez une déflagration dans la rue, votre système 1 vous met immédiatement en réaction d’alerte. Le système 1 nous permet de faire face à la multiplicité des décisions quotidiennes auxquelles nous avons à faire face. Et pour pouvoir y parvenir quasi instantanément, le système 1 se nourrit à la fois de nos expériences passées lorsque nous sommes confrontés à des situations similaires et de tout indice dans l’environnement que notre cerveau peut traiter rapidement : des images plutôt que des mots, des stéréotypes, des émotions ressenties, des associations d’idées, des impressions premières… Mais la contrepartie de cette rapidité de traitement de l’information et de décision, c’est la survenue d’erreurs notamment sous l’influence de ce que l’on appelle des biais cognitifs que sont des sortes d’illogiques de décisions : par exemple, nous avons beaucoup de mal à résister à une récompense à court terme même en connaissant ses effets négatifs à moyen terme. Et parallèlement nous avons tendance à repousser les efforts immédiats à plus tard. C’est le biais du temps présent qui m’empêche de résister à la tentation d’un banana split – un avantage immédiat – tout en sachant pertinemment que ce comportement n’est pas bénéfique pour ma santé compte tenu de mon poids excessif. Mais l’avantage à long terme est dévalorisé par rapport à la récompense immédiate.
Pour comprendre l’essor de l’approche Nudge
Au final, les quarante années d’expérimentations conduites par les chercheurs en Economie Comportementale, ont permis d’identifier de manière très précise les facteurs d’influence de nos comportements. Notre connaissance a été profondément renouvelée et c’est sur cette nouvelle compréhension qui s’appuie l’approche Nudge.
Le génie de Thaler et Sunstein a été d’avoir compris qu’à partir des enseignements issus de ces expérimentations, il était possible de concevoir des actions particulièrement efficaces pour encourager l’adoption de comportements bénéfiques pour les individus, la société ou la planète en activant des facteurs d’influence spécifiques dont l’Économie comportementale a démontré la puissance potentielle. C’est cela la « magie » du Nudge : concevoir des actions à partir des enseignements des Sciences comportementales pour être plus efficace dans l’encouragement des comportements souhaités. Prenons un exemple à partir du biais du temps présent exposé précédemment. Aux États-Unis, compte tenu de l’absence d’obligation de cotisations pour sa retraite, de nombreuses personnes se retrouvent en situation difficile lorsqu’elles sont en âge d’arrêter leur activité professionnelle. C’est parfaitement explicable du point de vue de l’Économie Comportementale : elles sont victimes de l’influence négative du biais du temps présent qui fait qu’il est très difficile pour une personne de 25 ans, 35 ans et même 45 ans de prendre la décision d’augmenter son taux de cotisation pour la retraite compte tenu qu’il s’agit d’un avantage à long terme par rapport à un effort à court terme qui est de réduire son revenu disponible. Face à ce contexte, Richard Thaler et Shlomo Benartzi ont conçu ce qu’ils ont appelé le « Smart Plan » (« Save more tomorrow », Shlomo Benartzi, 2012) qui consiste simplement à proposer à des individus d’augmenter leur taux de cotisations retraite – non pas maintenant – mais dans un an au moment de la prochaine augmentation salariale. Il n’y a donc aucun effort demandé tout de suite. Dans la première expérimentation menée, ce sont 78 % des participants qui acceptent et 80 % d’entre eux sont toujours dans le plan au bout de 3 ans alors qu’ils sont la possibilité de sortir de celui-ci à tout moment. Mais surtout, le taux de cotisations chez les personnes concernées passe de 3,6 % à plus de 11 % leur garantissant ainsi un niveau de retraite satisfaisant. Toute la puissance du Nudge c’est, à partir d’une compréhension approfondie des facteurs d’influence des comportements, de concevoir des actions qui vont encourager efficacement les individus à prendre des décisions meilleures pour eux tout en leur laissant une totale liberté de choix. Ce sont maintenant des millions d’Américains qui ont adopté le SmartPlan.
Voilà donc la puissance du Nudge en action. Et ce sont maintenant plusieurs centaines d’expérimentations qui ont été effectuées à partir de la logique Nudge en démontrant l’efficacité de l’approche dès lors qu’elle est mise en œuvre de manière rigoureuse. Car le livre Nudge a bénéficié de deux promoteurs d’envergure qui ont lancé une dynamique mondiale exceptionnelle : Barack Obama aux États-Unis et David Cameron au Royaume-Uni. Le premier – proche de Cass Sunstein dont il a été un collègue à l’université de Chicago – nomme le coauteur de Nudge Administrateur de l’office d’information et de régulation (OIRA) dès 2009 ou celui-ci commence à appliquer l’approche Nudge. Quelques années plus tard, l’Administration Obama créera une équipe dédiée à l’application des Sciences Comportementales au sein de la Maison-Blanche. Le second crée la Behavioural Insights team (BIT) en avril 2010 sous l’influence directe de Richard Thaler. D’une petite équipe de 7 personnes dirigé par David Halpern, la BIT compte maintenant plus de 120 collaborateurs. Son rôle a été majeur dans la diffusion de la révolution Nudge dans les pouvoirs publics de nombreux pays du monde au travers des publications mises à disposition de chacun pour à la fois comprendre comment appliquer l’approche Nudge, mais aussi partager l’efficacité démontrée de celle-ci. En 2018, sous l’effet de ces précurseurs, ce sont plus d’une centaine d’institutions publiques, recensées par l’OCDE, qui appliquent les enseignements de l’Économie Comportementale en vue d’une plus grande efficacité des politiques publiques. De plus en plus de gouvernements ont choisi de créer des équipes dédiées comme Singapour, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, le Qatar ou des institutions internationales comme la Commission européenne ou la World Bank. La France a commencé à expérimenter le Nudge en 2013 avec une petite équipe dirigée par Françoise Waintrop au sein du Secrétariat général pour la Modernisation de l’Action publique (SGMAP) maintenant remplacé par la Direction interministérielle de la Transformation Publique (DITP). Le Conseiller spécial d’Emmanuel Macron – Ismael Emelien – a déclaré son fort intérêt sur le sujet au cours d’une interview récente (Vanity Fair, 2017) qui laisse espérer de belles perspectives dans notre pays.
Au-delà de la sphère publique, le développement de la pratique Nudge en entreprise
Mais le Nudge n’a pas simplement conquis l’univers des politiques publiques. Il est en phase de développement très rapide au sein des entreprises intéressées par sa formidable promesse d’efficacité à moindre coût.
C’est qu’à de nombreuses reprises, les plus grands chercheurs mondiaux en Economie Comportementale ont partagé leurs enseignements devant des publics de praticiens notamment dans le domaine du marketing. C’est ainsi que l’un des plus gros congrès mondiaux pour les professionnels des études marketing – The Market Research Event – organisé aux États-Unis chaque année, a accueilli successivement Richard Thaler, Daniel Kahneman et Dan Ariely en tant que Key speaker. En parallèle de la popularité grandissante de leurs ouvrages, de conférences TedTalk très suivies et des premiers mooc proposés sur ces sujets, leurs interventions dans ce type d’évènements n’ont pas tardé à créer un effet d’entraînement majeur dans les plus grandes entreprises mondiales. Indra Nooyi – CEO du géant Pepsico – a, par exemple, déclaré dans la Harvard Business Review : « Nous avons beaucoup appris du livre Nudge de Thaler et Sunstein ». La BVA Nudge Unit, que j’ai créée en 2013 avec mes amis Richard Bordenave et Étienne Bressoud, a travaillé depuis cette date pour plus de 50 grandes entreprises dans des secteurs aussi diversifiés que la santé, l’énergie, les transports, le retail, la communication, la grande consommation ou la banque. Le Nudge est en train de se développer très rapidement dans le monde de l’entreprise également en recherche d’efficacité dans les changements de comportements à moindre coût. Mais cette utilisation pose une question de fond qui est celle de l’éthique de l’influence pour reprendre un titre d’un ouvrage de Cass Sunstein.
Car si on peut considérer que les gouvernements sont légitimes à définir ce qu’est un comportement bénéfique pour leurs concitoyens ou la collectivité, la question de l’Éthique de l’influence se pose de manière très aiguë dans le secteur privé. Car on peut également utiliser l’approche Nudge pour influencer les comportements au seul profit – non pas de l’individu – mais de l’entreprise. C’est ce que l’on appelle « le Sludge » : une utilisation dévoyée de l’esprit du Nudge. Et la réponse – qui fait l’objet de nombreux débats légitimes dans la communauté des « Nudgeurs » est venue de Richard Thaler lui-même qui dédicace son ouvrage par la phrase « Nudging for Good » qui constitue un appel à une utilisation adéquate de son approche. Le « Nudging for Good » stipule qu’il est non possible, mais indispensable, pour une entreprise qui veut utiliser l’approche Nudge, de trouver des sujets qui combinent à la fois l’intérêt de l’entreprise et celle de ses clients. Le concours – intitulé « Nudging for Good awards » – organisé en 2017 par la plus grande association européenne de marques de grande consommation (AIM) – a montré la capacité des entreprises à concevoir des actions à partir du Nudge qui encouragent leurs consommateurs à prendre des meilleures décisions pour leur santé ou pour économiser les ressources de la planète. L’Oréal a ainsi proposé un patch qui permet de changer les comportements des personnes qui s’exposent au soleil pour les encourager à mieux se protéger contre les risques de cancer de la peau. Savencia a proposé un système qui permet à ses consommateurs de mieux contrôler leur consommation alimentaire et Heineken un moyen de limiter le risque d’alcoolémie.
Le Nudge constitue ainsi une formidable approche à disposition des entreprises qui cherchent à contribuer à un monde meilleur en encourageant leurs clients et leurs collaborateurs à adopter des comportements bénéfiques pour eux-mêmes ou la collectivité tout en construisant les bases de leur succès à long terme en créant des relations de confiance durables avec leurs publics. Alors la révolution du Nudge est en marche et celle-ci ne fait que commencer. Un conseil amical : ne manquez pas cette opportunité d’une plus grande efficacité au profit de tous ! nLe Nudge constitue ainsi une formidable approche à disposition des entreprises qui cherchent à contribuer à un monde meilleur en encourageant leurs clients et leurs collaborateurs à adopter des comportements bénéfiques pour eux-mêmes ou la collectivité tout en construisant les bases de leur succès à long terme en créant des relations de confiance durables avec leurs publics. Alors la révolution du Nudge est en marche et celle-ci ne fait que commencer. Un conseil amical : ne manquez pas cette opportunité d’une plus grande efficacité au profit de tous ! nLe Nudge constitue ainsi une formidable approche à disposition des entreprises qui cherchent à contribuer à un monde meilleur en encourageant leurs clients et leurs collaborateurs à adopter des comportements bénéfiques pour eux-mêmes ou la collectivité tout en construisant les bases de leur succès à long terme en créant des relations de confiance durables avec leurs publics. Alors la révolution du Nudge est en marche et celle-ci ne fait que commencer. Un conseil amical : ne manquez pas cette opportunité d’une plus grande efficacité au profit de tous ! nLe Nudge constitue ainsi une formidable approche à disposition des entreprises qui cherchent à contribuer à un monde meilleur en encourageant leurs clients et leurs collaborateurs à adopter des comportements bénéfiques pour eux-mêmes ou la collectivité tout en construisant les bases de leur succès à long terme en créant des relations de confiance durables avec leurs publics. Alors la révolution du Nudge est en marche et celle-ci ne fait que commencer. Un conseil amical : ne manquez pas cette opportunité d’une plus grande efficacité au profit de tous ! nLe Nudge constitue ainsi une formidable approche à disposition des entreprises qui cherchent à contribuer à un monde meilleur en encourageant leurs clients et leurs collaborateurs à adopter des comportements bénéfiques pour eux-mêmes ou la collectivité tout en construisant les bases de leur succès à long terme en créant des relations de confiance durables avec leurs publics. Alors la révolution du Nudge est en marche et celle-ci ne fait que commencer. Un conseil amical : ne manquez pas cette opportunité d’une plus grande efficacité au profit de tous !