Introduction : Un constat se fait de plus en plus entendre dans le paysage français de l'UX : il manque une typologie d'acteur. Un type d’acteur à mi-chemin entre les cabinets d'ergonomie qui « n'entendent pas toujours les enjeux business/branding » et les grandes agences de publicité/communication - comme les instituts d'études classiques - à qui certains reprochent de ne pas « disposer d’une réelle culture du design centrée sur l'utilisateur ». Avez-vous déjà entendu parlé d’UX Research ? Tour d’horizon.
Survey-Mag : En matière d'expérience client, à quelles problématiques aujourd'hui font face les annonceurs ?
Le sujet de l’expérience client devient complexe car le digital devient central dans les parcours, la barrière entre les notions d’UX et de CX deviennent floues. La réglementation RGPD et ePrivacy complexifie considérablement le prisme d’analyse client/prospect. De ce fait la transformation digitale (le “dé-silotage” de l’entreprise) devient encore plus structurante pour que les organisations arrivent à coordonner des stratégies PRM/CRM qui génèrent de la valeur (pour les clients comme pour l’organisation).
Les équipes opérationnelles ont souvent beaucoup de mal à exploiter voir à considérer leurs données car elles ne sont pas assez structurées en fonction du contexte client.
Les indicateurs factuels sont là, mais ils sont souvent difficilement exploitables en terme d’analyse de l’expérience client, en particulier dans le digital. Le NPS est très critiqué dans le milieu du design car il n’aide pas vraiment les équipes CX et UX à améliorer l’expérience, même s’il est ventilé à plusieurs étapes du parcours. Les managers s’en servent en quelque sorte pour mesurer la popularité de leur site, et par extension mesurer la satisfaction.
Enfin, bien souvent, les organisations ont du mal à aller plus loin que la simple optimisation de leurs parcours. En effet, le court terme prime et les coûts associés à de nouvelles idées pour se distinguer refroidissent souvent les investissements dont les bénéfices ne sont pas quantifiables à court termes.
On entend souvent dire “nous sommes convaincus que nous devons aller plus loin, mais nous n’arrivons pas à le justifier auprès de notre direction”. Dans ce sens les études deviennent plus techniques car elles doivent à la fois traiter du point de vue du consommateur, faire émerger des solutions et les justifier.
Ce dernier point incarne bien le changement de paradigme sur le marché. On parle de plus en plus d’UX research, un terme qui sera probablement de plus en plus à la mode en 2020.
D'après vous, quels sont les meilleures moyens/outils/méthodologies pour y répondre ?
Il s’agit de méthodologies où l’on s’appuie à la fois sur des principes d’analyse des comportements mais aussi sur des approches de design stratégique à des fins marketing, dans le but d'identifier et de quantifier les opportunités.
Ce qui change des études marketing classiques, c’est que l’on ne demande plus aux consommateurs ce qu’ils attendent pour ensuite transformer leurs réponses en indicateurs de business potentiel. On observe leurs réactions face à des situations, de ces observations naissent les opportunités.
La démarche est assez similaire aux méthodes d’innovation où l’on part d’une étude des comportements (observations des usages en quali issuent de l'ethnographie), pour identifier des opportunités que l’on va ensuite qualifier (quali et/ou quanti) pour en définir les facteurs clés de succès. Et enfin, faire réagir les cibles face à des propositions même inabouties dans le but d’analyser leur réactions et confirmer nos hypothèses #oupas.
Il s’agit bien de cumuler des formats et des méthodes d’études. On part bien souvent de données quantitatives (data) que l’on va qualifier avec des actions terrain d’observation et d’enquête sur les usages; pour enfin étendre les conclusions en quanti.
La limite de la méthode c’est le #oupas qui fait peur car si les hypothèses ne sont pas bonnes : il faut recommencer.
La force de cette méthodologie réside dans son livrable qui constitue un brief parfaitement étayé pour l’équipe ou l’agence qui va mettre en place les solutions… En quelque sorte, le ROI des études devient plus intéressant pour les annonceurs car en plus des constats, ils disposent d’une recommandation. C’est l’élément le plus important à l’heure actuelle, les organisations veulent des recommandations à l’issue des études, et en cela ils nous demandent d’être designers, pas seulement enquêteurs.
Quel est l'avenir du métier des études selon vous ?
En premier lieu, sortir du paradigme de l’opinion du consommateur en s’appuyant sur des méthodes d’observation et d’immersion terrain. A l’ère du tracking et de la data (big ou smart ;-) on se rapproche de l’intime pour mieux comprendre les mécanismes psychologiques du quotidien, du terrain. On sait qu’il y a une grande différence entre ce que les gens déclarent et ce qu’ils font réellement (tout le monde connaît la citation de Steve Job qui cite Henry Ford).
Également, pour évoluer dans l’environnement “riche” de la connaissance client, la construction d’une étude devra répondre à des sujets de plus en plus précis. Pour cela il faudra pouvoir évoluer et manipuler les nombreuses données disponibles (et indicateurs du marché), pour à la fois aller chercher l’information manquante mais aussi savoir la présenter/corréler en regard des autres données disponibles.
Enfin , le dernier point structurant pour l’avenir du métier réside dans la capacité à faire des recommandations, on nous demande un avis éclairé sur les sujets. Les clients attendent de plus en plus un point de vue de notre part. En effet, par les études, ils cherchent souvent à y voir plus clair ou à confirmer des convictions pour lesquelles ils ont besoin d'arguments précis.
Pour les sujets marketing, je crois à une verticalisation du marché ou de gros acteurs, de par leur connaissance d’un secteur, seront sélectionnés pour offrir un regard plus affûté, étayé par une “connaissance du secteur”.
Pour les sujets d’innovation, je crois au contraire que des agences multidisciplinaires, souples et agiles seront sollicitées pour leur capacité à s’immerger dans un nouveau sujet et l’analyser d’une part. Et d’autre part, pour leur capacité à émettre des hypothèses, à les prototyper pour obtenir des réactions des cibles sur celles-ci afin de les évaluer.
C’est le pari que nous avons fait avec Welcome Max, nous travaillons avec des clients/marques qui se demandent “qu’est-ce qui peut aider nos cibles dans leur quotidien ?” plutôt que “comment leur vendre plus de nos produits/services ?”