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Protection des données en vente numérique : défis et stratégies

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Les défis liés à la transformation numérique et aux cyberattaques sont devenus de plus en plus prévalents dans un contexte de vente, affectant profondément la relation entre les entreprises et leurs clients. Alors que les organisations adoptent des outils numériques pour améliorer leurs processus et interagir avec leurs clients, elles font également face à des menaces croissantes qui peuvent compromettre la sécurité des transactions et la confiance des clients. Dans ce contexte, il est impératif que les entreprises mettent en place des mesures concrètes pour protéger non seulement leurs données, mais aussi celles de leurs clients. En agissant ainsi, les entreprises peuvent renforcer la sécurité de leurs opérations tout en cultivant des relations de confiance avec les clients, essentielles à leur succès dans un environnement numérique de plus en plus complexe

LA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE

Autrefois, les transactions étaient principalement réalisées en personne, comme lors de l’échange entre un vendeur et un client dans un magasin de vêtements ou lors d’une réunion entre un représentant commercial et un acheteur dans un contexte interentreprises, ou business-to-business (B2B) en anglais, pour discuter d’un contrat d’approvisionnement. Mais les temps ont changé. Aujourd’hui, la vaste majorité des transactions s’effectue via des systèmes informatiques, en ligne ou sur les applications mobiles. Ces changements ont en effet permis aux entreprises d’élargir leur clientèle ainsi que leurs opportunités de croissance. Cette réinvention des affaires à l’ère numérique est communément appelée « transformation numérique ».

La transformation numérique – définie comme le processus d’utilisation des technologies numériques pour créer (ou modifier) de nouveaux processus d’affaires afin de répondre aux exigences changeantes du marché et des affaires – a profondément transformé le domaine de la vente au cours des dernières années. En effet, plus de 9 consommateurs sur 10 affirment avoir utilisé le paiement numérique lors d’un achat au cours de l’année.

Face à cette nouvelle réalité, la transition numérique engendre également de nouveaux enjeux, notamment en matière de cybersécurité. Désormais, les entreprises doivent protéger non seulement leurs propres données (p. ex. informations personnelles), mais aussi celles de leurs clients contre les cyberattaques. En effet, les fraudes en ligne sont devenues l’une des principales préoccupations tant pour les commerçants que pour les consommateurs.

Il existe de nombreux types de cyberattaques. Voici quelques-unes des plus courantes :
(1) Le logiciel malveillant, ou malware en anglais, comprend des catégories telles que les logiciels espions, les rançongiciels, ou ransomwares en anglais, et les virus;
(2) L’hameçonnage, ou phishing en anglais, est une technique où un acteur malveillant envoie un message frauduleux par courriel, SMS ou sur les réseaux sociaux, se faisant passer pour une source légitime telle qu’une banque, une entreprise, ou même une personne en cas de mauvais numéro;
(3) Les attaques homme du milieu, ou man-in-the-middle en anglais, se produisent lorsqu’un attaquant intercepte des informations personnelles en se plaçant entre deux participants d’une transaction, notamment sur des réseaux Wi-Fi publics;
(4) Les attaques par déni de service surchargent les systèmes, saturant la bande passante et empêchant le traitement des requêtes légitimes; et
(5) Les attaques par mot de passe sont menées par des cybercriminels qui essaient de voler des mots de passe souvent par devinette, par ruse ou avec l’intelligence artificielle.

Pour éviter les cyberattaques, les entreprises investissent dans des solutions de sécurité robustes et mettent en place des protocoles de protection des données afin de rassurer leurs clients et de maintenir leur confiance. Ainsi, la vente, tout en évoluant vers le virtuel, doit également s’adapter à un environnement où la sécurité numérique devient un critère essentiel d’affaires.

TRANSITION DU RÉEL AU VIRTUEL : UN RAPPEL HISTORIQUE

La transformation numérique a profondément changé notre manière de travailler, de consommer et de vendre. Parallèlement à cette transformation, la pandémie de COVID-19 a constitué un catalyseur majeur pour l’essor des commandes en ligne. En effet, durant cette période, de nombreux consommateurs ont été contraints de se tourner vers les achats en ligne, entraînant une augmentation significative des ventes numériques. Un rapport a indiqué que les progrès en transformation numérique dans le commerce de détail ont été accomplis en trois mois, surpassant ceux des dix dernières années. Par conséquent, les entreprises ont dû s’adapter rapidement en améliorant leurs plateformes de commerce en ligne, permettant aux clients de commander en ligne tout en récupérant leurs achats en magasin.

Les commerçants ont également intensifié le partage d’informations en ligne pour répondre aux questions de leur clientèle et faciliter leur expérience d’achat. Par exemple, un site de vente en ligne de produits alimentaires publie des avis clients détaillés sur chaque produit, propose des recommandations personnalisées en fonction des habitudes et des besoins des utilisateurs, et offre un outil de comparaison de prix qui permet aux clients de voir instantanément les différences entre plusieurs produits similaires.

Avec la transformation numérique, la présence en ligne est devenue incontournable pour toutes les entreprises, même celles qui ne disposent pas de moyens suffisants en cybersécurité. En effet, la protection des données sensibles nécessite des investissements souvent au-delà des activités principales des entreprises, les exposant ainsi davantage aux cyberattaques. La gestion des systèmes obsolètes, la sécurité opérationnelle et la réponse aux menaces représentent des défis majeurs, surtout lorsque les ressources sont limitées, rendant la tâche d’autant plus complexe face à des cybercriminels toujours à la pointe.

La transformation numérique a également été propulsée en pandémie dans un contexte de vente interentreprises. Par exemple, les entreprises ont commencé à utiliser des outils de visioconférence et de collaboration (p. ex. Zoom ou Microsoft Teams) pour maintenir des relations avec leurs clients et partenaires, remplaçant ainsi les réunions en personne. Les entreprises ont également intensifié l’utilisation des systèmes de gestion de la relation client (CRM) et des outils d’automatisation des ventes pour mieux gérer les contacts, suivre les interactions et analyser les données, facilitant ainsi la prise de décision et l’efficacité des équipes de vente. Les outils d’intelligence artificielle (IA) ont également connu une croissance importante dans la vente en B2B. Par exemple, l’IA peut également automatiser le processus de qualification des clients potentiels, en identifiant ceux qui sont les plus susceptibles de conclure une vente. Donc, l’augmentation du travail à distance et de l’utilisation des technologies numériques, causée par la pandémie de la COVID-19, a entraîné de plus grandes préoccupations concernant la cybersécurité, la confidentialité des informations et la protection de la vie privée.

LA PROTECTION DES DONNÉES CLIENTS DANS UN ÉCOSYSTÈME DE VENTE NUMÉRIQUE

La transformation numérique du secteur de la vente a considérablement modifié la manière dont les entreprises interagissent avec leurs clients et gèrent leurs informations personnelles. Cependant, cette évolution s’accompagne d’une augmentation et d’une complexification des défis liés à la protection des données des clients dans un environnement de vente de plus en plus numérisé.

Tout d’abord, dans un environnement numérique où les données jouent un rôle essentiel dans les stratégies commerciales, la gestion des consentements des clients devient un enjeu crucial. En effet, elle nécessite une transparence totale et la possibilité pour les clients de retirer ou de modifier leurs autorisations. Ainsi, il est particulièrement difficile de suivre ces consentements dans les grandes entreprises traitant un volume important de données. Les réglementations à ce sujet, telles que le Règlement général sur la protection des données (RGPD) en Europe et la California Consumer Privacy Act (CCPA) en Californie, compliquent encore la situation en imposant aux entreprises une adaptation continue pour rester en conformité. En effet, ne pas les respecter peut entraîner des sanctions financières lourdes et nuire à la réputation de l’entreprise, ainsi qu’à la relation de confiance avec les clients.

De plus, les plateformes de vente en ligne—qui reposent sur des bases de données, des interfaces utilisateur et des réseaux de communication—sont des cibles privilégiées pour les cyberattaques. Ces menaces existent sous de très nombreuses formes telles que l’hameçonnage, les logiciels malveillants ou encore les attaques en déni de service distribué (DDoS).

Parallèlement, la négligence ou l’erreur humaine des employés constitue un facteur de risque significatif pour la sécurité des données. En effet, le facteur
« humain » demeure le principal moteur des cyberattaques, représentant plus de 80 % des violations de données.
Cette négligence peut inclure des actions comme un clic sur des liens suspects dans des courriels d’hameçonnage ou encore l’utilisation de dispositifs personnels non sécurisés (p. ex. clés USB). Cela peut également arriver lorsqu’un employé partage des informations confidentielles sur une application de messagerie non autorisée, mettant ainsi en péril la sécurité des données de l’entreprise.

Enfin, la gestion des données clients, depuis leur stockage jusqu’à leur suppression, est un enjeu central dans la vente numérique. Il est crucial de déterminer une durée de conservation appropriée et de s’assurer d’une suppression complète et sécurisée pour éviter toute récupération non autorisée. L’exemple de l’entreprise américaine, Marriott International, qui a perdu la confiance de ses clients à la suite d’un vol de données confidentielles exposant leurs informations personnelles, illustre bien les conséquences de ces enjeux sur la confiance des clients. Ainsi, une gestion minutieuse des données est essentielle pour garantir la sécurité et la conformité.

LES STRATÉGIES DE SÉCURITÉ DES TRANSACTIONS ET DE FIDÉLISATION DES CLIENTS

En réponse à ces défis, les entreprises doivent adopter des stratégies visant à renforcer la sécurité de leurs transactions et à protéger les données sensibles, afin de maintenir la confiance de leur clientèle. Voici quelques stratégies à considérer.

Tout d’abord, pour protéger les données des clients, les entreprises doivent s’assurer que leurs plateformes de vente en ligne soient sécurisées. L’intégration d’un protocole de sécurité qui assure la confidentialité, l’authentification et l’intégrité des communications sur Internet (p. ex. Secure Sockets Layer ou SSL), assure le cryptage des communications ainsi que la mise à jour régulière des logiciels pour corriger les failles de sécurité sont des mesures essentielles. De plus, l’une des mesures couramment mises en place consiste à utiliser des protocoles de cryptage avancés, comme le chiffrement AES-256, afin de protéger les informations personnelles lors du stockage et du transfert de données. L’objectif est de rendre les données incompréhensibles pour toute personne ne disposant pas de la clé de décryptage.

Ensuite, du côté de l’utilisateur, l’authentification à deux facteurs (2FA) est devenue une norme incontournable. Celle-ci ajoute une couche supplémentaire de sécurité en exigeant non seulement un mot de passe, mais aussi un second élément de vérification, comme un code envoyé par texto (SMS) ou une application d’authentification (p. ex. Microsoft Authenticator). Cette stratégie permet de réduire les risques d’accès non autorisé aux comptes clients, même en cas de vol de mot de passe. De plus, l’utilisation d’un réseau privé virtuel (Virtual Private Network ou VPN) est essentielle pour sécuriser les connexions, car elle chiffre les données et masque l’adresse IP. Cela complique considérablement la surveillance et l’accès à des informations sensibles, notamment lors de l’utilisation de réseaux Wi-Fi publics ou pour contourner les restrictions géographiques.

Bien évidemment, la sécurité des transactions financières est une priorité absolue, comme en témoignent les technologies adoptées telles que la tokenisation, qui substitue les informations sensibles par des identifiants uniques non exploitables. En d’autres termes, la tokenisation transforme des données sensibles en tokens inoffensifs qui peuvent être utilisés sans exposer d’informations sensibles. Ainsi, les données volées deviennent inutiles pour les cybercriminels. En parallèle, les entreprises réalisent des audits de sécurité réguliers pour identifier les vulnérabilités potentielles dans leurs systèmes et les corriger rapidement avant qu’elles ne soient exploitées par des cybercriminels.

De plus, pour renforcer encore davantage la sécurité des transactions et la confiance de leur clientèle, certaines entreprises adoptent une approche proactive en communiquant ouvertement sur leurs mesures de sécurité, en obtenant des certifications de sécurité reconnues (comme la norme ISO/IEC 27001), et en offrant une assurance contre les pertes financières en cas de violation des données. Ces stratégies intégrées permettent non seulement de protéger les données des clients, mais aussi de garantir une réponse rapide et efficace en cas d’incident. Elles permettent ainsi de renforcer la crédibilité de l’entreprise et de rassurer les clients quant à la sécurité de leurs données.

Enfin, les entreprises investissent de plus en plus dans la formation et la sensibilisation de leurs vendeurs. Certaines d’entre elles, par exemple, mettent en place des tests d’hameçonnage réguliers pour renforcer la vigilance de leurs vendeurs face aux tentatives d’hameçonnage. Elles peuvent aussi organiser des sessions de formation continue sur les meilleures pratiques en matière de sécurité des données et de cybersécurité. Des politiques de sécurité interne strictes, telles que l’utilisation de mots de passe complexes, l’accès restreint aux informations sensibles et la surveillance continue des systèmes, sont également mises en place pour limiter les risques d’intrusion. Ces démarches sont particulièrement importantes pour les vendeurs qui interagissent quotidiennement avec des clients tout en collectant et en gérant des informations confidentielles.

En conclusion, la protection des données dans un contexte de vente numérique est devenue une priorité. En effet, la vente en ligne a transformé le monde des affaires, en offrant de nouvelles opportunités et en soulevant des enjeux complexes en matière de sécurité des données. Alors que les transactions progressent vers des plateformes de vente en ligne, la menace des cyberattaques et la nécessité de sécuriser les informations des clients deviennent préoccupantes. En protégeant les données, les entreprises sécurisent leurs opérations et gagnent la confiance de leurs clients. Avec l’essor des technologies telles que l’utilisation de l’intelligence artificielle pour collecter des données clients, les enjeux liés à la sécurité des données prennent une nouvelle tournure. Les entreprises doivent anticiper les futures exigences en matière de protection des informations confidentielles, tout en offrant des expériences d’achat à la fois fluides et personnalisées. La capacité à associer innovation et sécurité sera donc primordiale pour les entreprises qui souhaitent se démarquer de leurs concurrents et établir des relations durables avec leur clientèle.




Lecture :

Goel, A., Baliga, AJ, Rangarajan, D., & Lussier, B. (2024). Utilisation de la technologie dans les ventes B2B : examen de la littérature existante et identification des opportunités de recherche futures à l'aide d'une analyse morphologique. Journal of Personal Selling & Sales Management, à paraître.

Guenzi, P., & Habel, J. (2020).Maîtriser la transformation numérique des ventes. California Management Review , 62(4), 57-85

Hartmann, NN et Lussier, B. (2020). Gérer la force de vente pendant la crise exogène inattendue de la COVID-19.Industrial Marketing Management , 88, 101-

Lussier, B., & Hartmann, NN (2017). Comment la débrouillardise psychologique augmente la performance commerciale des vendeurs et la satisfaction de leurs clients : étude du rôle médiateur des comportements orientés client.Gestion du marketing industriel

McClure, CE, Epler, RT, Schmitt, L., & Rangarajan, D. (2024). L'IA dans les ventes : poser les bases de la recherche future. Journal of Personal Selling & Sales Management , 44