Les mutations profondes que connaissent nos économies ont des causes de plus en plus nuancées. Alors qu’elles sont liées à la variation de l’offre dans bien des théories, des situations où ces changements sont « tirés par la demande » sont font plus fréquentes. Le « Bio », le « Made in France » et tant d’autres transformations correspondent à des changements sociétaux de fond amenés par des évolutions dans les mentalités. Et si le défi majeur est de savoir s’adapter à ces changements, il s’agit en premier lieu d’être capable de détecter le signal faible. Une fois détecté et populaire, ce dernier implique des changements législatifs et des innovations (Label Bio, du Made in France, du Commerce Equitable…). Un phénomène similaire semble se retrouver dans le secteur du logement social qui a su détecter le besoin émanant des locataires d’un environnement de qualité et de leur faire prendre part aux changements. C’est pourquoi, l’Union Sociale pour l’Habitat (USH), l’organisation représentative du secteur du logement social, a mis en place depuis maintenant un an le label « Quali’Hlm » visant à renforcer la qualité du service proposé au locataire. Bien en phase avec les politiques urbaines locales actuelles, ce nouveau processus replace au cœur des préoccupations la satisfaction des locataires.
« Encore des enquêtes ? » se plaindront certains, déjà exaspérés de
devoir mener à bien les enquêtes SLS (Supplément de Loyer de Solidarité)
tous les ans, OPS (Occupation du Parc Social) tous les deux ans et les
enquêtes de satisfaction obligatoires tous les trois ans. Et bien oui,
encore des enquêtes ! Mais force est de constater que ces études sur les
locataires sont effectivement, pour la majorité, reléguées au stade de
contraintes subies par les organismes. C’est là
qu’intervient ce nouveau label en ne gardant que
l’essentiel, à savoir comprendre, via ces enquêtes, ce qui
fonctionne ou pas au sein de son parc.
Mais de quoi parlons-nous ? Autocongratulation ou réelle démarche
d’amélioration du secteur du logement social ? Plus globalement,
en quoi l’intégration systématique des études dans ce secteur
pourrait bien être synonyme d’une révolution en interne ?
Analysons ensemble comment des enquêtes bien menées pourraient bien
changer l’image parfois terne du logement social.
Comprendre le « Quali’Hlm »
Le label Quali’Hlm est opérationnel depuis le début de l’an dernier. Il correspond aux besoins croissants, à la fois des locataires de recevoir un service de qualité, ainsi que des pouvoirs publics et des organismes qui sont à la recherche de retours et d’avis précis sur la qualité de vie dans les HLM à des fins d’optimisation des investissements et du ROI.
En quoi consiste ce label ?
Le label Quali’Hlm consiste en une démarche globale continue et concertée, pour et avec les locataires. Bien trop souvent, des modifications sont apportées sans prendre en compte les principaux concernés, les utilisateurs. L’objectif est de répondre aux attentes des locataires en ciblant précisément les variables non-satisfaisantes dans les logements sociaux. Au-delà de la prise en compte des locataires, on cherche aussi à fédérer les équipes, des cadres aux employés opérationnels, autour d’un projet avec des exigences communes. C’est l’objectif fixé par l’USH, nécessaire pour assurer le bon déroulement du projet de labellisation.
Comment l’obtenir ?
On compte plusieurs étapes.
Tout d’abord une phase préparatoire permet de valider l’admissibilité.
Pour cela, on réalise le diagnostic HQS (pour Habitat Qualité Service)
qui est basé sur des entretiens quali avec l’équipe de direction
et des responsables intermédiaires, et qui vise à l’élaboration d’un
plan d’action.
La première phase d’attribution consiste en un audit de mise en
œuvre du plan d’action, avec l’obtention du label pour une durée
de 18 mois.
La seconde phase d’attribution correspond à un audit de
vérification et de validation du plan d’action avec une mesure de
l’efficience des actions. Le maintien du label est prolongé pour
18 mois supplémentaires.
Enfin, la phase de renouvellement est un audit de confirmation et de
retour en phase préparatoire pour le deuxième cycle de labellisation,
avec 3 années supplémentaires d’obtention du label.
On est dans un processus d’amélioration continue avec des axes de
progression constants. On ne cherche ni à punir ni à féliciter, mais à
avancer et à progresser. Le fonctionnement repose sur les visites
régulières d’une équipe dédiée, qui permet à l’organisme de
travailler sur des aspects précis de son offre de service, plutôt que de
recevoir des recommandations génériques. Le simple fait de lancer la
démarche de labellisation permet aux bailleurs sociaux de mener un audit
interne en profondeur sur de ce qui fonctionne ou pas. L’étape
suivante est la mise en place d’un plan d’action qui peut
donner vie, en quelques mois, à des améliorations notables.
À quels changements s’attendre ?
Plus d’enquêtes et/ou de meilleures enquêtes ?
Dans le cas des organismes se limitant aux enquêtes obligatoires, cela
représente effectivement davantage d’enquêtes. Mais il semble
important de préciser que ces organisations fonctionnent ainsi du fait
du manque d’efficience dans les processus de récolte de données.
L’axe d’amélioration principal reste évidemment
l’étape de saisie, encore trop souvent réalisée manuellement. De
manière générale, on peut remarquer que l’on tend vers une
généralisation des enquêtes (les enquêtes triennales classiques mais pas
seulement) avec les enquêtes entrée/sortie des locataires, les enquêtes
de satisfaction annuelles et les suivis d’incidents.
Mais au-delà de la quantité d’enquêtes, l’enjeu est
clairement dans la qualité de celles-ci. Il faut chercher à proposer des
enquêtes en connaissant déjà, pour chaque coche, variable ou verbatim,
la requête à laquelle elle sera rattachée et les différentes conclusions
que l’on pourra en tirer. On peut donc miser sur l’optimisation
des processus liés aux enquêtes (comme la saisie et la présentation des
résultats) encore bien trop chronophages à l’heure actuelle, pour
ne plus avoir qu’à se concentrer sur le cœur de ce que doit être
une étude : l’analyse des données pour recommander et/ou
progresser.
Pourquoi se labelliser ?
Le locataire est intégré dans la démarche de labellisation avec des
explications dès la signature de son contrat, ce qui favorise un taux de
retour plus important. Le locataire sait qu’il effectue un effort
pour lequel il sera récompensé avec un changement réel en « sa faveur ».
On cherche à niveler par le haut et éviter, autant que faire se peut,
les situations de « non qualité » qui présentent une image très négative
des logements HLM, et qui sont les premières à apparaître dans les
journaux télévisés.
Quand bien même certains avanceront les arguments comme quoi les plus
petites structures ne sont pas en mesure d’assurer ce processus,
il convient de rappeler l’exemple de nombreux organismes très
modestes qui ont su se l’approprier avec succès. Le Logis Breton
par exemple, via son responsable qualité, parlait des retours inespérés
que son équipe avait reçus grâce à ces nouvelles enquêtes
optimisées.
On l’aura compris, l’objectif pour un organisme est de
pouvoir baser sa communication sur ce label, qui est reconnu au niveau
national. C’est aussi le moyen de jouir d’une reconnaissance, en
interne comme en externe, vis-à-vis de ces clients et de ses
partenaires. L’objectif affiché de la direction de l’USH est
de moderniser la relation avec les différentes parties prenantes des
organismes : les locataires, mais aussi les fournisseurs.
Des études dans le logement social ?
Quand allez-vous gagner du temps ?
Imaginez cette situation où le responsable locatif pourra facilement avoir accès à des informations sur son parc locatif, où le responsable qualité pourra, en quelques clics et en temps réel, contrôler l’état d’avancement des travaux menés dans un de ces lotissements, où un gardien pourra suivre les plaintes déposées par des locataires. Bref, imaginez comme vous pourrez être plus performants dans vos tâches. Néanmoins, le mot d’ordre est bien de ne pas limiter les bienfaits de cette révolution en marche à l’équipe dirigeante. Il convient d’organiser l’ensemble des équipes autour de ces nouvelles pratiques, et d’aider les équipes opérationnelles à s’approprier les outils technologiques.
Avec quels outils ?
Contrairement à ce que beaucoup de personnes peuvent se dire, les outils
en question existent déjà et ont fait leurs preuves dans l’optimisation
d’études récurrentes. Finie la saisie manuelle avec la lecture
automatique pour les enquêtes papier ! Les questionnaires sur votre
intranet sont désormais très simples à déployer et les « checklists » ou
les suivis d’incidents sur tablettes et smartphones sont
disponibles en quelques clics seulement. Toutes les informations
collectées peuvent ensuite être centralisées dans une application unique
pour effectuer les requêtes nécessaires, et en tirer le maximum de
bénéfices.
L’idée est d’aller au-delà de la « contrainte »
d’effectuer des enquêtes, et de les voir comme de réelles
opportunités pour améliorer son offre. Parce que non, les études ne sont
pas réservées à un certain type d’entreprises, et ne sont pas non
plus des processus ultra-complexes à mettre en place. Le logement social
peut et doit se les approprier pour continuer à progresser, pour
continuer à proposer des services de qualité et pour continuer, dans les
années à venir, et alors que les attentes seront bien différentes, à
répondre de manière optimale à la demande croissante.
Au regard des objectifs fixés par l’USH et des moyens mis en œuvre
pour les atteindre (une équipe dédiée aux labellisations, des formations
proposées aux responsables de projets, les investissements financiers
pour accompagner les plans d’action), il semble que l’on
soit bien à l’aube d’un processus complet d’analyse
des besoins. Et non dans une sorte d’autocongratulation que pointent du
doigts les plus pessimistes, pour lesquels le jeu n’en vaut pas la
chandelle et qui parlent d’investissements non rentables, en
particulier pour les plus petites structures.
Une chose est sûre, ce label et tout le travail préalable et de suivi
qu’il implique, peut se révéler être un formidable outil de suivi
pour parvenir à redorer l’image des structures HLM en France.
Rêvons ensemble de ce monde peut-être pas si lointain où chaque enquête
et chaque plainte sera traitée par un chargé d’études qui pourra
proposer, en quelques semaines et via un processus efficace, un
changement concret pour les habitants des quelques cinq millions de
logements sociaux français.