Nous tenons à remercier Aude Delpech pour sa contribution.
Survey Magazine : Abordons les défis de la récente crise sanitaire, notamment l'importance du bien-être des soignants pour la qualité des soins. Comment cette période souligne-t-elle l'urgence d'une gestion RH attentive et personnalisée dans la Fonction Publique Hospitalière ? Et comment améliorer le vécu des soignants pour refléter celui des patients, face aux difficultés de QVT et de reconnaissance ?
Pour commencer, il est indispensable de mentionner que pour parler du « prendre soin » des patients, il faut avant tout évoquer l’importance de base « du prendre soin » des équipes soignantes et personnels hospitaliers au sein des établissements sanitaires, médico-sociaux et sociaux. Il est nécessaire que les équipes RH et les encadrants apportent au quotidien une attention particulière à leurs équipes, afin que celles-ci se sentent bien dans leur travail, leurs activités et leurs missions. C’est là, sur une dimension qui met d’abord le focus sur les personnels hospitalier, que le champ de la QVCT doit être interrogée.
La crise de la Covid-19 a favorisé une reconnaissance spontanée du travail quotidien des personnels hospitaliers par la population et ce, de manière unanime. Le soufflet semble cependant être vite retombé…. Notamment au niveau des ressentis des professionnels qui mentionnent aujourd’hui un fort manque de reconnaissance professionnelle au quotidien. Même si la crise sanitaire a clairement permis de révéler une réelle capacité d’initiative des professionnels et des avancées notoires et concrètes dans les établissements (forte réactivité et adaptation des équipes, réponses innovantes aux défis se présentant, …), les professionnels expriment largement une certaine frustration et un certain mal-être dans leur quotidien de travail pour une bonne part d’entre eux. Les enjeux autour d’une meilleure prise en compte des conditions de travail, de travail pour une meilleure reconnaissance et valorisation du travail sont essentiels. Et ce, d’autant plus, dans le contexte particulièrement tendu dans lequel l’hôpital se trouve aujourd’hui (manque de personnels liés notamment à des difficultés croissantes de recrutement et de fidélisation).
Ce qu’on peut appeler la « symétrie des attentions » est ici d’autant plus centrale. Si la qualité de prise en charge du patient ou du résident est majeure, il est nécessaire de réfléchir collectivement au sein d’un établissement sur la manière dont les professionnels vivent leur travail au quotidien et de s’y pencher largement. Les directions d’établissements, directions RH notamment, connaissent parfaitement ces enjeux et tentent chaque jour de trouver des solutions pour que leur travail soit valorisé et reconnu à sa juste mesure. Tout le monde a bien conscience aujourd’hui qu’écouter ce que les professionnels vivent concrètement et réellement sur le terrain et la manière dont ils vivent leur travail est un enjeu RH majeur. C’est ici, autour de ces enjeux de perception, de parole et d’écoute sur la valeur « travail » que le Baromètre Social vient permettre d’interroger et de travailler avec les professionnels.
Comment cette prise de conscience a-t-elle influencé vos méthodes pour recueillir et répondre efficacement aux besoins et préoccupations des soignants ?
L’Anfh, en tant qu’OPCA (Organisme Paritaire Collecteur Agréé) de la Fonction Publique Hospitalière, intervient, au niveau national, auprès des plus de 2000 établissements sanitaires, médico-sociaux et sociaux et couvre dons aussi bien à la fois le champ d’activités des CHU, des CH que celui des EHPAD. Cette « couverture » représente près d’un million d’agents hospitaliers qui peuvent potentiellement être interrogés sur leurs perceptions du travail et leur qualité de vie dans le cadre professionnel : un véritable défi méthodologique à la base afin en effet de pouvoir proposer une démarche à très grande échelle, généralisée mais surtout adaptée (et adaptable en partie) à la spécificité des contextes des différents établissements, quelles que soient sa taille ou ses effectifs, et des situations de travail (diversité des métiers, des spécificités de travail…). Il était nécessaire de trouver une solution méthodologique et technique qui permette à la fois de recueillir une parole individuelle et qui permette l’agrégation/la structuration de données à un niveau macro (départemental, régional, national) et micro (échelle de l’établissement) afin de pouvoir in fine disposer de résultats permettant la mise en œuvre de véritables plans d’actions en matière de QVCT. Seule une solution en ligne permettait techniquement à ce niveau de répondre à l’ensemble de ces contraintes. C’est ainsi que l’Anfh s’est tournée vers Soft Concept après une consultation de marché pour concevoir et mettre à disposition de tous les établissements hospitaliers publics cet outil de Baromètre Social, outil de mesure de la QVCT dans la Fonction Publique Hospitalière, parole donnée aux professionnels de soins, médico-sociaux et sociaux.
Recueillir les avis de milliers d'agents dispersés dans différents établissements est une tâche complexe. Quels obstacles avez-vous dû surmonter pour développer cet outil de collecte ?
Pour l’Anfh, une forte vigilance a été apportée pour garantir aux établissements adhérents et aux agents hospitaliers des fondamentaux en termes méthodologiques pour permettre la diffusion d’une enquête de ce type.
Tout d’abord, il est nécessaire de garantir la neutralité et la « scientificité » des questionnaires proposés « clés en main » dans notre outil. Ainsi tous les questionnaires ont été construits avec des professionnels du terrain et des experts des secteurs et les questionnaires ont bien entendu étaient préalablement passés au crible des tests « enquêtés » pour assurer leur fiabilité et sur un sujet comme celui de la QVCT les nécessaires neutralités dans la formulation pour éviter au maximum certains écueils ou biais sociologiques.
Ensuite, il est nécessaire de garantir l’anonymat de l’enquête à l’ensemble des professionnels répondants pour qu’ils puissent y participer sans crainte. Pour cela, techniquement, il a été travaillé avec notre prestataire un système de connexion à l’enquête individuel, généré et administré par les établissements, de QR code à usage unique, qui permet une garantie totale de l’anonymat et par le fait qu’il peut de fait facilement s’échanger entre agent permet de lever toute crainte éventuelle de l’agent sur le fait que ces réponses puissent être tracées.
Enfin, troisième garantie qui était importante d’assurer techniquement, celle de permettre aux établissements mobilisés dans le Baromètre Social, de pouvoir « suivre » leurs données/résultats dans le temps, avec la mise en place d’un outil à leur main et pouvant être « déclencher » autant de fois et surtout au moment où les directions le souhaitent. Ainsi le Baromètre Social est aujourd’hui un outil mis à disposition des établissements « clé en main » dont l’établissement peut se saisir en autonome totale pour, au-delà d’éventuelles campagnes régionales lancées par des Anfh en régions, pour planifier ses campagnes d’enquêtes internes, à l’échelle et dans le moment qui sont les siens. Bien entendu, le système technique prévu permet une historicité des résultats à l’échelle de l’établissement dont il dispose dans leur intégralité qui est une source riche d’enseignements pour le déploiement, ajustement ou réajustement des politiques internes et actions conduites.
L'ANFH a proposé un modèle de baromètre social dématérialisé comme solution. Comment l'accessibilité en ligne et les retours immédiats aux agents ont-ils contribué à une meilleure participation ?
L'implémentation du modèle de Baromètre Social dématérialisé proposé par l'Anfh offre en particulier trois avantages significatifs en matière de mobilisation et de participation des agents publics.
Sa conception est d’abord axée sur une accessibilité « multi-canaux » permettant aux agents de répondre à l'enquête via leur smartphone ou leur ordinateur et facilitant, comme évoqué précédemment, leur participation grâce à un QR code à usage unique. Cette approche, garantissant un anonymat total, favorise une certaine ouverture dans les réponses pouvant être apportées par les agents.
L’outil en ligne permet également un retour direct et instantané (en fin de questionnaire individuel) à l’agent répondant sur les résultats qui sont les siens et qui lui permet ainsi un retour direct, sans intermédiation et interprétation particulière de son positionnement singulier et individuel autour de sa perception et son positionnement en matière de QVCT et plus largement de sa relation actuelle au travail. L’accessibilité simple et ergonomique en ligne du questionnaire et les retours immédiats en fin de questionnaire aux différents niveaux et notamment au niveau de l’agent favorise une meilleure mobilisation des agents en les impliquant directement dans le processus d'évaluation et d'amélioration des conditions de travail.
Enfin, le suivi en direct des taux de réponse par l’administrateur (établissement) permet des relances ciblées, garantissant ainsi une participation optimale et une représentativité adéquate des données collectées tout au long du processus.
Comment les données recueillies ont-elles été utilisées pour identifier et mettre en œuvre des actions concrètes visant à améliorer les conditions de travail et l'attractivité des établissements ?
En permettant de positionner le Baromètre Social et donc l'enquête en ligne comme un outil « à la main » des établissements, cela favorise grandement le positionnement de celui-ci au cœur du déploiement de politiques et d’actions internes au sein des établissements au matière de QVCT.
La collecte de données en ligne permet une agrégation automatique des réponses et la possibilité à chaque niveau (sous réserve d’un taux de retour le permettant méthodologiquement) (pour un pôle/un service, pour un établissement mono-site ou pluri-sites, pour un groupement d’établissements, pour une délégation Anfh, à un niveau national, …) de générer un rapport de résultats complet comprenant et mettant automatiquement en forme les principaux résultats d’analyse de premier niveau. Cette automatisation d’exploitation à priori des résultats de l’enquête conduite à l’échelle d’un établissement permet un réel gain de temps pour les utilisateurs. De plus, la personnalisation de l’échelle d’exploitation des résultats favorise des analyses fines pour des prises de décision adaptées au sein des établissements concernées.
Le Baromètre Social est ainsi une source très riche d’informations pour les Directions d’établissement en permettant, de manière schématique, d’identifier les points forts et les points à travailler en interne en matière de QVCT sur la base de la parole directe recueillie des professionnels en poste.
Envisagez-vous d'intégrer des fonctionnalités supplémentaires faisant appel à l’Intelligence Artificielle ?
Notre outil a été fait de façon a ce que la data soit exploitable dans le temps. Les établissements de santé, médico-sociaux et sociaux publiques, peuvent lancer une enquête quand ils veulent et autant de fois qu’ils le souhaitent.
L’IA pourrait être utilisée prochainement dans l’outil et ce, notamment, dans une double dimension que ce soit au niveau prévention et ou détection de situations dans les établissements. Sur la base des résultats des Baromètres administrés au niveau national, l’IA pourrait par exemple aider à agir de manière préventive en prédisant ce qui sera sources potentielles de dysfonctionnements ou de risques au sein d’un établissement et ainsi mieux anticiper les réponses pouvant être nécessaires à apporter et les actions à entreprendre. Nous avons intégré également cette dimension dans la nouvelle enquête que nous proposons sur l’égalité professionnelle qui est intégrée dans l’outil proposé « clé en main » aux établissements et qui fonctionne selon la même solution que celle du Baromètre Social.