Survey-Magazine : Qu’est-ce qu’une start-up de stratégie électorale ?
Arthur Muller : C’est généralement une entreprise de
communication et d’analyse d’opinion qui travaille pour des
partis politiques à l’occasion d’élections (présidentielles,
locales ou encore municipales, comme ce fut le cas récemment en Suisse)
mais également pour des collectivités et des entreprises du secteur
privé. Il est clair que le champ des campagnes électorales peut être
transformé par les outils digitaux et le big data, comme l’a révélé la
première campagne de Barack Obama aux élections américaines de 2008. Ces
techniques ont depuis été importées en France et en Europe.
En ce qui concerne Liegey Muller Pons, notre cœur de métier est un
logiciel appelé 50+1, d’analyse d’un territoire
socio-électoral et d’aide à l’organisation de campagne.
Quelles données utilisez-vous et dans quels objectifs ?
La France est découpée en 60000 zones géographiques, et pour chaque zone nous possédons l’ensemble des résultats aux élections depuis 2007 auxquels sont ajoutées les variables socio-démographiques issues des recensements de l’INSEE (âge, revenus, niveau d’éducation…). Ce sont des Open Data rendues accessibles depuis quelques années par le Ministère de l’Intérieur.
A ces données sont appliqués des algorithmes statistiques pour comprendre et prédire les comportements électoraux. Le but est d’établir des stratégies électorales : les électeurs sont ciblés en fonction du type de parti, du type de territoire, du type d’élection. Cela permet notamment de déterminer quels électeurs sont susceptibles de changer d’avis et quels sont ceux qui ont déjà choisi.
C’est un levier décisif pour d’identifier les électeurs changeants ou indécis afin de les convaincre et de les faire changer d’avis. L’idée est de comprendre qui sont vraiment les électeurs pour mener à bien une campagne efficace.
Notre outil possède également une fonctionnalité de cartographie qui indique les bureaux de vote à cibler prioritairement pour la campagne, afin d’organiser meetings, distributions de tracts ou encore porte-à-porte. Ce que l’on appelle communément le « geotargeting. »
Notre objectif est d’arriver à répondre au même type de question que les instituts de sondages mais avec l’approche du big data. Nous avons cependant une différence énorme avec ces derniers : notre méthode est beaucoup moins coûteuse et beaucoup plus spécifique (par localité) et précise à l’échelle des territoires car réalisée à l’échelle micro.
Cependant, les données open data ne sont pas très fraîches. Nous n’avions par exemple aucune information sur EM car son parti est trop récent.
Lors des présidentielles nous avons fait un partenariat avec Ipsos pour conjuguer l’ approche de sondage traditionnel avec nos données pour obtenir le meilleurs des données. Nous avons également collaboré avec la société Proxem pour l’analyse automatique du langage.
D’autres type de données pourraient être utilisées à l’avenir, issues des réseaux sociaux, forums, presse quotidienne régionale (échelle locale).
Le champ politique n’est pas exclusif, puisque les données disponibles peuvent aussi intéresser des clients corporate, qui souhaiteraient connaître, par exemple, l’opinion locale autour de projets d’infrastructure ou d’équipements, de problématiques d’environnement ou d’énergie, etc.
Nous nous plaçons dans la trajectoire directe des instituts de sondage, notre cœur de métier étant à l’origine les sondages politique mais souhaitons également nous orienter vers le secteur privé, beaucoup plus porteur.
Comment mesurez-vous la fiabilité et l’efficacité de vos actions ?
Nous comparons nos analyses aux résultats des instituts sondages d’opinion. Nous utilisons notamment une famille d’algorithmes appelés « d’inférences écologiques ».
Nous nous basons également sur des travaux de recherche qui évaluent l’efficacité de ce type de méthode. Des études montrent que les campagnes les plus efficaces sont celles qui conjuguent l’utilisation d’outils digitaux et data avec des actions militantes traditionnelles comme le porte-à-porte… Ce fut le cas pour la campagne présidentielles en 2012 où cette méthode a permis de faire gagner en moyenne 3 points à François Hollande dans les zones traitées.
Les outils dédiés à la stratégie électorale sont désormais indispensables voire obligatoires pour un parti sérieux qui veut réussir. Tous les grands candidats en sont conscients et c’est en train de devenir une norme en politique.
Bien sûr, ces outils ne permettent pas, en tant que tels de gagner une campagne électorale. Leur ambition est plutôt d’apporter entre 3 à 5 points supplémentaires, ce qui est souvent essentiel pour faire la différence.