La mesure des émotions fait toujours couler beaucoup d’encre dans le monde du Marketing et des Etudes. Et pour cause, les émotions guident en partie nos décisions. De nombreuses expériences montrent qu’un individu privé de ses émotions est incapable de décider. Mais l’émotion n’est qu’une des composantes de la décision : la manifestation d’une émotion face à un stimulus, si elle peut faciliter une décision d’achat, n’en est pas le garant. Alors, pour une marque, comment et pourquoi mesurer les émotions ?
Pour une mesure non déclarative des émotions en contexte
Une émotion provoque de manière systématique des réactions cérébrales et corporelles, conscientes ou non. Poser des questions à un individu permettra très bien de mesurer ses émotions conscientes. Qu’elles utilisent des mots ou des icônes, qu’elles passent par des questions fermées ou ouvertes, ces mesures déclaratives des émotions répondent à un premier niveau de besoin des marques. Mais pour aller plus loin, et mesurer les émotions non conscientes, voire non verbalisables, elles sont insuffisantes. C’est dans ce cadre que les outils neuroscientifiques deviennent intéressants. Ces outils reposent soit sur des mesures centrales des émotions, via les réactions cérébrales (Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle – IRMf, électroencéphalographie – EEG), soit sur des mesures périphériques, via les réactions corporelles (Activité électrodermale – EDA, électrocardiogramme – ECG, électromyographie faciale – EMGf).
Au-delà des questions relatives à la fiabilité et à la validité des mesures, l’utilisation de ces outils neuroscientifiques pose rapidement la question du contexte d’exposition, puisqu’ils peuvent être invasifs, voire contraignants dans la liberté de mouvement qu’ils laissent aux individus. Ils limitent de ce fait la possibilité d’effectuer des mesures des émotions in situ et contraignent souvent à des mesures en laboratoire. Pourtant, les marques qui souhaitent mesurer les émotions non conscientes des consommateurs, ou clients, devraient intégrer systématiquement le contexte d’exposition. Imaginez qu’une marque de pizza vous présente la photo d’une nouvelle recette gourmande : sur cette photo, vous voyez à travers le film transparent du pack les ingrédients, tous plus appétant les uns que les autres, disposés sur la pizza. Et maintenant, imaginez que cette pizza et ses ingrédients vous soient présentés en vrai, dans un rayon. Pensez-vous que votre réaction et l’envie suscitée seront identiques dans les deux cas, face à une photo ou en rayon ?
Ce n’est qu’en contexte que les émotions, en renforçant l’expérience client et le lien à la marque peuvent influencer la décision d’achat. Le marketing expérientiel insiste depuis longtemps sur le fait que les émotions ressenties ne dépendent pas que du stimulus mais dépendent aussi du contexte d’exposition.
Pourtant, quand il s’agit de tester une offre et de mesurer son pouvoir émotionnel, ce contexte est trop souvent mis de côté. Soit parce que les mesures déclaratives de l’émotion, qui ont par ailleurs tendance à induire une post-rationalisation, interviennent après l’expérience et non pendant. Soit parce que les mesures neuroscientifiques de l’émotion sont peu utilisables en contexte et en mobilité car trop invasives ou lourdes à déployer sur le terrain.
Un duo « émotion – engagement cognitif » pour une meilleure approche de la décision
Dans son ouvrage « Système 1, Système 2, les deux vitesses de la pensée », Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie 2002, explique que notre cerveau est doté de deux systèmes pour prendre des décisions, qu’il active selon les situations :
- Le système 1, rapide, intuitif, que l’on pourrait qualifier de «
pilote automatique ». Celui qui nous fait saliver devant une belle glace
ou nous fait penser au chiffre 4 devant l’opération
« 2+2 » ;
- Le système 2, plus lent, analytique, auquel nous faisons appel de
manière consciente quand il faut résoudre un problème complexe, auquel
nous ne sommes pas habitués. C’est celui qui se met en route pour
calculer « 25 x 37 ».
Les émotions sont plutôt logées dans notre système 1, qui s’active bien plus fréquemment que nous le pensons, et oriente nos choix, souvent bien malgré nous. Mais le système 2 joue également son rôle dans une décision d’achat. Face à un rayon, ou à un linéaire, un consommateur pourra être attiré par un produit coup de cœur, purement émotionnel, ou bien incité à prendre sa décision d’achat par une réflexion, relative aux caractéristiques du produit, qui nécessite un engagement cognitif. Ces deux « systèmes » de pensée interagissent bien évidemment l’un avec l’autre. Par exemple, lorsqu’un rayon n’est pas suffisamment clair et que l’effort cognitif qu’il nécessite pour être décrypté par les consommateurs laisse peu de place aux émotions, ou lorsqu’une forte émotion suscitée par une première impression influence la capacité de jugement cognitif.
D’où l’intérêt de coupler mesure des émotions et mesure de l’engagement cognitif, dans le but d’approcher « les deux vitesses de la pensée » qui construisent nos décisions.
EmoMove : une mesure non déclarative en contexte de l’activation émotionnelle et de l’engagement cognitif
Pour répondre à ce double besoin de mesurer les émotions en contexte et
en lien avec l’engagement cognitif, PRS IN VIVO (Groupe BVA) a
développé EmoMove. Il s’agit d’un dispositif non intrusif de
mesure non déclarative des émotions et de l’engagement cognitif,
simple à déployer sur le terrain, en contexte. Ce dispositif repose sur
Affect-tag, solution de captation physiologique avec bracelet connecté
et d’analyse logicielle de la data (édité par NEOTROPE), couplée
avec un Eye-Tracking mobile. La combinaison entre un Eye-Tracking et le
bracelet Affect-tag permet d’assurer la synchronisation entre les
stimuli vus et les émotions ressenties. L’ensemble permet
d’identifier rapidement le potentiel émotionnel d’une offre
pour mettre en place les actions correctives adéquates. Il mesure
également son potentiel d’engagement via le niveau de charge
cognitive atteint lors de l’exposition.
Le dispositif peut être utilisé soit pour des mesures quantitatives,
visant à proposer des indicateurs en complément d’une étude
principale, soit pour une approche qualitative, visant à détecter des
émotions, pour les qualifier et les approfondir lors d’un
entretien individuel :
- Dans le cadre d’une approche quantitative, les mesures
s’insèrent dans le dispositif de l’étude principale (test de
packaging, test de merchandising, …). Elles sont effectuées sur un
échantillon de 30 consommateurs équipés de la solution. Ces
consommateurs effectuent leur parcours client en magasin pendant que le
dispositif enregistre en continu l’émotion et l’engagement
vécus dans un contexte d’exposition réel. Puis, ces consommateurs
sont interrogés par questionnaire sur leur expérience. L’ensemble
des données recueillies est ensuite agrégé et traité, en complément aux
données issues de l’étude principale.
- Dans le cadre d’une étude qualitative le dispositif vient
s’insérer comme un outil d’animation complémentaire à
l’observation ethnographique et/ou à l’entretien individuel
qui suit. Comme dans le cadre de l’étude quantitative, chaque
consommateur effectue son parcours client en magasin pendant que le
dispositif enregistre en continu l’émotion et l’engagement
vécus en contexte. Par contre, les données ne sont pas agrégées : les
réactions émotionnelles et cognitives sont identifiées en direct via le
logiciel d’analyse, puis l’animateur se sert de la vidéo du
parcours et des réactions émotionnelles et cognitives reportées pour
approfondir les instants clefs du parcours, ceux où des réactions ont
été observées.
Pour résumer, EmoMove permet une mesure non déclarative de l’émotion et de l’engagement cognitif tout au long du parcours client, en continu et en contexte. Parallèlement, la phase d’interrogation ou d’entretien complémentaire permet une compréhension des mécanismes émotionnels observés. Le tout pour intégrer au mieux l’influence des émotions ressenties par les shoppers et leur engagement cognitif.
Pourquoi mesurer les émotions et l’engagement cognitif ?
Une étude pilote PRS IN VIVO a permis de valider les partis pris exposés précédemment. Tout d’abord, que la contextualisation est indispensable à la mesure des émotions. Puis, l’intérêt d’associer l’engagement cognitif à la mesure d’émotions. Dans le cadre d’une étude quantitative pilote, un échantillon de consommateurs a été équipé du dispositif EmoMove. Chaque consommateur a effectué un parcours d’achat dans un magasin expérimental, reproduisant un univers Grande Consommation. Puis ils ont été exposés à des photos de packaging sur un écran d’ordinateur. Quels enseignements en avons-nous tiré ?
- Le niveau d’émotion suscité par une image de packaging qui
défile sur un écran est bien en deçà de celui provoqué par le même pack
en rayon. Ce qui conforte l’intérêt de mesurer les émotions en
contexte et l’intérêt de l’expérience d’achat.
- Différents rayons suscitent différents niveaux émotionnels. Alors
qu’un rayon composé de produits d’impulsion active un
certain niveau d’émotion, le choix d’une marque
n’engage que très peu les individus cognitivement. Un mode de
choix qui correspond à l’activation du système 1. A
l’inverse d’un rayon composé de produits ménagers, qui
active un fort engagement cognitif, mais peu d’émotion, laissant
plus de place au système 2 dans la décision d’achat. Pour finir,
un rayon composé de produits alimentaires allie engagement cognitif, et
émotion, ce qui traduit un certain flou dans le décryptage du rayon. Et
la nécessité de le rendre plus fluide pour faciliter la décision
d’achat.
- Emotion n’est pas synonyme d’achat. Au sein d’un
même rayon, alors qu’une marque est sans conteste celle qui
suscite la plus grande émotion parmi celles testées, elle n’est
pas la plus choisie par les individus interrogés quand on leur propose
de choisir 1 marque parmi 3 pour les remercier à la fin de
l’expérimentation.
Finalement, la mesure des émotions, croisée avec celle de l’engagement cognitif, permet d’éclairer à la fois la façon dont un rayon est décrypté, mais aussi celle dont une marque se positionne, émotionnellement et cognitivement, à l’intérieur d’un rayon.
Quand mesurer les émotions et l’engagement cognitif ?
Premier mythe à oublier, l’émotion n’est pas un marqueur du choix. Ce qui exclut d’utiliser la seule mesure des émotions comme un indicateur prédictif du comportement d’achat et plaide pour deux partis pris :
1. Si la mesure des émotions peut représenter un intérêt, elle ne peut
pas se suffire à elle-même. Il est indispensable de l’insérer dans
des dispositifs d’études qualitatifs ou quantitatifs plus
larges.
2. Lorsqu’une marque souhaite mesurer une émotion elle doit savoir
pourquoi et ce qu’elle va faire de cette information, au-delà de
tenter de prédire un comportement. Il en est de même pour la mesure de
l’engagement cognitif. Pour une marque qui vient de rénover un
packaging, en cherchant à susciter plus d’émotion, pour des
raisons de positionnement, il est intéressant d’objectiver ce
niveau d’émotion. Cela peut notamment se baser sur des mesures
scientifiques en contexte permettant de comparer le niveau d’émotions
généré par le nouveau pack avec celui généré par l’ancien. Pour une
marque qui cherche à modifier le merchandising, pour simplifier le
décryptage du rayon par le consommateur, et lui faciliter le choix,
alors il est utile de mesurer objectivement l’engagement cognitif
suscité par la nouvelle organisation du rayon, en comparaison avec le
rayon tel qu’il était organisé auparavant.
Finalement les mesures de l’émotion et de l’engagement cognitif sont le plus souvent utilisées par nos clients pour valider des hypothèses et s’assurer qu’une volonté stratégique (simplifier le rayon, susciter de l’émotion via une offre) se concrétise dans les faits. Non pas pour mesurer une émotion, ou un engagement cognitif en soi, mais pour s’assurer que l’évolution de l’une ou l’autre de ces métriques va bien dans le sens attendu après le changement de mix mis en œuvre.