Dernier numéro de Survey Magazine

Tous des acteurs de co-création ?

img

Pour ce premier article de la chronique « Les Bonnes Pratiques de la Co-création », je vous propose de nous intéresser aux types de contributeurs à associer à la démarche de co-création.

Impliquer des clients ou d’autres parties prenantes à une démarche collaborative pour la création d’un produit/service/process est une stratégie qui, depuis plusieurs années, prend de l’ampleur dans les entreprises de tout type.

Si l’on revient quelques années en arrière, au début des années 2000, deux enseignants-chercheurs américains Steven Vargo et Robert Lusch ont souligné un changement de paradigme au niveau du rôle joué par le client au sein des organisations. A l’origine, la mission de l’entreprise était de produire des biens et des services aux clients et utilisateurs finaux. Les fonctions des clients et des entreprises étaient distinctes et la création de valeur considérée comme une succession d’activités gérées par la firme qui produisait. Cette approche appelée par les deux chercheurs « Goods-Dominant Logic », souligne ainsi le rôle passif du client, nullement consulté par l’entreprise sur les produits dont il était pourtant le destinataire.

Puis, l’ère post-industrielle a vu apparaître une approche plus collaborative nommée par Vargo et Lusch « Service-dominant logic » plaçant le client comme co-créateur de la valeur. Les entreprises intègrent désormais les idées, connaissances et retours d’expériences des individus qu’elles mobilisent pour concevoir ou transformer les offres qui correspondront davantage aux besoins des utilisateurs finaux. Pour co-créer avec l’entreprise, les parties prenantes (clients, utilisateurs, experts, collaborateurs, fournisseurs…) ont ainsi la possibilité de participer à différentes étapes de la conception de l’offre.

Dès lors, de nombreuses initiatives autour de la co-création apparaissent comme le crowdsourcing (appel à la foule pour la réalisation de tâches spécifiques), le Jam (outil collaboratif de type boite à idées développé par IBM) ou encore l’innovation ouverte (pour n’en citer que quelques-unes). Ces démarches se sont développées au sein des organisations avec bon nombre d’outils ou de méthodes comme les Hackathons, les approches agiles comme le Scrum, le lean start-up, le design thinking, les workshops d’idéations ou encore les challenge d’open innovation.

Pour autant, la co-création ne se résume pas uniquement à voter pour la meilleure proposition de produit ou le plus beau packaging. Elle ne se résume pas non plus à réaliser un hackathon avec ses collaborateurs en guise de team building, ou un challenge d’idées avec ses consommateurs pour se faire apprécier de sa communauté de marque. L’objectif premier de la co-création est bien de réunir les parties prenantes pour phosphorer autour de vraies problématiques définies précisément en amont, et d’apporter des solutions concrètes à ces mêmes problématiques via les insights obtenus. De nombreux avantages de la démarche comme réduire le time-to-market, limiter le taux d’échec au lancement ou repérer de vrais talents sont également à souligner. Seulement, un responsable innovation d’une grande marque nous confie que pour réussir sa démarche de co-création, il s’agit pour l’entreprise de bien définir en amont quelles sont les problématiques à résoudre, une prérogative incontournable avant de commencer démarche d’intégration des individus.

L’enjeu de la co-création est également d’acculturer les collaborateurs à de nouvelles méthodes de travail et de nouveaux outils plus interactifs favorisant l’esprit collaboratif dans un monde de plus en plus tourné vers le digital, phénomène en croissance et amplifié depuis la récente pandémie de Covid19.

De nombreuses plateformes participatives proposant d’accompagner les entreprises dans leurs démarches de co-création se sont aujourd’hui développées. En effet, les entreprises ont de plus en plus le réflexe de recourir à ce type de démarche collaborative avec leur communauté puisqu’elles externalisent cette compétence à ces plateformes d’intermédiation ou elles le mettent en place en interne via des plateformes de marque (à l’image du #Crédit Agricole Store) gérées par des community manager, des responsables marketing ou encore des responsables innovation. Chez certaines entreprises, il est ainsi devenu fréquent, voire systématique, d’intégrer des parties prenantes au processus d’innovation. Mais pas uniquement des clients. En effet, se multiplient également les démarches de co-création avec l’implication forte des collaborateurs internes (ou clients internes), vecteur de développement de sa marque employeur. La plateforme #Starbox du groupe Eiffage illustre parfaitement cette volonté croissante des organisations à impliquer les forces vives internes, qu’ils soient collaborateur mais aussi prestataires. Sur de très nombreux sujets comme le développement de la culture client, la RSE, ou encore l’insertion professionnelle, les collaborateurs sont invités à s’exprimer, à échanger des idées et à co-construire les projets permettant de répondre aux enjeux de demain. Au-delà des consommateurs et des collaborateurs, les communautés de designers/de créatifs sont aussi très sollicitées par les marques via des agences participatives, à l’image de #BrandSupply ou #Jovoto qui se placent en tant qu’intermédiaires entre les marques et les designers par la création de concours. De même, de nombreuses entreprises souhaitent interagir avec un public d’étudiants afin d’identifier des solutions fraîches et innovantes à leurs problématiques. Ce sont des plateformes comme #Agorize ou #Data challenge (cette dernière fera l’objet d’un prochain article dans la chronique) qui mettent en place des concours ou des hackathons, permettant ainsi de répondre à ce type de besoins en interagissant avec les écoles et universités.

L’implication des individus en tant que citoyens ou acteurs locaux pour répondre à des enjeux territoriaux via le crowdsourcing (comme le propose #Mipise, solution participative en marque blanche) commence également à s’intensifier. A ce titre, citons le projet Citique mis en place par une équipe de chercheurs de l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) avec la création de Signalement Tique, une application mobile téléchargeable gratuitement, qui permet à ses utilisateurs de partager tout type d’information utile sur les tiques. Cet acarien tend en effet à se répandre en France et peut transmettre à l’Homme la maladie de Lyme. Cette initiative participative a pour objectif de faire avancer la recherche et d’élaborer une « tiquothèque » disponible pour l’ensemble de la communauté scientifique mondiale.

Conclusion : impliquer tout type de partie prenante est aujourd’hui possible et sans limite. Pour les entreprises, il est en effet devenu logique d’emmener ses parties prenantes à participer à une ou plusieurs étapes du processus de co-création (ces étapes feront l’objet d’un prochain article dans la chronique). Bien-entendu, à charge des équipes innovation, RH, ou encore marketing d’expliquer voire d’évangéliser ses publics sur les intérêts et bénéfices de la démarche pour tous.