Avec la numérisation croissante du secteur de la santé, la quantité de données générées augmente considérablement, provenant non seulement des établissements de santé et des médecins, mais également directement des patients lors de leurs interactions avec diverses plateformes ou applications numériques. Ces données croisent une multitude d'informations de profils avec les soins recommandés ou les traitements suivis, créant ainsi un vaste écosystème d'informations médicales. Cependant, l'utilisation de ces données médicales soulève des questions fondamentales concernant la protection de la vie privée. Alors qu'elles devraient d'abord servir à l'amélioration de la qualité de la prise en charge d’un patient, elles peuvent aussi être utilisées à d'autres fins, commerciales ou marketing pour pousser des solutions, voire de discrimination. Dans cet article, nous nous attardons sur les freins et les leviers du partage de données de santé du point de vue des patients, ainsi que sur les conséquences pour les médecins et la société dans son ensemble.
Nos recherches récentes, menées auprès de plus de 1 000 consommateurs, révèlent que les individus sont disposés à recourir à l'intelligence artificielle pour les accompagner lorsque la décision à prendre est complexe. Cependant, le degré d’acceptation de l’IA est liée à la perception de conserver tout le contrôle de la prise de décision finale. Ce qui se joue dans le partage de données et le traitement de l’information par des algorithmes est le maintien de l’autonomie dans les choix humains et du libre arbitre dans un respect éthique de la personne.
Des risques qui doivent être pris en compte pour mieux protéger
De nombreux patients hésitent encore à partager leurs informations médicales, craignant pour leur confidentialité et leur sécurité. L'un des principaux freins au partage de données de santé est la préoccupation concernant la confidentialité. La sécurisation des bases de données est un défi majeur, car la dispersion des données entre de nombreuses entreprises augmente les risques de fuites, qu'elles soient accidentelles ou causées par des cybercriminels exigeant des rançons. Les patients craignent que leurs informations médicales ne soient pas correctement sécurisées et qu'elles puissent être accessibles à des tiers non autorisés. Cette préoccupation est renforcée par les récents scandales liés à la violation de la confidentialité des données.
L'anonymisation des données, souvent utilisée pour protéger la vie privée des patients, est techniquement difficile. Dès lors, certains patients peuvent douter des intentions des autorités de santé et des médecins quant à l'utilisation de leurs données de santé. Ils peuvent craindre que leurs informations soient utilisées à des fins commerciales pour mettre en avant un traitement. Si l’Union Européenne se dote d’outils de protection (RGPD) et la France interdit par défaut le traitement des données génétiques, biométriques, ou de santé sans le consentement explicite du patient. Cependant, les risques demeurent, notamment avec les données provenant d'objets connectés ou le patient peut consentir librement à partager des informationspour évaluer son état de santé général qui peuvent conduire à des préconisations d’achat.
D’autres craignent que la divulgation de certaines informations médicales sensibles ne conduise à une discrimination. Ainsi, un futur employeur qui aurait par exemple accès aux données médicales des candidats, pourrait rejeter certains profils à la santé trop fragile. De même, une compagnie aérienne pourrait refuser de transporter des passagers sur des critères médicaux.
Enfin, les processus de consentement et de partage des données peuvent sembler complexes et peu transparents pour les patients. Ils peuvent se sentir submergés par les documents juridiques et les autorisations nécessaires, ce qui peut dissuader certains d'entre eux de partager leurs données.
Des bénéfices quoi doivent être mieux expliqués pour avancer ensemble
Dans le monde médical d'aujourd'hui, le partage de données de santé est devenu un enjeu crucial pour l'amélioration des soins et la recherche médicale.
Les données sont indispensables pour mieux accompagner les patients, tant par les progrès de la recherche que pour l’accompagnement médical. Le partage d’information peut permettre de proposer des traitements plus personnalisés avec une vue plus complète de l'historique médical de chaque patient. L’accès aux bases de données peut contribuer à des avancées médicales pour développer de nouvelles thérapies. Enfin, cela contribue à mieux identifier des facteurs de risque dans la société et mettre en place des stratégies de prévention générale. Dans ce contexte, le rapport Villani, publié en mars 2018, a mis en lumière les défis liés à l'utilisation des données de santé pour l'intelligence artificielle. Le rapport souligne des faiblesses en France en matière d'exploitation des données pour des applications avancées telles que l'IA et propose la création d'une plate-forme offrant un accès simplifié et rapide à une variété de données, provenant de grandes cohortes nationales, de cliniques et d'hôpitaux.
Pour parvenir à collecter davantage de données, il est essentiel que les autorités de santé et les médecins soient transparents sur la manière dont ces données sont utilisées, qui y a accès et quelles seront les mesures de sécurité en place pour protéger la confidentialité. En établissant une relation de confiance avec les patients, ces derniers seront plus enclins à partager leurs données. Par ailleurs, il est important de mettre en avant les avantages tangibles du partage de données de santé, tels que la possibilité de recevoir des traitements plus personnalisés ou de contribuer à des avancées médicales.
Pour s'assurer que la dimension éthique du traitement des données est prise en compte, il faut aussi mettre en place des procédures claires sur la manière dont les données peuvent être collectées, stockées, partagées et utilisées, ainsi que des mécanismes de contrôle. En plaçant les patients au centre du processus, on s'assure que leurs valeurs et leurs préoccupations morales sont prises en compte dans toutes les décisions concernant leurs données de santé. Par exemple, lors du partage d’information avec le patient, l’accompagnement est indispensable. Ainsi, on ne peut pas juste envoyer un résultat d’analyse informant une personne qu’elle a une forte probabilité de souffrir à l'avenir d'une pathologie grave. La dimension morale intègre aussi la notion de responsabilité car il s’agit de savoir par exemple qui sera responsable en cas d'erreur de diagnostic: le médecin, l'hôpital ou l'entreprise productrice d’un algorithme.
En adoptant une approche éthique du partage de données de santé, qui prenne en compte la personne humaine, nous pouvons garantir que ces informations sont utilisées de manière responsable et dans le meilleur intérêt des patients et de la société dans son ensemble.