Imaginons que vous alliez pour la première fois dans un restaurant.
Vous commencez par réserver sur le site. Tout se passe bien et vous
recevez immédiatement une confirmation sur votre mobile. Vous
arrivez ensuite au restaurant avec un peu de retard. On vous
accueille aimablement et vous installe à votre table. Le menu est
clair et les prix corrects. La commande arrive dans un temps
raisonnable. Les plats sont bons et bien présentés. En débarrassant,
le serveur vous demande si tout s'est bien passé. C'est le cas. Vous
demandez l'addition qui arrive rapidement. Vous payez et ressortez
satisfaits. Et vous l'indiquerez probablement si on vous adresse une
enquête (sur votre mobile par exemple), en vous interrogeant sur
chacun des critères ci-dessus, de la réservation à l'addition, en
passant par l'accueil, le service et la qualité des plats.
Vous êtes donc satisfait. Pourtant, êtes-vous certain que vous
reviendrez dans ce restaurant ? C'est possible, si l’occasion se
présente. Mais le contraire est également possible. Cela dépendra de
facteurs externes au restaurant, dont notamment, le nombre de
possibilités similaires qui s’offrent à vous.
Dans un contexte d'offre pléthorique, avec des produits et des services généralement satisfaisants, la véritable clé de la loyauté n'est plus la satisfaction. C'est désormais l'enchantement.
La plupart des marques interviennent aujourd’hui sur des marchés
matures, caractérisés par une concurrence féroce. Les offres des unes et
des autres sont de moins en moins différenciables en termes de
caractéristiques et de qualité. La lutte se fait donc beaucoup sur les
prix. Ce critère est important lorsqu’il s’agit de produits destinés à
satisfaire des besoins primaires. Mais c’est de moins en moins le cas
aujourd’hui. Ainsi, on ne va pas dans un bon restaurant juste pour
s’alimenter. Beaucoup d’autres alternatives plus rapides et moins
coûteuses sont disponibles. La quête du consommateur se dirige plutôt
vers des émotions et de l’expérience.
C'est en vous faisant vivre une expérience unique et mémorable
qu'une entreprise pourra compter sur votre loyauté et votre
prosélytisme.
Pour bien l'illustrer, laissez-moi vous conter une histoire
personnelle : j'ai vécu l'une de mes plus belles expériences culinaires
à l'improviste, lors d'une halte dans un hôtel de Camposampiero, aux
environs de Padoue, en Italie. Nous avions choisi l'hôtel « Al Tezzon »
pour son emplacement géographique (sur notre chemin de retour de
Croatie) et son niveau de confort. Le restaurant de l'hôtel, situé sur
un côté de l'établissement sous des arcades et partiellement en travaux
ne nous avait pas bien inspiré à notre arrivée, dans l'après-midi. C'est
le soir, en sortant de l'hôtel pour aller dîner ailleurs que nous avons
été attirés par des portes en bois grandes ouvertes et un petit air de
fête dans l'établissement. Nous sommes donc entrés. L'accueil fut
mémorable. En plus du sourire et d'une amabilité tout en naturel, le
maître d'hôtel s'est rapidement tourné vers une immense meule de
parmesan, y a découpé 5 petits morceaux qu'il nous a tendus à tour de
rôle, au bout de son couteau. Un serveur a parallèlement servi une flûte
de Prosecco à chacun d'entre nous. Nous n'étions pas encore installés
que nous avions déjà les mains pleines. Le reste fut un enchantement. Le
menu, composé de 7 plats, a égrené les beaux produits de l'Italie :
Burrata et pesto, Carpaccio de bœuf et parmesan, Œufs brouillés aux
truffes, Risotto aux morilles, Pâtes aux cèpes… Que des plats très
simples, mais avec des produits fantastiques, servis dans une succession
magique. On était, bien sûr, loin de la technicité et de la
sophistication de nos grands chefs étoilés. Mais chaque bouchée nous a
enchantés bien plus. Les vins qui nous ont été conseillés nous ont
également paru fabuleux peut-être parce qu'ils l'étaient vraiment ou
peut-être encore à cause de tout le reste. Je ne me rappelle plus du
montant de l'addition mais je sais seulement que je l'avais trouvé
incroyablement faible au regard de l'expérience vécue. Aujourd'hui, je
sais que je ne passerai jamais à moins de 200 km de cet endroit sans y
faire un détour. Le fait que je le cite également ici témoigne de la
force d'une expérience enchanteresse (« et je n'ai vraiment aucune
participation là-dedans », comme le disent souvent les clients ravis qui
veulent s'excuser d'être trop élogieux sur une marque ou un
établissement !).
Un client enchanté va donc non seulement revenir. Il va, en plus, consentir pour cela des efforts pratiques (détour) ou financiers sans s’en soucier. Il va également devenir le meilleur ambassadeur de la marque dans son environnement proche et sur les réseaux sociaux.
Nous savons mesurer la satisfaction. Qu’en est-il de l’enchantement ?
C’est là tout le problème. Tout le monde connaît et pratique les enquêtes de satisfaction. Mais qui a déjà entendu parler d’enquêtes d’enchantement ?
C’est notamment de cela qu’il va être question dans ce dossier. Nous détaillerons les différentes approches possibles, en mettant en avant les similitudes et les spécificités des démarches destinées à évaluer et à optimiser l’enchantement.
Mais avant tout, commençons par la base théorique, en abordant notamment le concept de l’économie de l’expérience...