La génération Z : cible globale ou locale ?

Génération Z

Les marques tentent d’uniformiser les attentes des jeunes issus de la Génération Z (nés après 1995, encore nommés les « digital natives ») dans le but de les soumettre à un même modèle de comportement de consommation. Pour autant, les Z ont-ils des comportements uniformes qui amèneraient à les considérer comme une cible globale? Si les jeunes consommateurs partagent des caractéristiques communes et relativement uniformes, la diversité (sociale, culturelle…) est malgré tout une composante inhérente à ce groupe social particulier. Si le mode de vie dominant centré autour de la musique, Internet, le smartphone et les loisirs peut laisser penser que les Z forment un seul et même univers, examiner leurs habitudes de consommation ainsi que les relations entretenues avec leurs parents, selon les différents pays, sera un gage de réussite pour la mise en œuvre de stratégies marketing en entreprises.

LE Z : UN CONSOMMATEUR UNIFORME ?

L’idée de reconnaître à la consommation des jeunes issus de la Génération Z une réalité propre est facilement admise par tous: les jeunes ont « leurs » musiques, « leurs » films, « leurs » héros », « leurs » smartphones, et « leurs » façons de s’habiller. Ces « les digital natives » sont immergés dans l’environnement numérique: ils font partie des utilisateurs les plus assidus d’iPods, de tablettes, et surtout de smartphones. Une rupture s’est d’ailleurs créée avec les autres générations (X, Y et baby-boomers).

La globalisation est la volonté du consommateur asiatique (chinois, japonais, indien…) d’emprunter les mêmes codes de consommation que le consommateur européen (français, allemand…) ou américain. Dans ce contexte, la publicité joue un rôle extrêmement important puisqu’elle contribue à créer des modèles de référence à un moment où le jeune construit sa propre personnalité selon deux axes : le besoin de reconnaissance et le besoin d’appartenance sociale. Les Z sont très sensibles aux images véhiculés par les publicités, qui lissent les habitudes de consommation des jeunes et concourent à uniformiser leurs modes de vie. Les jeunes consommateurs, issus des pays émergents, veulent imiter les modes de vie des jeunes issus des pays développés. C’est l’effet Mc Do, Coca Coca, ou encore Abercrombie. Lorsqu’une marque s’attaque à cibler les jeunes de la Génération Z issus d’un pays émergent, elle cherche à cibler en priorité des jeunes consommateurs qui cherchent à ressembler aux adolescents occidentaux.

Malgré tout, si l’on considère que tous les jeunes Z du monde se ressemblent, la notion de jeunes consommateurs Z comme cible globale devrait être appréhendée avec beaucoup de précaution. Les jeunes n’ont pas des comportements uniformes, partout dans le monde. En effet, lorsqu’on s’intéresse non seulement au sujet Z mais aussi à son entourage propre, notamment à ses parents, on peut se rendre compte que les principes d’éducation et de socialisation sont profondément différents et ancrés dans chaque culture. Pour comprendre d’où viennent ces différences de comportements, à la fois dans la société et dans l’entreprise, il faut repartir de la base :
• la famille, premier agent de socialisation, au sein de laquelle les modes d’éducation diffèrent.
• le degré d’autonomisation du consommateur Z dans la société.

LES PARENTS : UNE CLÉ D’ENTRÉE POUR COMPRENDRE LES DIFFÉRENCES CULTURELLES DES JEUNES CONSOMMATEURS Z

Les parents transmettent à leurs enfants des principes d’éducation et de socialisation profondément ancrés dans leurs cultures et leurs racines identitaires. Ainsi, les jeunes issus de la génération Z adoptent des comportements d’achat et de consommation différents, selon les cultures auxquelles ils sont attachés.

Selon la théorie de l’attachement (Bowlby, 1969 ), les parents sont la première figure d’attachement pour l’enfant : ils représentent le premier support à partir duquel le bébé peut explorer le monde avec confiance. La théorie de l’attachement est conditionnée par le contexte culturel. Prenons l’exemple de la poussette : des conceptions et des pratiques relatives à la culture de la poussette s’observent entre les parents issus de différentes cultures. Alors que la poussette s’avère intournables pour les jeunes parents occidentaux, les parents asiatiques (les Thaïlandais), africains (les Kenyans) ou encore du sud de l’Amérique (les Brésiliens) évitent d’utiliser la poussette pour des raisons non seulement économiques, pratiques (routes impraticables) mais aussi culturelles. Le portage du bébé est une nécessité dans les pays marqués par une culture collectiviste favorisant un lien d’attachement fort avec l’enfant (caregiving) puisque le portage stimulerait la production de l’hormone de l’attachement.

Plus généralement, la relation parents-enfant diffère selon les normes culturelles et selon les pratiques en matière d’éducation des enfants. Si la principale mission des parents, au travers du monde, est de transmettre des compétences, des habiletés et des valeurs à leurs enfants, les méthodes de socialisation et les modes d’éducation diffèrent d’un pays à l’autre. Lorsqu’on observe le Z au sein de sa famille, on s’aperçoit qu’il occupe une place plus ou moins forte selon qu’il est européen, américain ou asiatique.

Si on analyse tout d’abord les pays d’Asie, les relations entre les parents et les enfants sont hiérarchisées. Chacun a sa place et chacun reste à sa place. Par exemple, en Chine et au Japon, les parents ont le devoir de gérer l’alimentation, l’éducation ainsi que le bien-être de leurs enfants. Le sujet Z respecte la hiérarchie et les décisions prises par ses parents. Les parents cherchent à protéger leur enfant, en développant une relation reposant sur l’interdépendance et l’autorité. Au contraire, dans les pays d’Occident, relatifs aux pays d’Europe de l’Ouest, aux Etats-Unis et au Canada, les parents accordent à leur enfant une certaine liberté. Les relations parents-enfants ne sont pas basées sur des relations hiérarchiques et autoritaires, mais plutôt sur des relations égalitaires. On peut comprendre alors pourquoi les stratégies de négociation bilatérales comme le raisonnement ou l’offre de participation aux frais d’un article sont jugées très efficaces par les jeunes issus de pays à culture individualiste. En revanche, dans les pays à culture collectiviste, les stratégies de négociation unilatérales utilisées par les jeunes, reposant sur des techniques de persuasion et des techniques émotionnelles, sont jugées plus efficaces.

Au vue de la littérature consacrée du domaine de la relation parents – enfants et de la prise de décision familiale dans les différentes cultures, nous pouvons constater qu’un problème méthodologique est soulevé, à savoir le choix des unités d’échantillonnage. Au préalable de l’étude de marché, le marketer doit se poser la question de savoir s’il doit baser son étude marketing sur l’avis des enfants/ adolescents Z ou bien de la dyade père/ Z ou mère /Z, voire même de la triade père/mère/ Z. Nous préconisons de choisir la méthode adaptée en prenant en considérant l’importance de la culture.
Dans le domaine de la consommation, les jeunes issus de pays ayant une culture individualiste ont pris une sorte de pouvoir et ont très souvent une influence sur les décisions d’achat familial, que ce soit pour l’achat de produits les concernant directement (céréales, vêtements), l’achat lié à l’activité familiale (vacances, restaurant), ou encore l’achat de biens durables et onéreux (nouvelle voiture, électroménager). Très souvent, les parents sollicitent leurs enfants, demandent leur avis et les écoutent pour prendre leurs décisions d’achat. Dans d’autres cultures collectivistes (Asie, Afrique, certains pays d’Amérique latine…), le sujet Z est peu pris, voire pas pris, en considération dans la prise de décisions d’achat familial.

Dans les pays occidentaux marqués par une culture individualiste, les marketers ont tout intérêt à reconnaître le Z comme un être compétent, capable de reconnaître les tenants et aboutissants de la recherche, et donc à même d’accepter ou non sa participation à l’enquête. Le Z étant défini comme un participant actif au cœur du processus de recherche, les marketers doivent demander formellement au sujet Z son accord de participer ou non à l’enquête plutôt que de solliciter uniquement l’accord des parents. *

Dans les pays asiatiques marqués par une culture collectiviste avec une forte dépendance des enfants à l’égard de leurs parents, le Z apparaît comme un consommateur vulnérable qui semble incapable de déceler les conséquences de sa participation à une enquête. Les marketers doivent alors veiller à obtenir au préalable le consentement des parents et à interroger les parents afin de croiser les données entre ce que disent les jeunes consommateurs Z avec ce que disent leurs parents. Les marketers doivent considérer les parents, issus de cultures collectivistes, comme des experts pour comprendre les comportements d’achat et de consommation de leurs enfants. Dans cette optique, les marketers, analysant les jeunes consommateurs issus de cultures collectivistes, devraient développer une procédure d’étude de marché en plusieurs étapes, commençant par une phase d’apprentissage et de mise en confiance réalisée grâce aux parents: on commence par interroger la mère/ le mère en présence son enfant, de manière à ce que la mère/ le mère puisse bien comprendre les consignes et le fonctionnement du questionnaire, puis après quelques questions, la mère/ le père fait semblant de ne avoir l’information. La mère/ le mère sollicite alors l’aide de son enfant, qui va peu à peu la remplacer complètement.

LE Z : UN CONSOMMATEUR UNIFORME ?

La prise d’autonomie est reconnue comme une caractéristique de la nature humaine, notamment au moment de l’adolescence, ce qui en fait donc également un concept universel. La finalité de toute espèce humaine est de savoir se débrouiller seul, même si l’autonomie peut prendre des colorations différentes selon les cultures.

Plusieurs études en marketing que j’ai menées ont démontré l’impact de la culture sur la relation entre la prise d’autonomie de l’adolescent et la consommation. Les pays occidentaux, ayant une culture individualiste, accordent de l’importance à l’indépendance et à la sphère publique (comme la réussite dans la société), plus qu’à la sphère privée (la famille). En revanche, au sein des pays avec une culture collectiviste, les parents jouent un rôle «protecteur» et accordent une place essentielle aux valeurs familiales.

Ces jeunes consommateurs Z sont plus fortement dépendants de leurs parents lorsqu’ils pratiquent les activités de shopping. Ces adolescents ont besoin de leurs parents pour les aider à prendre leurs décisions d’achat. Si on analyse plus profondément ces différences de comportements de shopping, on observe des comportements bien spécifiques chez les jeunes consommateurs issus de pays à culture individualiste, comme les Etats-Unis (le besoin de retourner au magasin avec les parents, le besoin de confirmer le choix des vêtements par les parents, le besoin d’avoir l’opinion des parents avant l’achat), qu’on ne retrouvera pas chez les jeunes consommateurs issus de pays à culture collectiviste, tels que la Chine, le Brésil (comme la volonté de faire du shopping sans présence des parents, le refus de réclamer de l’argent aux parents). Ainsi, les jeunes consommateurs Z issus des pays de culture individualiste ont plaisir à faire du shopping puisque cela leur donne l’opportunité d’affirmer leur autonomie vis-à-vis de leur famille.

Un de mes précédents articles parus dans Survey Magazine démontrait que la segmentation uniquement par l’âge pour étudier le marché des adolescents est réducteur, inefficace et risque de fausser le positionnement des marques qui n’intègre pas les codes de consommation des jeunes. A l’heure où la méthode de segmentation classique des jeunes par l’âge est remise en cause, d’autres approches centrées sur le degré d’autonomisation voient le jour.

Cette proposition de segmentation selon l’autonomie permet de repenser la relation des marques et des entreprises avec les jeunes consommateurs Z, en mettant davantage l’accès sur le besoin de construire sa propre personnalité vs le besoin d’interdépendance. Pour répondre au besoin d’autonomisation des jeunes issus des pays à valeur individualistes, les marketers peuvent jouer sur la valeur symbolique de la marque, en montrant aux jeunes la possibilité de revendiquer leur autonomie grâce à la marque. Par exemple, UCPA, Nike, Adidas ou encore Quiksilver s’intéressent au besoin d’autonomisation vis-à-vis de la famille pour cibler le marché de la génération Z aux Etats-Unis et en France. En revanche, pour répondre au besoin d’interdépendance des jeunes issus des pays à valeur collectivistes, les marketers devraient jouer sur le « partnership » en donnant des arguments qui parlent autant aux parents qu’aux enfants. Prenons l’exemple de Signal, avec sa compagne de communication et son site internet placés sous la bannière « Twice a day » (montrant l’importance de se laver les dents deux fois par jour). Signal a choisi de mettre en scène des enfants et des parents en train de filmer ensemble le brossage de dent.

Etudier la génération Z comme une cible globale doit être appréhendée avec d’infinies précautions. Les jeunes consommateurs issus de la Génération Z n’ont pas des comportements uniformes, qui se retrouvent à l’identique dans le monde. Les parents transmettent à leurs enfants des principes d’éducation et de socialisation profondément ancrés dans leurs cultures et leurs racines identitaires. Ainsi, les jeunes adoptent des comportements d’achat et de consommation différents, selon les différentes cultures auxquelles ils sont attachés. La clé de la réussite est de miser sur un jeu dual entre deux composantes interconnectés et interdépendantes, composées des variables de local et de global, afin de cibler les jeunes consommateurs Z par des stratégies marketing adaptées à chaque pays.