Avec l’extension rapide de l’Internet et la généralisation des enquêtes en ligne, les débats qui ont animé les débuts du CAWI semblent maintenant bien archaïques. En effet, on ne se demande plus aujourd’hui s’il faut ou non utiliser le web pour les enquêtes ou si les échantillons sont vraiment représentatifs. En revanche, on s’interroge sur la manière d’améliorer les taux de participation et d’assurer la fiabilité des réponses données.
Avec la pratique, on commence à comprendre qu’Internet n’est pas
vraiment un support comme un autre. En effet, contrairement au
face-à-face et au CATI, le répondant à un questionnaire en ligne se
retrouve seul, sans médiateur entre l’enquête et lui-même. Le succès
de l’investigation dépend donc en grande partie de ses perceptions
et de son attitude face au questionnaire qu’on lui propose.
Un temps focalisés sur la technologie et le support, les
professionnels commencent donc à adopter une “orientation répondant”
en cherchant à améliorer l’ergonomie des questionnaires et la
communication avec les personnes sollicitées.
Des questionnaires plus ergonomiques
Les premiers questionnaires en ligne ne brillaient pas par leur présentation et leur interactivité. Les répondants se retrouvaient parfois avec d’immenses pages de questions qu’ils devaient faire défiler ou alors une succession interminable d’écrans qu’ils devaient enchaîner sans savoir où ils en étaient. L’ensemble s’affichait dans une mise en page souvent sommaire.
Il faut dire que les utilisateurs précoces du CAWI avaient déjà fort à faire avec l’apprentissage de la nouvelle technique de questionnement pour s’intéresser à ce qui pouvait passer alors pour secondaire. Il est vrai aussi que la qualité de ce que l’internaute pouvait voir il y a quelques années sur la toile était bien éloignée de ce à quoi nous sommes habitués aujourd’hui avec les mises en pages soignées des sites actuels, l’interactivité omniprésente, les animations, la vidéo, le son, …
Avec l’élévation du niveau d’exigence de l’internaute, les taux de réponse à des questionnaires “ringards” (comme on en voit pourtant encore) ne pouvaient que baisser. Le contenant pour le répondant étant devenu aussi important que le contenu pour le chargé d’enquête, il était essentiel de rendre les questionnaires plus agréables, plus ludiques et plus interactifs.
Meilleure présentation
Pour répondre à ce besoin les meilleurs outils de création de questionnaires on-line avec notamment leur chef de file NET-Survey (de l’éditeur Soft Concept) ont intégré des fonctionnalités permettant d’obtenir sans effort des présentations de qualité : modèles globaux permettant à l’utilisateur de choisir l’une des présentations professionnelles fournies et de l’appliquer automatiquement à toutes les pages de son questionnaire, gabarits permettant de mettre en forme automatiquement les différents objets qui composent le questionnaire (questions, réponses, tableaux, textes, boutons de navigation…) dans des présentations soignées (ex : alternance de couleur pour les lignes d’un tableau, puces graphiques, association d’images aux questions et aux réponses, …).
Caractère ludique
De nombreux efforts ont également été faits dans l’optique d’offrir aux répondants un environnement amusant et incitatif. Ainsi, sont nés les curseurs que l’on commence à rencontrer dans les questionnaires web et qui permettent au répondant d’exprimer sa réponse en faisant glisser un curseur le long d’une barre : chaque position du curseur correspond à une image qui est elle-même associée à une réponse ; l’image change selon les mouvements du curseur (ex : smileys de couleurs différentes, jauges, etc.).
Certains logiciels ont également intégré la possibilité de remplacer des questions par des images à zones sensibles (image-map) : le répondant peut choisir une réponse en cliquant sur l’une des zones sensibles. Chaque zone est associée à une réponse qui s’affiche en superposition lorsque la zone est cliquée. Cette possibilité est utile notamment pour afficher des cartes géographiques, des plans de magasins, des pages de catalogues, des échelles de graduation, etc.
Enfin, pour accentuer encore le côté ludique, il est même devenu possible dans certains produits de faire appel à un assistant animé qui vient se superposer à la page web et se livre à des actions définies (annoncer, expliquer, féliciter, etc.), le tout avec des bulles d’aides (muettes ou sonores !) qui peuvent expliquer au répondant ce qu’il doit faire ou lui apporter des précisions sur certaines questions.
Déroulement interactif
C’est cela qui manquait le plus aux premiers questionnaires et qui se traduisait par de faibles taux de retours et des questionnaires incomplets.
Avec l’évolution technique, les nouveaux questionnaires prennent maintenant en compte les réponses de l’interviewé de manière dynamique et s’adaptent en temps réel. Il ne s’agit pas seulement d’enchaîner correctement les différentes pages du questionnaire en les filtrant selon les réponses données mais aussi de l’affichage ou du masquage dynamique de tout ce qui ne concerne pas le répondant. Les premiers systèmes évolués permettaient de griser des questions. Les outils les plus récents permettent d’ouvrir dans le questionnaire une zone de précisions ou de questions complémentaires dès que l’on clique sur une réponse. Ces contrôles avancés permettent d’optimiser la taille du questionnaire et donnent au répondant l’impression qu’il est plus court et plus adapté à son cas.
De même, pour éviter que le répondant ne se lasse et n’abandonne l’interview en cours de route, on s’attache maintenant à l’informer et à le guider en permanence en fonction des actions qu’il entreprend. C’est pour cela que les barres de progression se sont généralisées, indiquant sur chaque page le niveau où l’on se trouve et ce qui reste à faire.
Une communication “humanisée”
Lorsqu’on s’adresse à des répondants en face-à-face ou par téléphone, on entre en relation directe avec eux. L’effort de prise de contact est répété à chaque fois, sur un laps de temps total qui peut être important. Ainsi, un contact avec 1.000 personnes par téléphone peut prendre 1 semaine à un enquêteur.
A l’inverse, Internet permet un contact instantané avec les panélistes. Un mail de sollicitation adressé à 1.000 personnes peut être lancé en quelques secondes. En cas de problème (taux de réponse faible, réponses incomplètes…), on peut lancer une nouvelle sollicitation sans difficulté alors qu’on ne peut envisager de ré-interroger les personnes par téléphone ou en face-à-face. Cette facilité à joindre les répondants et l’automatisation de la relation avec eux peuvent faire oublier qu’on s’adresse de l’autre côté du tuyau à des individus qu’il faut intéresser et motiver pour obtenir des réponses de qualité.
Avec la pratique, les professionnels avertis se rendent compte que le risque principal de non-qualité dans les enquêtes en ligne se situe à ce niveau. Un répondant que l’on traite machinalement peut répondre machinalement, d’où des questionnaires bâclés, des réponses cochées au hasard et un taux de participation réduit. Le traitement de ce risque passe par une meilleure communication avec le répondant et une meilleure prise en compte de son ressenti.
Meilleure communication avec le répondant
Le panéliste est un partenaire qui a accepté d’apporter ses réponses en échange d’une gratification (pas forcément financière). Il est important qu’il se sente reconnu et valorisé. Plutôt que des mails non personnalisés envoyés en masse, il est préférable de s’adresser à chacun de manière individualisée. Les modules de sollicitation des logiciels les plus évolués permettent aujourd’hui d’effectuer cette personnalisation des messages, du nom du destinataire et éventuellement des liens. Ainsi, le panéliste a le sentiment d’être contacté personnellement et peut, d’un clic, se retrouver sur une page d’accueil personnalisée d’introduction au questionnaire ou dans sa “zone panéliste”, etc. Il est également important que le champ expéditeur contienne un nom, avec une adresse de retour valide à laquelle le panéliste peut retourner un mail en cas de problème.
Le respect de l’interviewé impose également qu’on ne lui pose pas plusieurs fois les mêmes questions d’une enquête à l’autre, qu’on respecte les engagements pris en matière de durée et de contenu du questionnaire, qu’on n’interrompe pas un questionnaire en cours de route sans explication claire et message d’excuse (pas seulement “Désolé, vous êtes hors quota !”). Certains professionnels préfèrent d’ailleurs poursuivre les enquêtes même hors quotas plutôt que d’exaspérer et de perdre une partie de leurs panélistes. Car le coût de conquête d’un nouveau panéliste peut être bien supérieur à la gratification ainsi dispensée.
Meilleure prise en compte de son ressenti
Le concepteur d’un questionnaire web est comme un architecte ou un informaticien. Ce qu’il produit ne peut être optimal que s’il se met à la place de l’utilisateur final.
C’est ainsi qu’on comprend qu’il faut éviter les questionnaires trop longs (pas plus de 10 minutes), les batteries de questions identiques, les textes trop longs, les libellés peu clairs, etc.
L’éloignement de l’interlocuteur et la facilité de conception des questionnaires web avaient fait oublier ces règles classiques du questionnaire. Avec l’expérience, on revient au bon sens, en produisant des questionnaires auxquels on aimerait soi-même répondre.
Toutes les évolutions que nous avons décrites ci-dessus vont dans le bon sens et donnent l’impression d’une maturation de la technique des questionnaires en ligne.