Bien qu’ils forment une cible de clientèle privilégiée, les professionnels éprouvent des difficultés à cerner la complexité des motivations et des comportements de consommation de la nouvelle génération Z. Les Z, regroupant les individus nés après 1995 (qualifiés de « digital natives »), sont des consommateurs difficiles à cerner car ils présentent diverses spécificités en matière de consommation : ils adoptent une attitude volatile vis-à-vis des marques, ils maîtrisent les fondamentaux en matière de promotions, ils sont particulièrement bien informés avant l’achat grâce à leur expertise sur Internet, ils sont hyperconnectés, achètent en ligne grâce à leur smartphone et échangent sur les réseaux sociaux… En réalité, le consommateur Z est bien plus complexe que le laissent présager ces préjugés. C’est un consommateur aux aspirations contradictoires : quête d’autonomie et besoin de dépendance, compétent mais influençable, hyperconnecté mais besoin d’authenticité et de face à face… Si tout simplement une des clés pour séduire la Génération Z reposait sur l'intelligence artificielle (IA), en plein essor à l’aube de cette nouvelle décennie ?
D’après l’étude « iLife » de l’agence de communication BETC Digital menée auprès de 12 000 adultes issus de 32 pays, plus de 55% des jeunes dans le monde pensent que l’intelligence artificielle sera bénéfique pour la société. Une autre étude réalisée par Job Teaser sur les perceptions, utilisations des différentes générations de français via l’IA a montré que sept français sur 10 se montrent favorables à son développement et intégration dans la société. La génération Z, en France, est la plus enthousiaste (82% contre 72% pour la génération Y et 66% pour la génération X). Les jeunes de 18 à 27 ans, pour 72%, ont l’intention d’utiliser prochainement les outils d’IA dans le cadre de leur travail ou de leur étude. La génération Z nous invite à réfléchir à l’impact de l’intelligence artificielle, à la fois dans le domaine du retail et des modes de management en entreprise.
Les Z ont de nouveaux schémas de consommation : 95% des Z qui achètent un produit le postent sur les réseaux sociaux pour le partager et 94% d’entre eux deviennent fidèles à une marque qu’ils estiment authentique sur le plan des valeurs sociales et environnementales. Les Z cherchent la conformité avec le groupe, mais sont également paradoxalement adeptes de la « customisation » des produits et de la personnalisation des usages. L’achat en ligne répond à un besoin grandissant de personnalisation qu’ont les Z. Acheter des produits sur Internet leur permet de trouver des produits « uniques », différents des autres, afin de marquer leur propre personnalité. Le consommateur Z est à l’affût de produits qu’on ne retrouve pas dans les magasins situés dans la zone de chalandise de ses pairs. Ceci explique pourquoi près de 80% des consommateurs Z déclarent être favorables au fait que les marques s’adressent à eux en leur proposant des publicités et des offres personnalisés grâce à l’intelligence artificielle et 70% d’entre eux s’attendent à vivre la personnalisation en ligne. Néanmoins, la convergence entre le besoin de personnalisation des achats de la génération Z et leur réceptivité aux publicités en ligne nécessite une vigilance accrue. L'enquête FFO/ Ipsos pour la Fédération française d’orthodontie illustre cette problématique avec des chiffres significatifs : 13 % des Français, et 22 % des 25-34 ans ont utilisé des aligneurs dentaires, souvent suite à des campagnes marketing en ligne. Cette tendance à l'auto-prescription, malgré la reconnaissance de l'importance de consultations professionnelles, met en évidence le risque lié à l'achat impulsif de produits de santé en ligne. Cela souligne l'importance d'une approche responsable et critique envers les publicités personnalisées, particulièrement chez les jeunes consommateurs actifs sur les plateformes numériques. Lorsqu’on demande aux jeunes consommateurs où est la valeur ajoutée de l’IA dans l’amélioration de la performance, le prédictif suivi de la personnalisation arrivent en tête. La notion de personnalisation, qu’il s’agisse de la personnalisation du produit, de la communication, du parcours d’achat et de l’expérience client, devient une nécessité pour les marques dans la mesure où l’intelligence artificielle le permet. Les Z comprennent également que l’IA permet surtout d’établir de meilleures prédictions comportementales.
Bien que l’IA constitue un fer de lance du progrès, les Z continuent à accorder une importance particulière au magasin, qui est, à leurs yeux, un vrai champ de socialisation et d’expériences. Ils sont tributaires des commerces physiques, de l’écosystème magasin. Magasins physiques et intelligence artificielle forment une « alliance gagnante ». A l’heure où les Z sont en quête de réponses instantanées, les enseignes misent sur le chatbot, en complément de l’humain. D’après l’étude Botnation AI , 65% des jeunes français ont testé et approuvé les chatbots et 70% d’entre eux déclarent être prêts à acheter des produits et des services via un chatbot. Le site Chatbots Life déclare que les « Z préfèrent même les chatbots parce qu'ils ne montrent pas leur mauvaise humeur, ils sont gentils et prêts à aider quand ils en ont besoin. ». La SNCF, Orange, la Fnac, Ikea ou encore Sephora ont déployé par exemple leurs propres chatbot. Les chatbots s’étendent jusqu’à la médecine, ils ne peuvent pas prendre la place des vraies médecins mais ils facilitent leurs taches dans l’assistance médicale. L’utilisation de ces agents virtuels sont des aides non négligeables pour les soins, car ils conseillent des astuces et des traitements simples et efficaces afin de ne pas recourir à l’hôpital pour un simple trouble. Citons par exemple Smart Alfred, le bot de santé qui est presque un ami et un conseiller réel qui vous dictera les activités liées à la santé que vous devez réaliser (activités sportives, physiques, rendez-vous chez le médecin).
Les outils d’IA ont également le vent en poupe auprès des étudiants du supérieur, 66% d’entre eux déclarent en effet les avoir utilisés une fois au moins dans le cadre de leurs études. D’après une étude de Dell Technologie publiée en Janvier 2023, plus de la moitié des jeunes Français estiment que l’école ne leur a pas permis d’acquérir les compétences numériques nécessaires pour leur vie professionnelle. Les jeunes reconnaissent la nécessité de développer des compétences numériques pour leur future carrière, d’où la mise en œuvre d’écoles d’ingénieurs experts en informatique, robotique et domotique, telles que l’ESIEE-IT.
Pour les Z, l’IA ne doit pas remplacer l’humain
Selon la dernière étude de Job Teaser publiée en Février 2023 , la Génération Z est la génération la plus inquiète, avec 61% d’entre eux, craignant l’impact du développement des outils d’IA sur leur carrière (contre 55% pour les Y et 33% pour les X). Les jeunes de 18 à 27 ans tendent même à être les plus sévères quant à l’utilisation de l’IA puisque 62% d’entre eux considèrent son utilisation comme de la tricherie et 60% réclament son interdiction. Près de deux tiers (61%) des 18-27 ans interrogés déclarent être menacés par l’impact potentiel de l’IA sur leur travail ou leur carrière.
L’enjeu de l’IA réside dans la transparence et soulève des questions éthiques. C’est d’ailleurs ce qui préoccupe le plus les jeunes aujourd’hui : ils demandent plus de transparence et d’éthique concernant l’utilisation de l’IA. Ils révèlent que l’IA peut être un handicap dans le bon fonctionnement des rapports humains. Des rapports humains qu’ils jugent indispensables en entreprise: l’esprit d’équipe (28,8%) est le premier levier de la fidélisation de la génération Z, avant même le salaire ou la volonté de travailler à l’international . Bien que l’IA soit de plus en plus prisée par les entreprises pour recruter, le recrutement n’est pas qu’une question d’outils. Si l’IA permet de gagner en efficacité, elle présente un risque d’uniformisation et de déshumanisation. Paradoxalement, face à cette digitalisation qui envahit les pratiques de recrutement, il y a une véritable transformation culturelle et de réhabilitation des fondamentaux : on revient sur l’Homme. Il faut penser la digitalisation comme un progrès facilitant les tâches, et non comme un processus de déshumanisation irréversible. On est face à une génération Z qui est à la fois ultra-connectée mais aussi en quête de sens et d’humanité. Selon la Génération Z, le rôle du recruteur est de mettre en place un recrutement à la fois digital, mobile, agile et surtout humain, où le jeune candidat reste au centre des attentions.
Le droit à la déconnexion face aux enjeux de l’IA
La génération Z est une génération consciente, qui est née avec le digital et les réseaux sociaux numériques, qui a profité de leur utilisation et qui aujourd’hui en subissent aussi les conséquences. Des études scientifiques récentes sur le sujet étayent l’idée qu’une nouvelle forme d’addiction technologique voit le jour : l’addiction au smartphone (connue sous le terme de nomophobie), qui touche de plein fouet la génération Z. Une recherche en 2018 parue dans la revue Computers and Education sur la dépendance des jeunes au smartphone, montre que 78% des moins de 25 ans reconnaissent être accros à leur mobile. Et si demain, ces Z se retrouvaient face à un assistant virtuel qui assurerait la gestion de leur quotidien. Et si demain, ils devenaient aussi dépendants à l’intelligence artificielle ? Plus de 20 % des foyers possèdent déjà au moins une enceinte intelligente, ce qui suscite des questionnements. Les enfants et adolescents issus de la Génération Z devraient-ils, par exemple, s’adresser poliment à des assistants IA ? Les parents peuvent se montrer inquiets face à la possibilité qu’une IA se mêle un peu trop à la vie de leurs enfants : c’est comme si le cerveau de l’enfant pourrait entrer en compétition avec l’IA. Des études médicales ont montré qu’avec l’avènement du digital, les Z ont gagné en aptitudes cérébrales en termes de vitesse et d’automatisme, au détriment parfois du raisonnement et de la maîtrise de soi. Les nouveaux outils numériques et le balayage de l’information contribuent à modifier le fonctionnement de notre mémoire, de notre attention et plus particulièrement de notre intelligence. A plus long terme, si les enfants ont un accès continu, illimité à une voix qui sera toujours présente pour répondre à leurs interrogations, pourquoi feraient-ils l’effort de chercher une réponse à leur propre questionnement ? L’intelligence artificielle peut être à double tranchant si elle n’est pas maîtrisée. Cet article montre l’importance de définir une politique de développement de l’IA au service de l’épanouissement des capacités des enfants et des adolescents, et combien notre responsabilité, en tant que parents, managers, et citoyens, est importante à l’heure de choix qui, sans nul doute, engageront l’avenir de nos enfants pour longtemps.