Interview
Didier Caylou et Frédérique Nicolas, Directeurs Associés à l’institut d’études Audirep
Didier dirige le département Banque Finance Assurance, et Frédérique le département Etudes Qualitatives.
Survey-Magazine : Satisfaction client, où en sommes-nous ?
Didier Caylou : La satisfaction client, et plus largement la relation client, sont des sujets sur lesquels Audirep est en perpétuelle réflexion. Au cours des dernières années, on a un peu oublié de réfléchir à l’évolution du contenu des mesures et aux indicateurs correspondants. C’est pourquoi, nous avons engagé une réflexion sur ce sujet, appuyée sur une étude en deux volets qualitatif et quantitatif. Les innovations dans ce domaine ont principalement concerné le déploiement des nouveaux moyens de collecte comme le web et le mobile, qui ont permis le développement de l’interrogation in situ et la mesure de satisfaction à chaud. Notre propos n’est pas de « casser » les mesures actuelles, pour préserver les approches barométriques, mais bien de les prolonger et les enrichir par d’autres mesures et analyses, selon un système modulaire.
Quels enseignements majeurs tirez-vous, notamment le lien entre Emotions et Satisfaction ?
Frédérique Nicolas : Le niveau de reconnaissance perçue par le client lors d’une expérience d’achat ou de contact, est une conséquence-clé et un révélateur fort de son niveau de satisfaction. Le fait d’obtenir satisfaction conduit le client à se sentir reconnu et valorisé par la marque ou l’entreprise, ce qui est fondamental pour la construction de sa fidélité à court, moyen et long terme. Au-delà, la satisfaction correspond au dénouement d’une tension (vers un but que l’on s’était fixé) et corrélativement à un état émotionnel qui est ancré sur 3 composantes fortes : la joie, l’apaisement et la confiance. Par essence, les émotions sont volatiles, d’où la nécessité d’entretenir un état émotionnel positif, via la répétition de postures, de gestes, marquant la volonté de la marque ou l’entreprise de maintenir une relation avec le client encourageant sa satisfaction.
Satisfaction à chaud, satisfaction à froid : n’y aurait-il pas une autre température possible ?
Didier Caylou : Notre étude montre l’importance de l’impact des souvenirs d’expérience avec la marque – négatives ou positives (on parle alors de traces mémorielles) – et plus encore de leur répétition. Un consommateur ne se pose la question de savoir s’il est ou non satisfait d’une marque ou d’une entreprise que lorsqu’il a vécu un évènement avec elle (satisfaction « à chaud »). Par conséquent, ce que l’on appelle communément la satisfaction « à froid » ne correspond pas en tant que tel à une préoccupation du consommateur ; tant qu’il n’a pas matière à juger, il ne ressent pas spontanément le besoin d’exprimer son opinion. Et pourtant l’historique de ses expériences avec l’entreprise nourrit son opinion à son égard : le ressenti généré par un évènement laisse une trace durable sur les opinions ; la répétition d’expériences positives ou négatives amplifie considérablement ces mêmes opinions. Si des évènements positifs se produisent, la satisfaction des clients augmente de 20%, si des évènements négatifs se produisent, la satisfaction des clients diminue de 25% (selon notre étude exclusive Audirep menée au printemps 2016 auprès d’un échantillon de 1 000 personnes représentatives de la population Française). Il est par conséquent utile, dans les baromètres de satisfaction « à froid », de mesurer la trace mémorielle des évènements passés qui ont plus ou moins marqué le consommateur pour bien comprendre son opinion. Il s’agit en quelque sorte de monter la température de la satisfaction mesurée de « à froid » à « à tiède » !
Vous avez également revisité la notion de taux d’effort ?
Didier Caylou : Lorsque l’on parle de satisfaction client, il est impossible de ne pas citer les indicateurs connus, diffusés et éprouvés tels que le Customer Effort Score et le Net Promoter Score. Un des premiers axes d’investigation a été d’enrichir ces indicateurs traditionnels. Prenons l’exemple du Customer Effort Score. L’indicateur souligne bien l’effort fourni par le client lors d’un acte d’achat mais omet totalement la perception qu’il a de l’effort fourni, en parallèle, par l’entreprise. D’où la nouvelle notion de « double taux d’effort » validée par notre étude, qui rééquilibre la relation cliententreprise en prenant en considération l’effort fourni par l’entreprise pour délivrer le produit, le service et la meilleure expérience possible.
En résumé, quelle est la démarche d’Audirep en matière de satisfaction liée à l’expérience client ?
Didier Caylou : Nous avons développé de nombreux indicateurs de mesure de satisfaction client « à chaud », « à froid » et « à tiède » au-delà des indicateurs évoqués précédemment (double taux d’effort, trace mémorielle, émotions…). Il s’agit des indicateurs de confiance, qui est une nouvelle approche de mesure de l’importance des critères de satisfaction et l’analyse des interactions entre critères. Nous capitalisons également sur les ressources de l’analyse qualitative dans le traitement des questions ouvertes.
Vous avez ainsi souvent recours au qualitatif ?
Frédérique Nicolas : Oui tout à fait. Nous insistons sur l’utilité des questions ouvertes dans les mesures de satisfaction, sans toutefois en exagérer le nombre. Outre leur apport d’informations extrêmement utile, nous constatons également leur rôle « symbolique ». Elles suggèrent aux répondants la volonté de dialogue de la part de la marque ou de l’entreprise. Les répondants se sentent écoutés et libres de s’exprimer. Les chiffres le prouvent : plus d’une personne interviewée sur deux répond spontanément et de façon volontaire à une question ouverte, notamment si placée en début de questionnaire. Nous sommes d’ailleurs souvent surpris de la qualité des propos et de la richesse des arguments. Les progrès des outils automatisés d’analyse sémantique permettent d’exploiter de mieux en mieux les contenus.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le système modulaire évoqué précédemment ?
Didier Caylou : Le système modulaire « Build your Sat’ » vise à intégrer « à la carte », en fonction du besoin de nos clients, ces nouveaux indicateurs et nouvelles analyses pour multiplier les angles d’approche de la satisfaction. Ces modules viennent alors s’ajouter au socle des mesures habituellement utilisées par la marque ou l’entreprise. Enfin nous avons amélioré notre environnement technique pour optimiser la conduite d’enquêtes de satisfaction, la présentation et la diffusion de leurs résultats. Le développement d’un outil dynamique de gestion interactive et en temps réel de la satisfaction clients – ICP pour Interface Consumer Piloting – nous permet d’interroger les clients au plus près de leur expérience avec la marque (génération automatique d’un questionnaire de satisfaction après chaque acte d’achat, de consommation ou de contact) et de disposer de résultats actualisés en permanence (plateforme électronique mettant à disposition tableaux de bord, rapports, alertes …).
Avez-vous des exemples de cas d’études à nous citer ?
En qualitatif, nous avons accompagné dernièrement un acteur du secteur des cosmétiques sur une étude shopper pour évaluer la satisfaction des clients face à l’offre et au merchandising. Nous sommes intervenus dans le point de vente, avec des approches combinant l’usage du smartphone, des entretiens très ouverts et des observations auto-filmées du parcours client. En quantitatif, nous agissons de même pour le recueil à chaud, in situ, en utilisant des supports de collecte mobiles (tablette, smartphone…). Nous sommes intervenus par exemple auprès d’un acteur majeur de l’assurance pour évaluer l’impact de son nouveau modèle d’agences physiques sur le parcours client.
POUR ALLER PLUS LOIN
Consultez le dossier en ligne (Les Fondamentaux, le vrai/faux de la satisfaction, Les français et le partage d’expériences de consommation, Les français et les enquêtes de satisfaction) proposé et réalisé par l’institut Audirep.
Un grand merci à Pascaline Morel pour tous ses conseils et
relectures.
Site audirep