Le concept d’expérience client a fait l’objet de nombreuses recherches depuis les travaux fondateurs d’Holbrook et Hirschman (1982). Adapté au consommateur postmoderne, l’expérience aurait pour vertu de créer du lien avec la clientèle et de se différencier par les émotions, les plaisirs et les interactions sociales qu’elle supporte. L’idée profonde de la perspective expérientielle est que la valeur pour le client ne procède pas seulement de l’utilité fonctionnelle fondée sur les caractéristiques d’un produit/service mais de l’expérience i.e. du résultat d’une interaction entre une personne, un objet et une situation de consommation. C’est donc dans les émotions qu’elle suscite et dans le sens que la subjectivité lui donne que se trouve la valeur de l’expérience. La finalité du marketing dans ces conditions est de piloter l’expérience client en créant des conditions de consommation qui produisent pour chacun la plus grande valeur ; cette valeur étant supposée être pour le consommateur une source de satisfaction.
Dans le secteur immobilier, le management de l’expérience client est d’autant plus important que l’achat immobilier est impliquant et anxiogène, et que ce secteur souffre d’un niveau de satisfaction bas, notamment dans le cas de la vente en état futur d’achèvement (VEFA). Aujourd’hui attaqués par de nouveaux acteurs dont la proposition de valeur répond mieux aux besoins actuels des consommateurs, les acteurs traditionnels de ce secteur sont menacés de disparition. Sans moyen pour recréer de la valeur et améliorer l’expérience, les start-up de la Proptech pourraient à l’avenir capter la demande. On comprend dès lors l’importance pour ces professionnels d’implémenter des contextes expérientiels susceptibles d’agir sur l’expérience vécue par le client.
Zoom sur… Proptech : Le terme "proptech" résulte de la contraction de "property" et "technology". Il désigne la vague d'entreprises qui disent tirer parti de la technologie afin d'améliorer ou de réinventer les services proposés par les acteurs traditionnels de l'industrie immobilière, tels que la transaction, la location, la construction, la gestion des actifs, etc. Cela dans le but de répondre aux usages et attentes des consommateurs qui, dans l'immobilier comme dans les autres secteurs de l'économie, ont considérablement évolué avec l'avènement des nouvelles technologies. Source : Journaldunet.fr
Les différentes ressources digitales (Smartphone, ordinateur, tablette, borne interactive, mobilier intelligent, écran interactif) et canaux digitaux (réseaux sociaux, sites, blogs) représentent un levier d’action intéressant pour profiler l’univers de l’expérience client. Ils dessinent, en effet, à la fois l’atmosphère de service (en stimulant les sens et les émotions), la nature des interactions (médiatisées ou non par la technologie) et les process de service (self-service, simplification et individualisation de la relation). Si l’atmosphère du point de vente (design, température, musique, odeur), ainsi que l’interface de service (personne en contact) sont des éléments structurant de l’expérience du consommateur, les technologies numériques offrent un potentiel important d’enrichissement de cette dernière.
L’idée d’une smart agence se réfère à la définition d’un contexte expérientiel centré sur l’utilisateur qui entrelace physique et virtuel pour délivrer une expérience enrichie par les technologies digitales : IOT, drones, big data, IA, réalité virtuelle et augmentée. La promesse d’une smart agence réside dans l’amélioration du parcours client : d’un point de vue fonctionnel en répondant aux attentes de simplicité, de fluidité, d’ubiquité et de gain de temps des clients ; d’un point de vue émotionnel en proposant des plaisirs hédoniques (expériences immersives et esthétiques) et des dynamiques relationnelles productives et gratifiantes (réseaux sociaux, relations de proximité). Conçue pour s’adapter aux nouveaux modes de vie, telle un hub, la smart agence se veut connectée (aux clients, à la communauté, aux partenaires, aux objets) pour créer du lien et répondre aux besoins d’interactions des acteurs. Agile (services sur mobile), sociale (Réseaux sociaux, proximité) et digitale (écrans tactiles, tablettes), elle cultive la transparence et l’esprit de service.
Pour mieux comprendre l’intérêt des technologies et leurs enjeux sur l’expérience du consommateur, revenons sur les caractéristiques de la transaction immobilière
L’achat immobilier une expérience émotionnelle anxiogène
Est-il besoin de préciser qu’en tant que projet de vie qui engage non seulement le patrimoine de l’individu mais aussi sa famille, l’achat immobilier est très impliquant financièrement, émotionnellement et psychologiquement. Rien d’étonnant au caractère anxiogène de cet achat si l’on considère l’asymétrie d’information sur la valeur des biens (marchés hétérogènes, évaluation complexe), le montant de l’investissement financier que représente un tel achat (plus gros investissement personnel d’une vie) et les conséquences que cet achat aura sur la qualité de vie d’un individu (voisins, bruit, pollution…). La difficulté de se projeter dans un espace que l’on ne s’est pas approprié ou qui n’existe qu’à l’état de plan (cas de la VEFA), ne fait que renforcer la peur de se tromper.
Cette expérience émotionnelle négative trouve sa source dans le risque perçu (pertes que l’individu envisage lors de l’achat d’un produit) et les regrets anticipés (inquiétudes qu’un individu éprouve par anticipation d’une perte éventuelle). Le regret étant une émotion négative intense que nous éprouvons lorsque nous réalisons que notre situation aurait pu être meilleure si nous avions fait un choix différent, on comprend sans peine que les individus soient averses aux regrets et tentent de les minimiser.
Dans le cas de l’achat immobilier le risque perçu et les regrets anticipés sont particulièrement élevés pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’il s’agit d’un achat complexe et difficilement réversible (coûts de transaction très élevés). Ensuite, parce qu’il met en jeu des montants importants alors qu’il existe une situation d’asymétrie informationnelle concernant la valeur du bien. Enfin, la mauvaise réputation/image des professionnels du secteur ne permet pas de mettre l’acheteur en confiance. Les pertes potentielles pouvant être très importantes, revendre son bien si celui-ci ne convient pas semble être une option difficilement envisageable. Il est dès lors important pour les professionnels de l’immobilier de gérer cette expérience d’achat en créant des contextes expérientiels favorables afin de réduire le niveau de risque perçu et de regrets anticipés et éviter ainsi l’abandon du projet d’achat.
Le besoin de présence et d’humanité qui entoure l’acte d’achat immobilier nécessite une mixité des points d’ancrage de l’expérience : physique, sensoriel et social
IA, services en lignes et simulateurs au service d’un parcours d’achat plus fluide
Les acheteurs de logements perçoivent souvent des lacunes dans les informations disponibles dont ils ont besoin pour prendre des décisions. Dans le cas de la VEFA, ce déficit d’informations est d’autant plus problématique que les clients n’ont pas la possibilité d’examiner physiquement le bien qu’ils projettent d’acheter. Ils déplorent également la complexité de la recherche immobilière, le manque de fluidité du parcours d’achat, la difficulté à scanner l’ensemble du marché et à recevoir des propositions d’offres adaptées.
Dès lors, l’intérêt le plus évident du Big Data et de l’IA est celui de produire de manière continue une information contextualisée permettant d’automatiser la décision dans des situations très spécifiques. Les données relatives au marché immobilier (prix, nombres de transactions, type de bien performances énergétiques…) aux clients (composition du foyer, projet immobilier, endettement) à l’environnement (commerces, établissement scolaire, transport) sont désormais facilement accessibles. Mais c’est dans la possibilité de projeter en temps réel une information spécifique et contextuelle pour que les acteurs prennent de meilleures décisions que réside la source de la valeur.
L’IA, le Big Data, les vidéos et images aériennes (drones) permettent de mieux répondre aux besoins du client en termes d’informations pertinentes, de propositions d’offres adaptées (appariement intelligent) et de simplification du parcours. Ces technologies enrichissent l’univers informationnel de l’acheteur dont l’utilité première réside dans la réduction du risque perçu. Mais ce n’est pas là leur seul avantage. Quand elles supportent les process de services (visites en ligne, prise de RDV automatique, serrures intelligentes, signature électronique, extranet, portail d’estimation de valeur, simulation de crédit) elles fluidifient aussi le parcours. Fini les échanges de mails chronophages pour convenir de l’heure et de la date d’une visite, les visites inutiles…Le développement de ces technologies ne seraient au fond rien d’autre qu’une réponse à la crise d’immédiateté. Cette vision utilitaire est toutefois réductrice et témoigne d’une mauvaise compréhension de leur situation d’usage.
Phygitalisation du point de vente, pour un parcours d’achat moins anxiogène
L’insertion des technologies digitales sur le point de vente soutient une dimension essentielle de l’expérience : celle de l’accompagnement émotionnel et psychologique du client. La phygitalisation du point de vente, recouvre cette idée d’intégration des ressources et outils digitaux à l’environnement physique afin de proposer au client une expérience plus riche, plus fluide et dans le cas d’une transaction immobilière moins anxiogène. Les technologies immersives (réalité augmentée) et virtuelles (homestaging, visites 3D) apportent de la pédagogie et du réalisme, pallient la difficulté des individus à se projeter et participent à son plaisir en stimulant les sens (vue, audition, touché).
L’intérêt de la mise à disposition de tablettes de simulation, et de façon plus globale d’outils digitaux réside ainsi moins dans l’enrichissement de l’environnement du service, que dans le fit émotionnel, résultat d’une expérience esthétique, agréable et stimulante à l’utilisateur. Dans le secteur immobilier, ce fit émotionnel est essentiel compte tenu de la spécificité de ce type d’achat. Il permet de rassurer le client et ce faisant réduit son anxiété.
Médias sociaux et IA, pour une proximité et une présence sociale renforcée
Bien que le point de vente soit un élément clé du contexte expérientiel, la communication, la nature de l’interaction et l’intensité interactionnelle choisie par l’entreprise participent également à sa définition et représente un élément important de valeur pour le client. Les réseaux sociaux et de façon globale les dispositifs multimédias interactifs (smartphone) qui connectent les clients à la fois à l'intérieur et à l'extérieur des limites du cadre physique offrent un levier intéressant pour augmenter l’intensité relationnelle et améliorer l’expérience. Le lien direct et constant avec le client permet d’amplifier la relation et d’étendre la notion de service. Par exemple, l’envoi d’alertes SMS sur les nouveaux biens ou sur les travaux réalisés dans le cas d’une copropriété permettent de s’insérer dans le quotidien des individus. L’intérêt de cette connexion permanente construit un sentiment collectif de présence et renforce la densité sociale. Cette densité sociale - qui au demeurant peut être soutenue aussi bien par des humains que par une intelligence artificielle - supporte des réponses émotionnelles, affectives et conatives favorables et affecte positivement l’expérience. L’intérêt des réseaux sociaux dans ce contexte est d’amplifier cette densité en créant du lien et un sentiment d’appartenance communautaire. Toutefois cette interactivité qui se déploie au-delà des frontières de l’entreprise ne sera source d’expériences positives que si les informations transmises sont suffisamment pertinentes et expertes pour donner lieu à un fit cognitif
La création de l’expérience de service s’inscrit ainsi dans une interaction systémique qui co-mobilise le personnel en contact et le client dans un contexte physique, digital et social. Assurer une expérience inédite nécessitera d’une part, de trouver un équilibre entre digital et humain pour construire des connections émotionnelles et de nouvelles formes de proximités et d’autre part, de veiller à l’appropriation par le client des technologies digitales.
L’expérience optimale, une problématique d’appropriation et de pertinence des technologies
Si les technologies offrent un potentiel important, celles-ci doivent être pertinentes, comprises et appropriées par les clients. Un manque de rapidité ou un contenu peu pertinent ou peu divertissant, des coûts d’apprentissage trop élevés, une perte de temps pour utiliser ces outils, ou un défaut de confidentialité peut entrainer des résistances voire détériorer l’expérience.
Pour atteindre le fit émotionnel (résultat d’une expérience agréable et stimulante) et le fit cognitif (résultat d’informations pertinentes et expertes), il convient de :
- Réfléchir à l’insertion des technologies dans le parcours client :
quelles technologies sur le site web, quelles technologies sur le point
de vente ?
- S’assurer que la technologie facilite et éclaire le choix du
client et ne soit pas sur consommatrice de temps…
- Veiller à ce que la technologie ne soit pas trop intrusive. Un
questionnaire en ligne pour évaluer la valeur d’un bien ou un formulaire
de recherche immobilière trop long ou trop intrusif ; une annonce mal
faite, un manque de fluidité dans les applications ou une mauvaise
ergonomie du site pourrait laisser des traces émotionnelles négatives.
- Tirer parti du Self Care sans abandonner le client. En effet,
l’automatisation des process a pour corolaire l’accroissement de la
participation du client dans la coproduction du service et donc la
coproduction de l’expérience.
- Accompagner le client et le former si nécessaire pour respecter
l’équilibre entre défi et habileté.
- S’assurer que les technologies proposées enrichissent bien
l’expérience en la rendant plus émotionnelle et stimulante. Ces
interactions digitalisées transforment dès lors l’expérience. Plus de
réactivité mais aussi moins d’humanité. En effet, fluidité, flexibilité
et réactivité de l’organisation rime avec assistant digital et expert à
distance.
Un équilibre devra donc être trouvé entre la mise en place de processus automatisés pour répondre à l’exigence d’immédiateté et la nécessité d’accompagnement et de présence humaine pour répondre à l’anxiété de l’acheteur ou du vendeur immobilier mais aussi à la frustration et au sentiment d’abandon que pourrait induire le Self Care.
En ombre chinoise se dessine l’idée d’expérience optimale dont la grammaire présuppose l’engagement des consommateurs et des compétences sans lequel aucun défi ne peut être pensé. Les conséquences marketing sont claires. Pour produire le niveau optimal de plaisir chez le consommateur, il convient de définir pour chacun un niveau d’enjeu et d’effort en adéquation avec ses capacités ou dit autrement d’ajuster les capacités au niveau de défi proposé.
On retiendra…
Les outils numériques et les applications clients sont le point d’ancrage de l’expérience client. En premier lieu, parce qu’ils permettent l’enrichissement et la personnalisation de la relation à travers notamment les médias sociaux, et les plateformes collaboratives (comme par exemple l’application Eugénie de Nexity). Une philosophie de l’usage se déploie avec en ligne de mire la création de liens et l’opportunité de construire un nouvel écosystème interactif et collaboratif. En second lieu, parce que ces outils rendent possible l’automatisation des process opérationnels pour une plus grande autonomie du client et une expérience plus fluide (Visite virtuelle, signature électronique, rendez-vous automatique permettent aux clients de faciliter l’organisation des visites d’un bien, d’améliorer le suivi et simplifier leur relation avec leurs clients… par exemple la dématérialisation de l’état des lieux permet de transmettre les rapports avec photo sous 48H). Enfin, parce qu’ils changent la façon de commercialiser un actif et de le mettre en valeur (visite 3D homestaging virtuel) qui stimule des émotions positives (divertissement).
L’expérience client peut ainsi se penser de façon virtuelle et distanciée à partir de la technologie (films, réalité augmentée par exemple) ou à partir d’expériences de proximité fondées sur l’atmosphère et l’interaction humaine. Le besoin de présence et d’humanité qui entoure l’acte d’achat immobilier nécessite une mixité des points d’ancrage de l’expérience (physique, social, et sensoriels) pour conduire au fit émotionnel et cognitif.
Le collaboratif a le vent en poupe pour améliorer l’expérience du copropriétaire
Qu’il s’agisse de solutions dédiées aux clients ou aux professionnels, de nouvelles plateformes émergent et font réfléchir promoteurs et syndics sur la façon de mieux servir leurs clients à travers des offres de services innovantes. Si le principal avantage de ces plateformes réside dans la simplification du parcours résident (partage en temps réel des informations), c’est dans la reconstitution des appartenances et du lien social que réside leur plus grande valeur.
L’application Eugénie de Nexity s’inscrit dans cette philosophie. Alliant services et solutions domotiques elle répond aux besoins fonctionnels du copropriétaire (information en temps réel, simplification des tâches, gain de temps, réduction des coûts et des risques) mais également à ses besoins affectifs et sociaux. La connexion de l’habitant à son logement via l’application permet un pilotage des paramètres de son logement (température, luminosité…) qui contribue à améliorer son confort de vie et la maîtrise de ses consommations énergétiques. Elle permet d’obtenir des informations utiles sur les projets d’aménagement, sur l’actualité culturelle et sportive de son quartier, sur les services de proximités (petites annonces : baby-sitting, covoiturage, bricolage, ménage). Elle fluidifie le parcours du client en simplifiant les démarches et la communication avec son syndic. Les informations sur les travaux ou les incidents concernant la copropriété peuvent être directement transmises en temps réel de façon bidirectionnelle entre le gestionnaire et le résident. Cette fluidité dans la communication est un levier de réactivité et d’efficience par élimination de la démultiplication des réclamations et des réponses induites. Mais sans doute est-ce dans la gestion des interactions du copropriétaire avec son environnement (voisins, quartier, gestionnaire de copropriété) que la plateforme apporte la valeur la plus intéressante. Cette mise en relation avec ses voisins recrée du lien et de la solidarité entre des individus de plus en plus isolés suite à l’effondrement des structures sociales traditionnelles.