La Netnographie
Depuis quelques années, le web 2.0 a permis aux internautes de s’exprimer librement et de participer activement aux contenus du web à travers les blogs, forums, tchat, réseaux sociaux, etc. On note aujourd’hui une véritable explosion du phénomène blogosphère en France : sport, littérature, mode, beauté, humour, décoration, voyages ou encore cuisine, on trouve des blogs sur tous les sujets possibles et imaginables.
La France est pourtant un peu en retard dans ce domaine, surtout en comparaison de ce qui se passe de l’autre côté de l’atlantique où les communautés en ligne se sont développées dès la fin des années 90. Cette nouvelle façon de communiquer entre consommateurs a d’ailleurs été étudiée par les américains quelques années avant nous.
Suite à ces premières études et au développement des communautés, les acteurs du monde des études ont rapidement décelé une véritable mine d’informations disponibles publiquement et facilement au sein de ces plateformes sur lesquelles les internautes, protégés par un écran, s’y confient sans pudeur et avec beaucoup de sincérité. Pour récupérer des insights pertinents sans terroriser les communautés, une méthode de recherche marketing a été spécialement inventée : la Netnographie.
Le concept
La netnographie est une méthode de recherche qui permet de mener des enquêtes qualitatives en utilisant l’outil internet. Principalement utilisée en marketing, elle est déjà scientifiquement prouvée et acceptée en dehors de nos frontières.
Le terme netnographie a été créé par Robert V. Kozinets, chercheur en marketing à l’université de York à Toronto, à la fin des années 90. A l’époque de sa conception, il la définissait comme suit : « Une nouvelle méthode de recherche qualitative qui adapte la méthode ethnographique à l’étude des cultures et des communautés qui émergent grâce aux communications automatisées ».
Aujourd’hui, cette méthode peut être définie comme une technique de recherche marketing qui permet d’analyser en détail les échanges au sein des communautés en ligne dans le but d’en libérer des thèmes principaux pour ensuite orienter précisément des actions reliées à la stratégie marketing d’une marque ou d’une entité.
Il est nécessaire de préciser que cette technique analyse seulement la communication écrite entre les membres. Les attitudes physiques et autres informations précises sur l’individu ne sont pas connues.
Netnographie et ethnographie
Le mot « netnographie » provient bien évidemment du terme « ethnographie » qui désigne une méthode en science sociale permettant d’étudier des populations déterminées. Les ethnographes intègrent physiquement des communautés ciblées. L’idée de la netnographie est de faire la même chose mais sur les réseaux virtuels en adaptant donc l’approche ethnographique aux nouvelles plateformes d’échanges en ligne. Aujourd’hui, ces deux méthodes se rejoignent au sein d’un même domaine marketing qu’on appelle « l’anthropologie de la consommation » dont le but est d’analyser en détail les comportements des consommateurs en s’intégrant parmi eux.
Les deux techniques sont toutefois très différentes quant à leur difficulté de mise en application. En effet, l’ethnographie présente une certaine complexité lors de sa mise en œuvre car elle nécessite beaucoup de temps, de moyens en termes de ressources humaines et financières. L’agissement nécessaire du chercheur au sein du groupe peut parfois conduire à biaiser les résultats. La netnographie, elle, dispose d’informations publiques et nécessite beaucoup moins de temps et de moyens. L’approche peut également être menée en toute discrétion si besoin, en ne perturbant pas l’ordre établi de la communauté analysée.
La méthode
1. Définition de la problématique
Comme lors de n’importe quelle enquête marketing, il est nécessaire de définir une problématique. Cette étape doit se faire en amont de la recherche. En effet, il apparaît évident qu’avant de rechercher quoi que ce soit, il faut savoir à quelle question cette étude va permettre de répondre.
2. Identification et sélection des communautés virtuelles
Afin de répondre à la problématique posée, il va falloir trouver une ou des communauté(s) se rapportant au plus près au problème posé. La démarche est facile, grâce aux moteurs de recherche qui permettent de tomber rapidement sur les thèmes concernés.
Il existe d’ailleurs de nombreuses plateformes qui rassemblent directement des communautés de blogueurs et qui proposent leurs propres outils de recherche. Par exemple, les blogs axés féminin disposent du site internet « HelloCoton » qui possède son propre annuaire, qui fait son tri en fonction des sujets traités et permet les échanges entre blogueurs et lecteurs.
Une fois les outils choisis, différents critères sont à prendre en compte pour sélectionner la ou les communauté(s) pertinente(s).
Dans un premier temps, les échanges doivent être fréquents et sur une longue période, il faut donc constater un nombre important de messages postés. Ensuite, les dernières interactions doivent être récentes et le contenu approprié et fourni. Pensez à bien vérifier que les conversations restent orientées vers le sujet principal et ne divergent pas de manière trop hétérogène.
3. Intégration de la communauté
La netnographie requiert d’intégrer la communauté choisie. Pour cela, deux choix sont possibles : soit mener une observation discrète, soit une observation participative. Cette dernière demandera le respect de certaines règles éthiques.
Ces deux méthodes requièrent une bonne préparation en amont. En effet, pour bien mener ce type d’étude, il est essentiel de bien étudier la communauté avant de commencer son observation participative ou non. Ainsi, il convient de se renseigner sur ses membres, le ton et le type de langage utilisé, ses usages, ses normes et ses orientations.
Concernant l’observation discrète, elle consiste, tout simplement, à suivre les échanges sans se présenter ou prendre part à la conversation.
A l’inverse, la mise en place d’une observation participative demande à l’enquêteur de se présenter de manière transparente auprès des membres de la communauté qu’il souhaite intégrer et de leur énoncer clairement ses intentions. En effet, pour ce type de procédés, la problématique éthique est souvent soulevée : doit-on dire qui on est ? pouvons-nous se présenter comme un internaute lambda ?
En agissant de manière « fourbe/malhonnête », le risque d’être découvert est beaucoup trop important pour être couru. En effet, tracer une adresse IP est devenu monnaie courante pour bon nombre de blogueurs. Et les conséquences, si cela se produit, peuvent être désastreuses au niveau de sa réputation.
4. Observation et collecte des données
Ensuite, concernant la période d’observation, elle doit être faite sur une durée suffisamment longue : on estime qu’il faut un minimum de 5 à 6 mois d’observation pour récolter des données pertinentes.
Pour ce qui est de la collecte de données, il est possible de choisir une solution automatisée. En effet, il existe aujourd’hui des logiciels prévus pour vous faciliter la tâche lorsque vous effectuez ce type d’analyse qualitative.
5. Analyse et regroupement des insights consommateurs
Que ce soit de façon manuelle ou automatisée, il est nécessaire de dégager les thèmes centraux récurrents. Les solutions informatiques facilitent largement la tâche des professionnels des études, particulièrement lorsqu’ils sont face à des amas de messages en ligne. Ces logiciels permettent de faire du verbatim et de l’analyse de texte à partir de citations, textes et parfois même de pages web. Autant dire qu’ils permettent de gagner en productivité surtout sur des tâches aussi fastidieuses.
Lorsque c’est une observation participative qui est menée, il est bien évidemment éthique d’exposer l’analyse aux membres de la communauté. Ainsi, leurs commentaires et remarques peuvent être ajoutés aux données de l’étude.
6. Traduire en actions marketing
Enfin, les résultats de l’enquête permettront de dégager des axes de communication pour des campagnes marketing futures, ainsi que des objectifs à atteindre pour le développement de produits et/ou services. L’étude d’une communauté pourra aller jusqu’à la réorientation complète d’une marque et la refonte de ses objectifs et de ses valeurs.
Limites
La netnographie présente deux types de limites :
- Premièrement, comme toute étude qualitative, les chercheurs auront un
impact plus ou moins important sur l’analyse des données.
Effec-tivement, de bonnes aptitudes d’empathie et
d’observation sont essentielles pour mener à bien ce type
d’étude.
- La seconde est propre à ce mode de collecte online. En effet,
entre le choix de la communauté et le manque d’information sur les
intonations, les comportements physiques et le profil des membres, il
faut tout de même garder du recul quant à l’interprétation exacte
des éléments recueillis.
Vers de nouvelles communautés
L’explosion du marché des Smartphones et des tablettes promettent de fortes évolutions au sein des communautés. Les échanges vont pouvoir évoluer vers des usages davantage mobiles, en se rapprochant du temps réel et en se multipliant.
La netnographie n’en est qu’à ses prémisses et son développement semble s’accélérer, comme le montre toutes les études internationales (cf étude Grit). Certains prolongent la technique en mettant en place leurs propres communautés où cette fois-ci les sujets sont orientés et animés par les praticiens d’étude dans le but de dégager les meilleurs insights consommateurs.
Alors créer sa communauté ou analyser celles qui existent ? A vous de choisir.