Du culte de la data, nous basculons lentement mais sûrement dans une culture de la data. Du Big nous sommes passés au Smart, et désormais au Feel Data. Comme pour donner davantage vie, chair et sens aux données récoltées, analysées et pilotées. Pourtant, les marques et les organisations se doivent de dissiper un mirage tenace : la data technology adresserait leurs problématiques comme par magie voire résoudrait miraculeusement tous leurs problèmes.
La data, d’un regard tactique à une vision stratégique
Las – ou fort heureusement – (re)donner de la valeur, (re)créer de
l’attachement, (re)générer la préférence, faire (re)venir le
client en point de vente sont autant des questions de data performance
que d’articulation autour d’un insight pertinent et de
création d’un écosystème expérientiel cohérent. La data
n’est qu’une brique – certes indispensable – de cet
écosystème.
Les data, notamment dans le contexte de parcours omnicanaux, ont
plusieurs vertus cardinales associées : personnalisation, anticipation,
fluidification. Autant de sujets essentiels constituant désormais le
cœur de la user et de la customer experiences. Au-delà du client
toutefois, demeure l’individu. Lequel souhaite, bien au-delà
d’un customer journey réussi, voir les marques adresser les
tensions qui le traversent.
Un regard vigilant et renouvelé sur la data s’avère donc
nécessaire, et ce pour trois raisons :
- En premier lieu pour compenser un certain effet pervers du « tout data
» : les débats s’aiguisent aujourd’hui sur les travers des
newsfeeds et walls de certains médias sociaux, où les data
algorithmiques ont fini par déboucher sur une homogénéisation des
contenus (informatifs, ludiques et publicitaires). Avec une conséquence
: l’individu-socionaute, corseté dans un référentiel en vase clos,
tend non plus à s’ouvrir et à s’enrichir mais à
s’enfermer et au final, potentiellement, à s’appauvrir.
- En second lieu car la donnée peut paradoxalement, non pas bonifier
l’expérience mais la parasiter et la télescoper : les données
comportementales constituent un gisement clé de personnalisation… à
condition de ne pas verser dans l’intrusion et la
sur-sollicitation via la technologie.
- Enfin et en troisième lieu, la data ne peut être uniquement
appréhendée sous un angle quantitatif, business et tactique, à travers
un enjeu de conversion et de fluidification du funnel d’achat.
Elle doit aussi être vue sous un angle qualitatif et stratégique, comme
facteur contributif à l’attachement à la marque.
De la data comportementale à la « deep data »
Ainsi des beacons, très en vogue depuis trois ans et aux fortes potentialités mais dont la contribution positive au business et à la marque reste encore, parfois, à pleinement démontrer. Pour engager, il ne suffit pas de notifier. La data technology ne peut adresser uniquement le versant comportemental de la facilitation (de la localisation, de la comparaison, de l’activation des promotions ou encore de la transaction). « Deep data », elle doit aussi être pourvoyeuse de sens et se mettre au service de la Brand experience. Elle doit faire écho à des human insights, à des tensions individuelles profondes. Il faut embarquer l’individu avançant masqué derrière le client. Il faut enchanter, créer la surprise, ouvrir son horizon et non l’enfermer dans un profil rigide. Ne pas seulement l’aspirer mais l’inspirer. L’enjeu n’est pas uniquement le drive to store ou autre call to action, mais la qualité, la singularité et la mémorabilité de l’expérience vécue. Si des expériences de fidélisation plus légères et plus adaptées sont indiscutablement permises par la data technology, l’attache-ment se crée par l’émotion.
Feel the data
A ce titre, les Feel Data ont donc une raison d’être évidente. Mieux capter et monitorer les fluctuations émotionnelles constitue un enjeu majeur. Toutefois, à l’image du social listening, ces données reptiliennes doivent être analysées en partie avec un cerveau qualitatif : c’est le croisement des data et d’un regard granulaire qui garantira sens et actionnabilité. On peut en effet tracker les sentiments sans maîtriser la corrélation avec la fidélité ou l’attachement à la marque. Et, derrière des données émotionnelles consistantes sur un temps présumé fort du parcours client, minorer voire ne pas déceler des moments clés cachés.
Ease the customer journey, enrich the life journey
De fait, par-delà la data elle-même, la technologie seule ne peut faire
de miracle : ainsi la VR, promise comme disruptive, cherche encore ses
marques et sa valeur contributive à une brand experience véritablement
augmentée demeure incertaine.
A l’heure où Pirch, magasin expérientiel de la Maison, superforme
aux USA, où Sephora déploie sa nouvelle expérience « Teach, Inspire,
Play », portée par la technologie phygitale, la data est un moyen de
revitaliser le contrat de marque. En période estivale, si un retailer me
propose non pas seulement un produit mais une expérience – non
pas, par exemple, l’achat d’un barbecue mais le contenu et
les services – via la technologie – me permettant de devenir
un expert du barbecue pour me reconnecter avec mes proches, alors la
technologie permet aux marques de bousculer leur catégorie et de faire
le pas en avant décisif.
En somme, la data trouve son véritable sens lorsqu’elle permet non
seulement de faciliter mon Customer journey mais d’enrichir mon
Life journey… A l’heure où les standards expérientiels ont
été rehaussés, notamment sous l’influence des technologies portées
et brandées par Amazon (Premium, Go, Dash), à l’heure où data rime
d’abord avec impératif de fluidité et d’efficience, la quête
de sens reste intacte. L’avenir sera tout autant human centric que
data centric.