Survey-Magazine : Qu’apporte vraiment la mesure de l’émotion à partir du rythme cardiaque ?
Isabelle Fabry : L'émotion est une dimension évidemment et éminemment présente chez les tous les êtres vivants de notre planète. Néanmoins, écrasée par la rationalité des valeurs qui ont piloté le business des années 80 aux années 2000, elle avait été un peu oubliée. Pour les marques, c'est très important dans le sens où l'émotion permet à la marque de devenir la madeleine de Proust du consommateur. Elle permet de rendre la marque plus impactante : plus l'émotion est intense plus la mémorisation est importante et plus la relation à la marque est humaine. L'émotion crée un lien direct avec l'acte d'achat. L'émotion du latin Motio signifie action de mouvoir/mouvement. De plus, 90 % des expériences émotionnelles sont divulguées. Plus l'expérience est disruptive, plus le récit est divulgué de manière automatique. Dimension qui est d'autant plus prégnante avec le digital et les réseaux sociaux. Mesurer l'émotion est d'autant plus important que notre cerveau est incapable de quantifier une émotion de manière précise et objective (comme le temps d'ailleurs, c'est pour cela que nous avons une montre).
Comment procédez-vous exactement et avec quelle fiabilité ?
Aujourd'hui, ActFuture est HNL Expert, et utilise donc la mesure HNL – Heart Never Lies. A l'origine, HNL a transformé la mesure de la variabilité cardiaque utilisée pour mesurer la douleur des patients lors des anesthésies en mesure du bonheur (en collaboration avec le CHU de Lille). Si l'on plonge dans les fondements scientifiques, HNL est un outil de mesure de l'engagement émotionnel basée sur une analyse poussée de l'électrocardiogramme (variabilité cardiaque) de personnes exposées à un stimulus (un contenu audiovisuel par exemple). De simples patchs connectés et placés de manière non invasive, reliés à un ordinateur permettent au logiciel HNL de saisir les plus infimes variations cardiaques de l'individu sondé. Notre technologie repose sur plusieurs brevets et publications scientifiques portant notamment sur la détection automatique des pics R, la normalisation du signal, la quantification du tonus parasympathique et la transformation en information émotionnelle exploitable. Deux points permettent de différencier notre technologie : la normalisation interindividuelle et l'étalonnage de l'échelle émotionnelle. La normalisation interindividuelle permet de diminuer le nombre de participants et de s'affranchir des variables parasites comme l'âge, le genre, etc. L'étalonnage de l'échelle émotionnelle : les degrés HNL (°HNL) fournissent une information claire et directement exploitable de l'impact émotionnel seconde à seconde de l'expérience des participants parce qu'ils ont été étalonnés. Quatre températures émotionnelles sont ainsi proposées : non significative, faible, moyenne ou forte intensité émotionnelle.
Pouvez-vous nous décrire le process exact que vous utilisez pour réaliser vos mesures ?
Il s'agit de 7 étapes très simples qui se succèdent.
1. Nous recrutons un panel représentatif de la cible visée (taille
d'échantillon à établir en fonction des objectifs de la recherche).
2. Nous équipons ces personnes de petits capteurs de pulsations
cardiaques non intrusifs (aux poignets sinon au cou quand les mains
doivent être utilisées).
3. Nous présentons les contenus à mesurer aux membres du panel sur
un PC.
4. Nous enregistrons et synchronisons les contenus et les pulsations
cardiaques.
5. Nous soumettons ces données à notre algorithme.
6. Nous livrons la variation de l'intensité cardiaque synchronisée
avec les contenus.
7. Nous interrogeons les panélistes de manière qualitative
(questions ouvertes avec approfondissement des mécanismes
psychologiques).
Cette mesure objective de l'émotion, par définition éminemment subjective, s'accompagne obligatoirement d'une interrogation "classique" de verbalisation des ressentis et d'approfondissement de la connaissance des processus psychologiques qui permet de mettre en lumière et de comprendre le pourquoi, le comment, le dans quel mieux peut on agir. Constater c'est bien, valider c'est confortable mais comprendre pour mieux agir à l'avenir c'est optimal.
Quelles sont les applications que cette technique peut permettre ?
Ils sont très larges et toujours en cours de développement. Tout contenu rationnel et plutôt intellectuel comme la formation, les discours politiques. Tout contenu expérientiel en mouvement comme un habitacle automobile ou une boutique. Tout contenu visuel comme les publicités, les sites, les applis. Tout ce qui est sensoriel comme l'odeur, le toucher, le goût (en cours de test). Le mieux est de nous demander et nous vous ferons une étude personnalisée !
Que peut-on envisager, plus précisément, dans le domaine de la recherche marketing ?
Synthétiser en un chiffre clé l'émotion, donnée par définition volatile, incertaine, complexe et ambiguë, et ce sans passer par l'analyse et donc le biais du cerveau tient du vrai miracle. Au-delà de l'attrait purement intellectuel ou méthodologique, on est dans la synthèse parfaite entre donnée qualitative et donnée quantitative. Cela qui donne des perspectives magiques en termes de décisions marketing : choisir entre différents packagings, produits, films publicitaires, bandes audio, parfums, ce qui génère le plus d'émotion, donc d'attrait immédiat, d'adhésion, donc de ventes... est un rêve pour tout décideur. Avec au-delà de la pure donnée, un entretien qualitatif qui permet de se dissocier, d'analyser, de verbaliser et donc de comprendre ce qui s'est passé et pourquoi cela s'est passé. De là à sur le long terme, comprendre ce qui déclenche l'émotion dans son domaine d'activité et donc repérer la pépite de l'excellence pour modéliser sur cette base sa communication et son marketing, il n'y a qu'un pas...